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lundi 22 février 2016

Il y a 100 ans, la bataille de Vedrun (2/2).


 
Pour poursuivre avec les commémorations de la bataille de Verdun initiées hier, il semble important de revenir sur un certain nombre d'enseignements opérationnels tout en saluant la valeur des soldats français engagés. Ces derniers, même s'ils ont vécu un enfer pendant près de 10 mois, sous un orage d'acier pour paraphraser Ernst Jünger, avaient bien compris la valeur et l'importance de leur dévouement et de leur sacrifice en cette hiver 1916. En effet, comme on peut le lire dans l'ouvrage "Verdun" d'Antoine Prost et Gerd Krumech, quand les Poilus du 95ème RI montent en ligne le 22 février, ils sont exténués après une marche de 50 km en 36 heures le ventre vide. Les traits sont tirés, les corps douloureux mais, alors qu'ils croisent ceux qui arrivent des tranchées du front et que ces derniers leur font part de l'enjeu du combat qui s'annonce, les fantassins du 95 retrouvent de la vigueur, oublient la fatigue pour se lancer dans la fournaise sans état d'âme. Sans omettre la sauvagerie de ces combats, leur aspect inhumain à bien des égards, ne faisons donc pas un procès a posteriori en analysant uniquement cette confrontation que sous le prisme de nos perceptions contemporaines, celles-là même qui rejettent souvent la mort, le sens de l'intérêt général, le patriotisme ou encore le courage désintéressé.
En outre, cette bataille souligne également le rôle clé de la préparation, de l'anticipation tactique et du renseignement, aptitudes qui doivent donner au chef le temps d'avance comme sa capacité à reprendre l'initiative et l'ascendant dès que l'ennemi culmine et ce, pour utiliser un terme cher au général Yakovleff ("dans son livre Tactique théorique").

Force est de constater que l'état-major français aura manqué de cette vision à moyen terme, concentré qu'il était sur les préparatifs de la Somme. Comme pour le Chemin des Dames un an et demi plus tard, certains refusent de voir l'évidence, les préparatifs allemands, les failles du dispositif français, l'ineptie tactique d'avoir désarmer les forts comme Douaumont. Néanmoins, ce même commandement aura heureusement prépositionné quelques forces (le 20ème CA en particulier) pour renforcer la place de Verdun dans l'urgence puis déploiera un poste de commandement d'une rare efficacité. Sous les ordres du général Pétain, ce dernier organisera le front, en quelques semaines,  à l'image du défi logistique de "la Voie sacrée" ou du roulement des unités qui évite l'épuisement des hommes sur ce front si difficile. C'est clairement les prémices d'une vision opérative, Verdun étant un théâtre d'opérations à part entière, avec ses problématiques, son terrain, ses vulnérabilités, ses unités, son EFR (état final recherché) au milieu d'une ligne de front qui part de la Manche jusqu'au Rhin.
La manœuvre interarmes s'articule de la même façon autour de l'artillerie dont la puissance bénéficie, au début de la bataille, aux Allemands même si les canons de 75mm français brisent les assauts des divisions du Konprinz. Cette fonction opérationnelle contribue, de fait, directement à la liberté d'action du commandant en chef que l'on se place du côté ennemi en février et à l'été 1916 puis de celui du général Nivelle (qui a succédé à Pétain) à l'automne. Que l'on envisage l'artillerie de campagne, les pièces lourdes voire gigantesques (canons sur chemin de fer) ou les "crapouillots" de tranchées, chaque armement permet, à tous les niveaux, de créer la surprise, de sidérer ou d'affaiblir l'ennemi, de participer à créer la brèche dans laquelle l'infanterie s'engouffre.
Artilleurs, fantassins, sapeurs, unités colombophiles, aviation, territoriaux entretenant les routes ou officiers d'état-major, Verdun a démontré une fois de plus que la manœuvre comme la victoire s'appuient toujours, hier à Verdun comme aujourd'hui, sur une combinaison équilibrée des fonctions opérationnelles. L'oublier, quelque soit l'adversaire ou la perception que l'on a de lui (asymétrique actuellement), ne peut conduire qu'à des désillusions et la négation des principes de la guerre. Que les leçons de Verdun, au-delà du devoir de mémoire, irriguent alors la réflexion contemporaine.
Pour ceux qui auraient manqué l'émission et le documentaire "Apocalypse Verdun" diffusé sur France 2 hier, un lien en replay :
 
Source image : Blog/site "Les Français à Verdun".

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