Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mercredi 2 mai 2012

Petit focus sur le lieutenant Brunbrouck.


Suite aux commentaires appuyés de certains d'entre vous, je m'arrête, l'espace d'un  court article, sur la vie du lieutenant Brunbrouck et, en particulier, son fait d'armes majeur à Dien Bien Phû avec ses canonniers sénégalais. Il a d'aileurs donné son nom à une promotion de Saint-Cyr il y a quelques années. Bonne lecture.
Paul Emile Brunbrouck est né le 30 octobre 1926 à Roubaix. Il est le plus jeune d’une famille modeste de onze enfants. Très tôt, il est frappé par les épreuves de la vie. Il aura un destin hors du commun...

La mère de Paul décède alors qu’il n’a que 26 mois et il est donc élevé par Alix, l’aînée des filles, âgée de 18 ans, qui va remplir la fonction de mère de famille.
Paul, dans sa petite enfance, montre déjà beaucoup de curiosité pour la culture militaire. Il aime lire et relire des ouvrages relatant la guerre de 1870 et le désastre de Sedan. Paul rentre à six ans à l’école privée Saint-Joseph de Wattrelos, tenue par les Frères des Ecoles chrétiennes. A l’école primaire, Paul marque beaucoup d’intérêt pour l’histoire de France, et les illustrations des dessins de ses livres d’histoire le font rêver.
Quand les Allemands envahissent le Nord de la France, Paul Emile Brunbrouck a quatorze ans. Deux de ses frères quittent la province, lui demeure dans la maison familiale. Il connaît le fracas des bombardements puisque des bombes anglaises tombent à 500 mètres de sa maison.
Paul va également connaître l’angoisse des interrogatoires de la Gestapo. Un jour, accompagné de l’un de ses frères, alors qu’ils rentrent après le couvre feu, ils sont arrêtés par une patrouille allemande puis interrogés dans les bureaux de la Gestapo. Après avoir été relâché, Paul confie à son frère Albert qu’il a été très marqué par l’univers concentrationnaire : les locaux, les sentinelles, les chiens…

Attiré par le métier des armes et l’excellence que symbolise Saint-Cyr, Paul Brunbrouck décide de rentrer à la corniche Faidherbe de Lille pour préparer le concours. Malgré le fait que Paul soit externe, il partage l’ambiance de cohésion et d’amitié qui règne dans la corniche. Paul se manifeste par sa bonne humeur et son espièglerie.
En 1948, Paul réalise son rêve, il est admis à l’Ecole Spéciale Militaire Interarmes avec le titre de Saint-Cyrien dans la promotion « Général Frère ». Il exprime sa vocation en ces termes : « Pour moi la France n’est pas un vain mot et ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort ».
Pour Paul, fils d’une famille modeste du Nord de la France, c’est une chance de prouver sa valeur. Une anecdote est à relever. A la fin de sa scolarité à Saint-Cyr, Paul Brunbrouck assiste à un amphi consacré à la présentation des Armes. Au cours de cette amphi, un capitaine de l’artillerie coloniale clame : « Si vous aimez la rigolade, la paillardise et le bon vin, venez chez les Bigors ! Nous, ce ne sont pas des majors qu’il nous faut, ce sont des culots ! » Paul exulte alors qu’il n’est nullement sorti culot mais 5e sur 439. C’est en effet avec des notes élogieuses que Paul quitte Saint-Cyr. Le commandement de l’Ecole écrit de lui qu’il est un « élément de premier ordre, tout de solidité et de dynamisme qui, bien conseillé et bien guidé, doit faire une brillante carrière ».

Paul choisit donc de rentrer chez les Bigors. La coloniale lui promet une carrière aventureuse et une ambiance bon enfant. Il n’en faut pas plus pour l’attirer. Il est affecté à l’Ecole d’Application de l’Artillerie le 2 octobre 1950 puis au RATC en Tunisie en 1952, et arrive ensuite en Indochine où il rejoint rapidement le camp de Dien Bien Phu.
Le 30 mars est un soir exceptionnel à Dien Bien Phû. L’attaque débute au crépuscule. Deux régiments vietminh attaquent les  points d’appui Dominique 1 et 2, deux autres régiments les points d’appui Eliane 1 et 2. L’artillerie, bien que fortement harcelée, applique ses tirs d’arrêts tous azimuts. Toute la nuit, cinq compagnies du 1er BEP et la 1/13 DBLE montent successivement à la rescousse d’Eliane 2. Elles sont décimées mais au matin l’ennemi n’a pas gagné un pouce de terrain. Afin de percer il décide alors de porter son effort vers le pont de la Nam Youn. Son élan vient se briser  contre une batterie du 1er / 4ème RAC (régiment d’artillerie coloniale), celle du Lieutenant Brunbrouck.
Brunbrouck observe que les tirailleurs algériens de Dominique, ébranlés par la préparation d’artillerie, dévalent les pentes de leur colline en direction de la Nam Youn. Au passage, la panique s’étend à certains des soldats de la compagnie d’infanterie qui, à Dominique 3, protègent la 4ème batterie. Brunbrouck rend compte de la situation au PC de groupe qui alerte le PC du camp retranché. Si Dominique 2 est occupée par les Vietminh, la 4ème batterie ne sera plus qu’à 400 m de l’ennemi et soumise au tir des armes d’infanterie. Mais bientôt, il apparaît que les Vietminh progressent derrière les Algériens en direction de la batterie d’artillerie.
Alors que les tirailleurs algériens refluent depuis Dominique vers ses positions, Brunbrouck aperçoit l’ennemi à leur suite. Le colonel Langlais ne pouvant dégarnir les postes d’Eliane 2 pour venir a son secours, Brunbrouck reçoit l’ordre de détruire ses canons pour se replier, ordre contre lequel il s’insurge, alors même qu’une division Vietminh vient se jeter sur ses positions. Après avoir rendu compte de son incapacité à continuer la mission en cours, pour assurer sa propre défense, il  déclenche le feu en utilisant le commandement des  vieux canons de 75mm (de la première guerre mondiale) : « Débouchez à Zéro ». Dès lors, faisant pointer à vue directe et à charge maximum ses canons, il fait éclater ses obus à quelques dizaines de mètres seulement de la position de la  batterie, hachant littéralement sur place les déferlantes adverses.
Par cette action, Brunbrouck et ses canonniers terminent une terrible nuit, durant laquelle 1500 hommes sont tombés pour sauver Diên Biên Phu.
Le destin frappera dans la nuit du 13 avril, alors que la batterie s’est repliée sur le point d’appui Claudine. Pour la première fois, l’artillerie Vietminh se concentre en effet sur les seules positions de Brunbrouck. Les pertes sont lourdes, lorsque, en fin d’après un obus explose sur le PC de la batterie où seul Brunbrouck est frappé mortellement. Porté par ses tirailleurs sénégalais jusqu’à l’infirmerie, il meurt des suites de ses blessures.

Le camp retranché ne tombera que 38 jours plus tard….

1 commentaire:

  1. J'ai récupéré cette photo pour illustrer un de mes textes de fiction. Je vous invite à me dire si cela vous choque, vous heurte ou vous touche. Je la retirerai de suite si vous en avez les droits.

    http://drusilladelusion.wordpress.com/2014/01/17/beatrice/

    RépondreSupprimer