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dimanche 16 octobre 2016

Les premières semaines de la guerre de Corée : les enseignements tactiques d'un conflit conventionnel. (1/3)


Cette semaine, nous revenons sur la guerre de Corée, ce conflit qui, pourtant limité à la péninsule coréenne, a bien failli entraîner une confrontation mondiale. Ces combats conventionnels des premiers mois de conflit furent un condensé d'art opératif et d'emploi tactico-opérationnel de toutes les fonctions interarmes et interarmées. Très riche en enseignement comme nous l'avions déjà vu dans un précédent article http://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/2013/04/coree-en-guerre-enseignements-tactico.html, je vous propose cette fois de revenir sur cette guerre au travers d'un autre prisme, celui du journaliste Robert Leckie qui y consacra un ouvrage en 1962. La particularité de cet auteur que certains d'entre vous connaissent peut-être c'est qu'il a servi dans le corps des Marines pendant les opérations menées dans le Pacifique entre 1941 et 1945. Il est d'ailleurs un des héros de la série télévisée "Band of brothers Pacific produite par Steven Spielberg et Tom Hanks. Ainsi, son regard de vétéran nous apporte une autre vision de ces batailles conventionnelles qui rappellent que la guerre se gagne d'abord au sol, au niveau des petites unités, même quand l'un des belligérants croit disposer d'une certaine supériorité technique ou tactique.


L'auteur décrit d'abord les forces en présence au moment du début des hostilités en 1950. L'armée nord-coréenne compte 135 000 combattants et la force qui attaque la Coére du sud, aux ordres du général Chai est forte de 90 000, c'est à dire les 2 tiers des effectifs disponibles. Dans le détail, il s'agit de 7 divisions d'infanterie, d'une brigade de blindés, d'une brigade de garde-frontière, d'un régiment d'infanterie indépendant et d'un d'un régiment de motocyclistes. Selon Leckie, "la division comprenait 10 000 hommes répartis entre 3 régiments de fusiliers, de trois bataillons chacun. Elle était soutenue par un régiment d'artillerie et par un bataillon d'artillerie autotractée, des unités sanitaires, de transmissions, antichars, du génie, plus des compagnies d'éclaireurs et de transport. La division nord-coréenne, soutenue par ses chars attaquant sous la couverture de son artillerie, constituait une force bien équilibrée, se déplaçant rapidement. Beaucoup de ses hommes étaient des anciens combattants de l'armée de volontaires coréens qui avait combattu aux côtés des armées chinoises. Nombre de ses officiers avaient reçu une formation militaire poussée en Union Soviétique". En face, les forces sud-coréennes (ROK) fortes de 143 000 hommes groupaient une armée de 98 000 soldats et une police de 65 000 hommes. Mais les unités terrestres se subdivisaient en 65 000 combattants et 33 000 membres des état-majors et services auxiliaires, équipés légèrement sans chars ni aviation. Peu aguerris et mal entraînés, ces militaires du sud allaient affronter le choc de 90 000 combattants, une artillerie plus puissante (avec notamment une portée de 12 800 m contre 7 500 m pour les sud-coréens) et près de 150 chars.


En outre, jusqu'au déclenchement de l'attaque, les Nord-coréens préservent l'effet de surprise tant stratégique en feintant de vouloir négocier, que tactique par une mise en place en discrétion. Le 25 juin 1950, l'assaut est fulgurant et, en 7 heures, les unités communistes atteignent tous les objectifs prévus, bousculant une armée adverse en déroute et incapable de faire front et de contre-attaquer (malgré la tentative de la 7ème division ROK). La 3ème division mécanisée rouge réussit un raid blindé sur la route du corridor d'Uijongbu. En cinq jours l'armée ROK est anéantie, Séoul tombe et les divisions nord-coréennes foncent vers le sud le long de la côte est et en direction de ce qui sera la poche de Pusan. L'armée américaine sur place est ridicule à cette époque, le général Mac Arthur, commandant en chef opératif, ne pouvant compter, dans un premier temps, que sur son "arrogante démonstration de puissance", c'est-à-dire 406 officiers et soldats US. En effet, les Etats-Unis ont largement démobilisé depuis la fin de la seconde guerre mondiale, intimement persuadés que la puissance aérienne comme la bombe nucléaire leur assureront la sécurité et la suprématie. Les grandes unités disponibles au Japon comme le 7ème, 24ème, 25ème DI et la 1ère division de cavalerie (à pied) ne sont qu'à 70% de leur potentiel et ne dispose que d'un équipement léger. Par exemple, les chars, des M24 rivalisent difficilement avec les T34 nord-coréens. Seule l'appui aérien avec de nombreux aéronefs apparaît comme un atout de taille au début du conflit. Dès lors, la poignée de combattants US aux ordres du colonel Smith fonce vers Taejon pour tenter de stopper l'ennemi alors que le général Dean, chef tactique basé à Pusan accueille les premiers renforts venus de l'archipel nippon comme le 34ème RI. Ce dernier tente de mettre en place une ligne défensive sur un cours d'eau proche de Pyongtaek. Plus au nord, la Task Force Smith, légèrement renforcée de quelques obusiers tente e stopper les chars nord-coréen. Malgré un baroud d'honneur et une belle manœuvre interarmes, le demi-millier des soldats américains ne parvient pas à stopper la poussée de deux divisions adverses. En revanche, toutes ces actions tactiques contribuent, sans le savoir, à freiner les attaquants, à émousser la dynamique enclenchée lors des premiers jours de l'offensive. L'armée de l'air US, de son côté, comme la Marine, prend l'initiative dans les airs et commence à frapper les longue colonne nord-coréenne, détruisant la logistique, limitant la progression et participant à inverser le rapport de force au sol. Le 12 juillet, c'est le général Walker qui est désigné pour commander les opérations terrestres de l'ONU (contingent US, britannique, ROK, français,...) et il décide de mettre en place une tête de pont défensive autour de Pusan afin de fixer le corps de bataille rouge. Parallèlement, l'extraordinaire machinerie industrielle et logistique américaine se met en marche pour fabriquer armes et munitions et projeter des chars et des hommes pour ce qui allait devenir la 8ème armée en Corée. Grâce à cet effort, les soldats US, à la fois des vétérans du second conflit mondial mais aussi de jeunes recrues peu entraînées comme peu motivées par cette guerre inattendue, réussirent à détruire de nombreux chars à Taejon avec les nouveaux bazookas arrivés du pays : "le général Dean participait lui-même aux combats de rue; sillonnant la ville avec une équipe de tireurs de roquettes, pour donner la preuve à ses hommes qu'un char sans escorte dans une ville défendue par des fantassins armés d'armes antichars de 3,5 pouces devrait être cuit d'avance". Malheureusement, cette volonté farouche ne fut pas suffisante et la cité devint le cimetière du 34ème RI US. 
L'initiative allait bientôt changer de main grâce aux renforts, à la volonté farouche du général Walker formé par le brillant Patton et à la meilleure adaptation des modes d'action à ceux des nord-coréens.
A suivre...

1 commentaire:

  1. Notons des assauts amphibies sur les arrières des sud coréens par des unités spécifiquement entrainé du Nord, et le fait que le moral dans l'armée de Séoul n'était pas au bout fixe avec des unités qui se sont mutinés en et quatre bateaux de la Marine du Sud qui ont fait défection au nord en 48/49.

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