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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mercredi 25 avril 2012

Jambaars : héritiers et acteurs de l’histoire militaire sénégalaise.


Après quelques jours de « pause opérationnelle », comme promis, je vous propose une série d’articles sur ces soldats venus d’Afrique, d’hier et d’aujourd’hui, qui ont écrit avec leur sang une partie de de l’histoire militaire du XIXème ou du XXème  siècle. Aujourd’hui, je profite de lectures pour vous faire découvrir les forces armées sénégalaises et ses Jambaars.
Ce mot, issu de la langue wolof et qui peut se traduire par « le guerrier, l’homme valeureux », est aujourd’hui le terme officiel pour désigner les militaires de l’armée sénégalaise.
Héritiers des combattants des royaumes ancestraux comme celui du Walo ou du Baol, puis des tirailleurs sénégalais qui ont combattu pour la France avec dévouement et courage, ces soldats ont fondé, dès le 20 août 1960, une armée nationale organisée, reconnue au niveau régional et international, respectueuse des institutions et riche, aujourd’hui, d’une expérience opérationnelle éprouvée.
Dès lors, nous verrons d’abord sa montée en puissance depuis l’indépendance, puis son organisation actuelle et enfin, sa participation aux engagements militaires de ces dernières années.





La montée en puissance.


Après l’indépendance puis avec l’éclatement de la Fédération du Mali en 1960, le Sénégal se dote d’une armée nationale qui, selon le « plan raisonnable » mis en œuvre par la France prévoyait un effectif de 5 000 hommes pour 1968 avec le déploiement d’un état-major, d’un bataillon technique (une compagnie parachutiste, une compagnie de dépôt, une compagnie de transport, une compagnie de transmissions et une compagnie de génie), d’un bataillon à Saint-Louis (une compagnie de commandement et deux compagnies de fusiliers voltigeurs), d’un bataillon à Kaolack (une compagnie de commandement et une compagnie d’infanterie), et d’un bataillon à Tambacounda (une compagnie de de commandement et une compagnie de reconnaissance). L’armée de l’air et la Marine devront attendre 1972 pour gagner leur indépendance fonctionnelle. Les  Jambaars, sous l’égide du général Fall, leur premier chef d’état-major, voient d’emblée leur mission dépasser le périmètre strict de la défense au profit d’une participation accrue au développement du pays et de ses infrastructures. A ce titre, cinq zones militaires sont créées en 1972 pour mailler le territoire au plus près du terrain et de la population.
Conscient de la nécessité de former ses soldats, l’Etat sénégalais investit très tôt dans la formation avec l’école militaire de santé en 1968, l’école nationale des sous-officiers en 1971, l’école des officiers d’active et celle de l’armée de l’air en 1981, puis enfin la division d’application de l’infanterie de Thiès en 1984 (qui deviendra école d’application d’infanterie pour la sous-région dans le cadre des ENVR en 1990). Parallèlement, l’état-major général des armées adapte ses structures à l’augmentation des effectifs et à la modernisation des forces.


L’armée sénégalaise aujourd’hui.


Le président de la République demeure le chef des armées (15 000 hommes en 2012, tous professionnels) et le chef d’état-major général exerce son autorité, au niveau opérationnel, sur les gouverneurs territoriaux des sept zones militaires aujourd’hui instituées. Ces dernières représentent les fondements de l’intégrité territoriale du pays et illustrent le principe de « déconcentration » de la défense nationale sénégalaise. Sur les frontières, les unités de ces zones sont chargées de constituer le premier rideau défensif face à un agresseur avant l’engagement des unités dites de « réserve générale ».
Cette force de deuxième échelon se compose pour sa part d’un bataillon parachutiste (3 compagnies de combat), d’un bataillon de commandos (3 compagnies de combat), d’un bataillon de blindés (3 escadrons de chars ERC 90 Sagaie), d’un bataillon d’artillerie (une batterie de TRF1 155mm, une batterie d’obusiers 105HM2, une batterie anti aérienne- canons), d’un bataillon du train (à deux escadrons de transport).
Sur l’ensemble du territoire, on trouve ensuite les 6 bataillons d’infanterie (à 3 compagnies de combat appuyées par des canons de 20mm et des mortiers de 120mm), et les quatre bataillons de reconnaissance et d’appui (deux compagnies sur Sagaie et une compagnie d’infanterie motorisée). Pour les raisons évoquées plus haut, le génie militaire tient une place particulière au Sénégal et contribue aux nombreux chantiers d’aménagement du territoire. Dans ce cadre, le bataillon de soutien du génie, ainsi que le bataillon des travaux du génie déploient leurs équipements pour l’appui aux troupes et la dépollution (déminage en Casamance par exemple) mais aussi pour des projets civils comme la construction de routes, le montage de pont ou le forage de puits.
L’armée de l’air dispose de deux groupements opérationnels (hélicoptères Mi 35 et Mi 7, avions de transport et d’appui au sol de type Casa ou Epsilon), d’un groupement de soutien et d’un groupement de fusiliers de l’air. La Marine peut compter sur des patrouilleurs maritimes et des bâtiments fluviaux ou amphibies.
Il est à noter que le 1er bataillon d’infanterie est actuellement le régiment de tradition sénégalais et a repris, à ce titre, les attributs du 1er régiment des tirailleurs sénégalais. Quant aux autres unités, elles arborent, toutes, la fourragère française aux couleurs de la Croix de guerre 1914-1918 en souvenir des sacrifices consentis par la « Force noire ».  


Une riche expérience opérationnelle.


Forts de leurs engagements en Casamance (sur lesquels nous reviendrons dans un prochain post) et de leur professionnalisme reconnu, les Jambaars ont très tôt été engagés à l’extérieur de leurs frontières pour des missions de maintien ou de rétablissement de la paix sous l’égide de l’ONU ou d’organisations africaines (CEDEAO) mais également dans des opérations en lien avec des accords de défense auprès d’autres pays africains. Dans 20 théâtres différents, du Katanga en 1960 à la Guinée Bissau en 1998 en passant par la Gambie, le Sinaï, le Tchad ou l’Arabie Saoudite (opération Desert Storm), le soldat sénégalais défend à chaque fois une tradition de solidarité internationale et des principes de protection de la paix, de défense de la démocratie et de soutien humanitaire. Aujourd’hui, ayant acquis la confiance des instances internationales, l’armée sénégalaise déploie encore des contingents au Soudan, en Côte d’Ivoire, en RDC, en Angola et en RCA-Tchad.


Pour conclure, il apparaît que les forces armées sénégalaises représentent, sur le continent africain comme sur la scène internationale, un exemple d’armée professionnelle, efficace, respectueuse de l’état de droit et riche de son expérience opérationnelle et ce, malgré sa création récente (52 ans). Fiers de leur histoire militaire, les Jambaars ont su mettre sur pieds un outil de défense évolutif et adapté au théâtre national comme aux engagements extérieurs qu’ils soient dans un cadre de stabilisation ou de coercition. Guidés par leur devise : « on nous tue mais on ne nous déshonore pas », ils écrivent, parfois en lettres de sang, les pages de leur histoire militaire à l’instar des mots du président et célèbre Léopold S. Senghor : « Héritiers d’une noble tradition dans laquelle l’homme n’avait besoin que d’un cheval, d’un fusil et d’une noix de cola pour s’en aller mourir au loin, pour l’honneur, dans une belle chevauchée ».

2 commentaires:

  1. Merci beaucoup Frédéric pour ce beau résumé.Je reviendrai plus tard comme promis avec quelques contributions. Colonel Cissé

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  2. Merci pour cet article

    Juste pour préciser la devise :
    On nous tue, on ne nous deshonore pas

    il n'y a pas de "mais"

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