Comme à l'accoutumée, nous vous proposons de regarder le premier conflit mondial dans les yeux du lieutenant-colonel Rousset, contemporain de cette époque et commentateur militaire appliqué des opérations en cours sur tous les fronts.
Face aux échecs des
offensives allemandes, notamment en Russie, le lieutenant-colonel Rousset,
notre témoin, analyse l’échec ennemi comme l’illustration de sa tactique
dépassée selon une structure « en
bataille » (y compris au niveau opératif) digne des plus mauvais
généraux de la Guerre de Sept ans. Le 03 mars, la population française découvre
le premier train de soldats mutilés et prisonniers rentrant dans leurs familles
après un séjour difficile dans des camps allemands. L’horreur de la guerre
demeure graver dans leurs chairs. Une offensive russe de grande envergure
laisse présager un moment clé avec des actions victorieuses à Grodno, en
Bukovine ou dans les Carpathes. Parallèlement, 52 navires alliés sont entrés
dans le détroit des Dardanelles en bombardant les positions turques tandis que
3 cuirassés contournent la presqu’île de Gallipoli pour frapper les lignes de
Boulair. Sur ce nouveau théâtre d’opérations l’optimisme est à son comble et un
effort est mené pour détruire les positions des forces turques alors même que
l’effet de surprise est passé et que la Turquie attend un engagement au sol
imminent. D’ailleurs son armée a été formée par les Allemands (Von de Goltz et
Sanders sont cités par l’auteur).
En outre, la propagande se met en place au
travers de communiqués qui, de part et d’autre, travestissent la réalité, que
ce soit les effets des bombardements aériens que les choix de manœuvre menés
par les belligérants. Dans ce cadre, la prise d’une partie du village et du
plateau de Vauquois en Argonne est mise en scène par les Français au travers de
récits épiques montrant l’intérêt stratégique de cette position et le sacrifice
des soldats dont les actes héroïques sont contés sans jamais évoquer les
lourdes pertes françaises. L’action des U.Boot allemand est dénoncée par
l’auteur qui la définit de « perfide » et il décide de démontrer que
la « Germanie » est traquée
partout dans le monde, contribuant ainsi aux efforts de propagande du moment. A
titre d’exemple, il détaille d’ailleurs le déploiement des forces françaises en
Orient, en particulier près d’Alexandrie en Egypte (camp Victoria). En
revanche, il s’inquiète quant à la situation sur le front de l’est : « il est assez difficile de se reconnaître au
milieu des communiqués russes, qui se suivent sans toujours se ressembler »
craignant sans doute que les communiqués victorieux de l’allié moscovite ne
soient guère en phase avec la réalité du terrain. Dans un autre registre, il
relate un rapport des services sanitaires avec un focus assez rare pour l’époque
sur les blessés, de plus en plus nombreux. Ce document illustre un RETEX
(retour d’expérience) déjà mis en œuvre au début du XXème siècle qui
conclue à la nécessité d’améliorer les automobiles, les trains sanitaires, la
vaccination anti typhoïdique et les dépôts d’éclopés. D’ailleurs, le 12 mars
deux généraux, et non des moindres, Maunoury et de Villaret sont blessés alors
qu’ils se trouvent en première ligne, là encore contrairement aux idées reçues
concernant le commandement (et sa distance avec la troupe) pendant le premier
conflit mondial.
Sur le champ de bataille « nos alliés anglais, désencombrés sur leur
front, en profitaient pour pousser de l’avant, enlevaient Neuve-Chapelle avec
2500 m de tranchées, avançaient à 2 km au-delà , et consolidaient leur conquête
de telle sorte que l’ennemi, malgré deux contre-attaques fort coûteuses, ne
parvenait pas à leur enlever » et en Pologne, « ce diable d’Hindenbourg a vraiment une
extraordinaire audace, au service de laquelle il met la plus redoutable volonté ».
Néanmoins, à chaque fois, il est consternant de remarquer que ces débauches d’énergie
et de vies humaines ne concernent que quelques centaines de mètres de front,
tristes victoires tactiques, sans exploitations opératives.
La défensive redevient le mode d’action
privilégié des deux camps en particulier chez les Allemands qui développent un
réel savoir-faire dans ce domaine en utilisant les atouts du terrain (creutes,
cavernes, villages,…). Cela donne l’occasion au lietenant-colonel Rousset de caricaturer
une fois de plus ses ennemis : « Les
Allemands ont, comme on peut le voir par la description de leur installation de
la côte 196, au nord-est de Mesnil, poussé aussi loin que possible l’art d’accommoder
les cavernes. Ces gens-là se rattachent par un lien étroit à l’homme préhistorique,
dont ils ont d’ailleurs la rudesse et la férocité. Ils ont des guetteurs pour
signaler le danger, à la façon des anciens Germains, quand dévalant la forêt
hercynienne, ils marchaient aux légions de Varus ». S’en suit une
analyse comparative peu objective des commandements français et allemands,
transformant les cadres impériaux en brutes distantes de la troupe (« il exerce sur ses soldats, assez brutalement
d’ailleurs et sans miséricorde un ascendant… »). A contrario, le
sous-officier français peut bénéficier de la méritocratie militaire (accès à l’Epaulette)
et constitue une part de « l’élite
de la démocratie ». On sent ici tout le poids du préjugé propre à
nourrir la haine et l’ardeur combattante pour une guerre qui sera totale et
longue. Alors que le 21 mars des Zeppelins bombardent Paris, les Russes s’emparent
de la position fortifiée autrichienne de Przemyl faisant 9 officiers généraux,
93 officiers supérieurs, 2 500 officiers subalternes et 107 000 soldats prisonniers, ce qui
prouve à notre témoin, ancien professeur de tactique à l’Ecole supérieure de
guerre, que l’attirance pour les places fortes (toujours cet héritage de la
défaite de 1870) est vaine. Malheureusement, dans les Dardanelles, le 18 mars,
l’escadre française subit de lourdes pertes du fait notamment des mines turques.
Les cuirassés Bouvet et Gaulois sont endommagés ou coulés avec deux navires de
leurs alliés britanniques. Le 26 mars, l’armée française prend enfin le « vieil Armand », sobriquet donné à
la position de l’Hartmannswillerkopf en Alsace. Face aux pertes et à la
nécessité de former de nouvelles unités, le 1er avril, la Chambre
adopte le projet de loi relatif aux opérations de recensement de la classe 1917
et le ministre de la Guerre prélève des gardiens de la paix et des gardes
municipaux pour encadrer les nouvelles recrues. Début avril, ce sont des
batailles aux échelles réduites qui ont cours,
aux Eparges (1 500 mètres de tranchées), en Woëvre (deux côtes), au Bois d’Ailly
et en Argonne (corps à corps des tranchées de Thiepval et d’Hamel). De fait,
notre auteur fait l’apologie du chemin de fer dans la victoire mais aussi des
Invalides qui sont de plus en plus nombreux et font l’objet de réceptions
symboliques comme celle organisée au Invalides le 10 avril (1000 mutilés
présents) ou celle du Trocadéro le 14 avril (6000 blessés et convalescents). A suivre...
Mon grand-père russe avait été mobilisé en 1916, dans sa Sibérie natale et était allé combattre dans les Balkans, sur le Front de Salonique.
RépondreSupprimerL’Hartmannswillerkopf est aussi appelé "la montagne sacrée " par les "Diables rouges" du 15/2 de Colmar ... dont je fais parti avec fierté et honneur pour les exploits et les sacrifices de nos anciens de 1917 .... *2aj.
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