Nous renouons avec notre témoin
privilégié du premier conflit mondial, le lieutenant-colonel ROUSSET, ancien
professeur de tactique à l'Ecole supérieure de guerre avant 1914.
Début juin, les forces italiennes
paraissent progresser avec rapidité dans le Trentin alors que les Russes font
effort pour reprendre l'initiative. L'auteur condamne, à juste titre, l'ordre
du consul allemand à Caïffa en Syrie qui a fait profaner les tombes des soldats
de Bonaparte. Il diabolise ainsi, une fois de plus, un ennemi déjà accusé d'utiliser les
gaz asphyxiants en dépit de toutes les lois de la guerre ou qui bombarde la
cathédrale de Reims (la propagande s'intensifie encore un peu plus). La traduction d’un carnet d’un
officier allemand mort semble montrer un effondrement moral des soldats
adverses d’un bataillon, déduction généralisée à toute l’armée allemande sans
précaution aucune par notre observateur averti, les troupes françaises étant persuadé d’avoir une
supériorité notable en la matière avec l’héritage d’Ardant du Picq. L'effet dévastateur de la doctrine de l'offensive à outrance du début du conflit se poursuit.
Dans les Dardanelles, une nouvelle
attaque est lancée le 4 juin avec l’appui de toute l’artillerie disponible, y
compris navale. Malgré l’optimisme du lieutenant-colonel ROUSSET, les Russes
doivent évacuer Przemysl sous une avalanche de fer austro-allemande. Même si la
retraite s’est faite en bon ordre, cet évènement tactique démontre que l’effort
de l’Allemagne en matière industrielle
porte ses fruits avec une réelle supériorité dans l’artillerie.
La France
fait le même constat en la personne de M. Dalbiez et de son projet de loi qui réclament une meilleure
utilisation des ressources, humaines d’abord en réduisant le nombre « d’embusqués »,
ces « sursis d’appel » injustifiés (et en ramenant du front des
hommes formés et experts) mais également techniques, en augmentant le nombre d’ateliers ou fabriques d'armement.
Partout, de Toutvent à Gallipoli en passant par l’Isonzo ou Neuville-St-Waast, les
compte-rendu font état de pertes énormes (1000 à 3000 hommes) pour des assauts
ne dépassant pas la semaine et ne se concluant que par quelques gains
territoriaux dérisoires (un village, 150 à 400 m de profondeur).
Les Alliés
découvrent, le 8 juin, que des troupes allemandes complètent les unités turques
face à eux, immobilisant sur ce théâtre d’opérations la ligne de front.
Le 11 juin, au Cameroun, le corps
franco-anglais du colonel Cunliffe s’empare de Garoua réduisant un peu plus encore la présence allemande en Afrique. Du 14 au 17 juin, une
nouvelle offensive française est lancée dans les Vosges avec des résultats
mitigés même si les récits officiels parlent de victoires décisives et d’attaques
héroïques (comme sur la Fecht ou sur le Braunkopf). Dès le 18 juin, il apparaît
évident que la poussée allemande face au Tsar se fait constante et ce, notamment grâce à une
nouvelle masse de manœuvre engagée. Notre témoin admet timidement que toutes
les évaluations sur l’épuisement de l’ennemi sont infondées et que les Russes
ne doivent leur salut qu’à leur combativité. Ces derniers tiennent désespérément
la ligne défensive de Lemberg mais pourraient rapidement rompre car ils ont
perdu l’initiative, souffrent d’une grave pénurie de munitions et n’ont plus aucune
liberté d’action opérative. En effet, en parallèle des attaques de Mackensen en
Galicie, Hindenburg relance à sont tour le combat 300 km plus au nord pour
fixer l’ours russe.
Dans le nord de la France, dans le
labyrinthe d’Arras, les combats coûtent à l’armée française près de 2000 hommes
en 3 jours. Dans les Dardanelles, le 21 juin, la redoute turque du Haricot est
enfin enlevée par les Français, mais au prix de pertes terribles des deux côtés,
puis le 1er juillet c’est le Quadrilatère qui tombe après une
avancée de 1500 m des Britanniques. Les
écrits de notre officier mettent en avant la « guerre usinée », c’est-à-dire
cette prise de conscience que le conflit prend une nouvelle dimension
industrielle et qu’il se gagnera également dans les usines, dans les progrès
scientifiques et techniques (l’académie des Sciences intègre d’ailleurs un
groupe de travail avec les armées). La Grande-Bretagne comme la France veulent
dépasser la production d’obus allemande, à savoir 250 000 projectiles par
jour, mais ces deux pays manquent de matière première (il faut 8kg de fer pour un obus de 75mm
alors que de nombreux centres économiques sont occupés).
Le 25 juin, les Russes qui ont dû
évacuer Lemberg tentent d’établir un nouveau front mais n'y parviennent pas. A compter du mois de
juillet, les opérations se réduisent, chaque camp tentant de reconstituer ses
forces, même si des actions violentes localisées (comme au Bois des Prêtres) sont
détaillées par le lieutenant-colonel Rousset. Même sur le front italien, la guerre de position s’installe à son
tour alors que de nombreux espoirs avaient été fondés sur les qualités manœuvrières (en particulier en montagne) des troupes transalpines. Il n’y a qu’à l’est que les Russes poursuivent leur retraite effrénée
entre la Vistule et la Bug amis aussi en Galicie. Enfin, le 9 juillet, le gouvernement britannique s’inquiète
du nombre de plus en plus faible de volontaires et commence à envisager le
service obligatoire face à une opinion publique qui n'y était pas préparée. La guerre s’annonce longue et meurtrière.
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