Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mercredi 16 mai 2012

L’armée romaine dans la tourmente : regards croisés avec notre époque.


Cette semaine, dans la rubrique « A lire »  de votre blog, je vous propose l’ouvrage de Yann Le Bohec « L’armée romaine dans la tourmente, une nouvelle approche de la crise du IIIème siècle ».
Passionnant et remarquablement documenté grâce à des sources contemporaines mais aussi antiques, ce livre aborde l’évolution de l’armée romaine,  celle des célèbres légions après l’âge d’or ouverte par Auguste au début du première siècle. Mais ce qui marque le plus le lecteur, c’est bien la description d’une situation géostratégique, économique, sociale et politique qui n’est pas sans rappeler notre époque. En effet, les troupes romaines, comme les armées occidentales d’aujourd’hui, après avoir tiré les dividendes de leur supériorité technique, tactique et organisationnelle, voient leur suprématie mise à mal.

Dans ce cadre, les adversaires potentiels tirent les leçons des échecs du passé et adaptent leurs modes d’action ou leurs armes (cataphractaires), à l’instar des guerriers germains, de ceux issus des royaumes orientaux ou des cités puissantes comme Palmyre. Ils tiennent ainsi tête aux légions grâce à leur mobilité, à leurs attaques fulgurantes, à leurs effectifs nombreux et face à l’incapacité, pour Rome, de maintenir des forces sur l’ensemble d’un territoire immense. Des menaces disparues réapparaissent comme la piraterie que la flotte impériale peine à endiguer faute de navires suffisants.
Parallèlement, l’Iran, héritière des Parthes, connaît une transformation politico-sociale ainsi qu’un regain de puissance pour devenir l’adversaire majeur de l’empire romain et une source de déstabilisation permanente de l’équilibre créé par la « Pax Romana ». Comment donc ne pas faire écho à la situation actuelle au Moyen Orient et aux choix diplomatiques de Téhéran… En outre, les militaires de Rome subissent, dans le cadre de leur recrutement, de leur équipement et de leur emploi, les effets de la crise financière et des soubresauts politiques (coups d’état, changements d’empereurs, révoltes, défaites) qui sévissent entre 214 et 284. En clair, les légions doivent davantage compter sur l’apport des troupes auxiliaires, souffrent de dissensions internes (rivalités entre légionnaires, prétoriens, speculatores,…) et sont critiqués par une population qui ne supporte plus les impôts réclamés dans le but de financer les guerres et les expéditions lointaines. Aujourd’hui, les choix budgétaires ou politiques mais aussi les sociétés « postbelliques », décrites par le sociologue François Géré, sont autant de contraintes pour les armées occidentales dans un monde secoué par des crises multiples.
Néanmoins, lueur d’espoir, les Romains réussiront à retrouver une situation militaire stable grâce à des empereurs comme Tacite ou Probus mais au prix d’une rénovation en profondeur des équipements, de la logistique, de la doctrine et de l’entraînement des légions. On voit apparaître de petites unités modulaires, les « vexilationes » souples d’emploi et capables de mener des missions de police, une cavalerie plus nombreuse (copiée sur celle des Dalmates), une nouvelle formation tactique dite « la hure de sanglier », un armement plus défensif (pour éviter le corps à corps avec les Iraniens) doté d’armes de jet ou de lances très longues.
Dès lors, les armées contemporaines doivent peut-être également repenser, de manière plus globale, leur organisation et leurs moyens d’agir et ce, à l’aune des menaces émergentes même si ce parallèle historique, décrit plus haut, demeure le fruit de ma réflexion personnelle. Bonne lecture…

Frédéric Jordan

2 commentaires:

  1. Les Etats-Unis se sont comparés plusieurs fois dans leur histoire récente à la Rome de la fin de l'Empire romain : après le Vietnam, dans les années 90, et probablement aujourd'hui avec la recrudescence de films à grand spectacle autour du thème des légions romaines. La psychose de la décadence ?

    Johann

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    1. Merci pour votre commentaire qui montre combien les armées occidentales craignent de perdre leur rang ou leur rôle central face aux puissances émergentes et aux menaces du moment.D'ailleurs, Emmanuel Todd, dans son livre "Après l'Empire" décrivait déjà cette décadence ressentie ou réelle des Etats-Unis. A bientôt.

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