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vendredi 20 février 2015

Guerre de Corée : la bataille de Chipyong-Ni.

 
Comme nous le faisons régulièrement, nous vous proposons une fiche bataille riche en enseignements et propre à ouvrir le débat sur l'évolution ou la continuité des modes d'action comme des principes tactiques. Cette semaine, il s'agit d'un des combats majeurs de la guerre de Corée, la bataille de Chipyong-Ni le 13 février 1951 à hauteur du 38ème parrallèle. Le bataillon de Corée français, dont nous avons déjà parlé, participe à cet engagement meutrier aux côtés des Américains.
 
 
Forces en présence :
Armée chinoise et forces nord-coréennes : 39ème DI : cette division fut renforcée par 3 autres.
Forces de l'ONU : 23ème RI US : 3 bataillons d’infanterie US, le bataillon français, une compagnie de char, le 37ème bataillon d’artillerie.


Contexte général :
Prétextant une incursion sud-coréenne au nord du 38ème parallèle, sûr de la supériorité de son armée populaire, Kim Il Sung décide d’envahir la partie sud de la péninsule. Le conflit se déroule en 4 phases :
-De mai à septembre 1950 : l’offensive nord-coréenne est victorieuse jusqu’à la « poche de Pusan» à l’extrémité sud de la Corée.
-De septembre à novembre 1950 : les forces alliées réunies autour des Américains sous la bannière des Nations Unies débarquent en masse à Inchon et reprennent le terrain perdu en contre attaquant jusqu’au nord du 38ème parallèle.
-De décembre 1950 à février 1951 : l’intervention massive de combattants « volontaires » chinois repousse les forces alliées sur le 38ème parallèle.
-De mars 1951 à la signature de l’armistice le 27 juillet 1953 : la contre attaque chinoise est stoppée sur le 38ème parallèle et le conflit se stabilise au grès des négociations.
 
La bataille de Chipyong-Ni s’inscrit dans le cadre du repli défensif des forces alliées vers le 38ème parallèle sous l’effet de la contre attaque chinoise. C’est la bataille qui symbolise la tactique défensive mise en place par le nouveau général en chef, le général américain Ridgway, la tactiqyue de « l’abcès de fixation ».
 
Déroulement de la bataille :

 
Temps 1 : préparation du périmètre défensif et patrouilles.
Le 23ème RI reçoit la mission de défendre un périmètre défensif fermé autour de la localité de Chipyong-Ni. Il s’agit pour les alliés de tenir le plus longtemps possible cet important nœud routier dans un fond de vallée et entouré, sur un rayon de 2 à 3 km, de crêtes abruptes. Le climat hivernal est très rude (-35°C la nuit). Le 3 février, le 23ème RCT (Regimental Combat Team ou RI) occupe la position et organise sa défense sur 1 km autour de la localité, vidée de ses habitants : les 4 bataillons renforcés d’appuis sont disposés le long du périmètre avec un front de 1000 mètres environ par bataillon. L’organisation du terrain s’amorce et des reconnaissances sont conduites par des patrouilles profondes sur les reliefs environnants.  Le contact est établi avec l’avant-garde chinoise et, entre le 4 et le 11 février, l’étau se resserre autour du périmètre défensif. En fait, 4 divisions chinoises sont identifiées autour de Chipyong-Ni et achèvent l’encerclement le 12 février.
Temps 2 : L’attaque chinoise et la résistance franco-américaine.
L’ennemi attaque à 22 heures. Les vagues d’assaut, appuyées par une intense préparation d’artillerie chinoise, sont brisées par les tirs directs d’arme lourde des sections d’infanterie. L’artillerie américaine manque de recul pour appuyer les éléments « au contact », et tente de désorganiser les concentrations ennemies de deuxième échelon. Au matin du 14 février, les Chinois se replient. Le soir même, à 23 heures, un second assaut est conduit. Une brèche est réalisée à la jonction des bataillons français et américains, mais ne peut être exploitée par les forces de Pékin. A cet instant les tirs chinois sont à portée du PC du 23ème RI, la situation est critique. Néanmoins, usés, les Chinois s’enterrent  sur place et seront progressivement réduits au cours de violents combats rapprochés lancés par les Alliés dans la journée du 15 février.   
Temps 3 : La contre attaque alliée et le raid blindé.
Alors que le périmètre n’est pas encore rétabli, une attaque de 2 avions Mustang, qui profitent d’une courte fenêtre météo, permet la destruction des dernières positions chinoises encore au contact. Les évacuations sanitaires ont lieu par hélicoptère et le ravitaillement est assuré par  aérolargage. Dans la nuit du 16 février, des infiltrations chinoises permettent la mise en place de points d’appui ennemi répartis en lisière de périmètre défensif allié. A 16 heures, afin de reprendre définitivement l'initiative, un raid blindé américain de 22 chars Patton est planifié puis conduit avec une compagnie d’infanterie en provenance du sud. Se frayant un chemin au travers du dispositif chinois, cette attaque surprend l'ennemi et parvient à briser l’encerclement. Elle provoque le repli en désordre des éléments chinois au contact et signe la fin de la bataille.  
Bilan :
L’armée chinoise subit à Chipyong-Ni sa première défaite d’ampleur perdant, en 4 jours de combat, près de 10 000 hommes.
Les pertes alliées restent concentrée sur la compagnie d’infanterie en accompagnement du raid blindé, dont il ne reste que 7 fantassins, tous blessés.
Enseignements de la bataille :
Procédés tactiques 
La tactique de l’abcès de fixation permet aux alliées de concentrer les forces chinoises en des points où elle pourra subir de lourdes pertes. Cette tactique est un succès et les Alliés reprennent confiance dans leur puissance de feu.  
Aguerrissement 
Les conditions de combat à Chipyong-Ni furent extrêmes, et les pertes par gelure plus importantes que celles liées aux combats. Le combat eu lieu de nuit, souvent à très courte distance. Comme le relève le général Monclar, commandant les éléments français, c’est la ténacité de la troupe et la pugnacité des cadres qui ont été la condition du succès. En guise d'exemple de cette force morale, deux légionnaires du PC du bataillon français pris sous le feu se coiffèrent du Képi Blanc le 15 février, déclarant qu’ils « feraient Camerone ».
Appui 
L’impossibilité de l’artillerie du 37ème bataillon d’appuyer les troupes au contact résulte d’une mauvaise position des pièces (manque de recul) imposée par le peu de profondeur du dispositif. L’appui aurait pu être réalisé par l’artillerie d’autres « abcès de fixation » distants de moins de 15 km, mais cela n’a pas été réalisé faute de moyens radio pertinents. Le manque de moyens d’appui à la contre mobilité n’a pas permis de valoriser convenablement le périmètre défensif (absence de barbelés, faible nombre de mines, faiblesses des moyens d’éclairement du champ de bataille). Les positions des fantassins ont été creusées dans le sol gelé à l’aide d’explosifs, faute de moyens individuels performants.
 
 




 


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