Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

lundi 3 septembre 2012

La bataille de la Moskova-7 septembre 1812.

 
Contexte :
 
La paix de Tilsit rompue, Napoléon rassemble ses forces avec près de 600 000 hommes et environ 1000 canons et franchit le Niémen le 24 juin 1812 pour envahir la Russie. La Grande Armée composée essentiellement de contingents étrangers ne tarde pas à perdre de nombreux effectifs dans les steppes russes d’autant que les troupes du Tsar, aux ordres de Bagration et de Barclay de Tolly, refusent le combat pour reculer en bon ordre et afin de pratiquer la politique de la « terre brulée ». Les Français échouent à encercler leurs ennemis devant Smolensk et s’enfoncent un peu plus vers Moscou. Le maréchal Koutouzov prend alors le commandement de l’armée russe et s’installe sous les hauteurs de Borodino, début septembre, pour combattre Napoléon.
 


Forces en présence :
 
Français : 130 000 combattants dont 102 000 fantassins, 28 000 cavaliers et 587 canons.
Russes : 121 000 hommes dont 96 000 fantassins, 24 500 cavaliers et 640 canons.
 
Déroulement :
 
Phase préliminaire :
 
Les Russes s’installent sur le plateau de Borodino et valorisent leur ligne défensive avec des redoutes (grande redoute dite « redoute Bagration » et redoute de Schwardino) ainsi que par des points d’appui (hérissés de pièces d’artillerie) que constituent les « flèches » de Semenovskoïe. Le dispositif est également couvert à droite par les escarpements de la rivière Kolotscha alors que l’aile gauche est affaiblie. Koutouzov renforce son centre avec la réserve du grand-duc Constantin et dispose, en arrière, sa cavalerie (Platov et Uvarov) tout comme ses « nuées de cosaques » à l’extrême droite.
Napoléon, quant à lui, est persuadé que cette bataille sera décisive et choisit une attaque frontale (effort sur les « flèches ») avec un débordement de la cavalerie de Poniatowski à gauche pour repousser les Russes dans un cul de sac (formé par la Moskova et la Kolotscha). Pourtant, Davout lui a proposé une attaque en souplesse avec un débordement nocturne et à couvert (forêt) par le sud et ce, pour surprendre les arrières adverses. L’empereur refuse cette option, craignant de manquer d’hommes et comptant sur sa puissance de feu.
 
 
 
Phase 1 : l’attaque française se heurte à la résistance russe.
 
Le 7 septembre à 6 heures l’artillerie française déclenche un tir puissant d’une centaine de pièces mais, rapidement, ces canons, mal positionnés, sont hors de portée et mettent beaucoup de temps à changer de position, privant l’infanterie de son appui. A gauche, Eugène enlève Borodino mais ne peut progresser davantage alors qu’il est le pivot du plan de Napoléon. Davout peine devant les « flèches » prises seulement après les charges répétées des cavaliers de Murat contre les retranchements russes et grâce au soutien spontané de Ney.
A 10 heures, les feux se concentrent sur la grande redoute conquise de haute lutte par le général Morand qui s’est infiltré par la Kolotscha. Mais les réserves de Koutouzov contre-attaquent et reprennent la position tout en tentant de repousser les Français près des « flèches ». Napoléon engage à son tour son élément réservé, les divisions Friant et Marchand, qui traînent 80 canons de l’autre côté du ravin de Semenovskoïe. Ces unités se déploient alors en carrés et résistent farouchement aux assauts de Bagration.
 
Phase 2 : la résistance russe faiblit.
 
A 13 heures, de nombreux maréchaux et généraux français sont blessés comme Davout, Montbrun et Rapp mais l’armée russe semble plier sous les assauts de Napoléon, d’autant que Poniatowski finit par enlever les hauteurs d’Oulitza. Napoléon refuse d’engager la Garde pour exploiter ces succès et décide de positionner 300 pièces d’artillerie face à la Grande redoute tout en faisant charger sa cavalerie de part et d’autre. Les combats sont terribles, Caulaincourt prend la position retranchée avec ses cuirassiers avant de mourir, pendant que Latour-Maubourg affronte les chevaliers gardes du Tsar dans un combat où 50 escadrons s’affrontent. La bataille est indécise même si Bagration tombe à son tour et échoue à reconquérir le terrain perdu le matin.
 
Phase 3 : L’armée russe se dérobe.
 
Napoléon refuse toujours d’engager la Garde, son ultime réserve, et demande au général Sorbier de canonner sans relâche les Russes qui refusent de quitter le champ de bataille car conscients d’être le dernier rempart devant Moscou. A la nuit tombée, la situation se fige et Koutouzov décide de se replier, en bon ordre, avec ce qui reste de son armée avant que celle-ci ne soit anéantie. Napoléon, pour sa part, pense pouvoir relancer son action le lendemain. Néanmoins, le commandant russe sait que les Français sont loin de leurs bases et qu’il pourra les harceler avant de reprendre l’offensive. Au petit matin, la Grande Armée n’a plus d’obstacles devant elle et franchit la Moskova pour atteindre Moscou le 14 septembre 1812.
 
Bilan :
 
Les Russes perdent 43 000 hommes blessés ou tués (ainsi que 60 canons seulement) et les Français déplorent 27 000 combattants hors de combat. Napoléon voit 48 de ses généraux blessés ou morts, son armée affaiblie, manquant de logistique. Loin d’être décisive, cette bataille semble annoncer la catastrophique retraite à venir.
 
Enseignements :
 
-Les Russes valorisent leur ligne défensive avec des points d’appui fortifiés et pourvus d’artillerie et ils raisonnent leur engagement avec les avantages du terrain (plateau, escarpements, rivière).
-Russes comme Français constituent des réserves pour pouvoir réagir aux évolutions de la situation.
-Napoléon choisit, à mauvais escient, un mode d’action frontal au détriment d’une infiltration proposée par Davout alors qu’il arrive face à un ennemi installé et qu’il ne dispose pas d’un rapport de forces favorable (y compris en canons). Il perd ainsi sa liberté d’action.
-Napoléon, de manière surprenante, conduit mal ses reconnaissances car il ne décèle pas les faiblesses russes sur leur flanc gauche et positionne médiocrement son artillerie face aux « flèches ». Il ne peut alors concentrer son effort que sur le centre adverse, point de plus forte résistance.
-Les contre-attaques russes sont efficaces car elles empêchent les Français d’exploiter leurs gains territoriaux, d’autant que Napoléon refuse d’engager la Garde, l’initiative demeurant donc, pour un temps, à Koutouzov..
-Friant ne résiste à Bagration que parce qu’il a imposé à son infanterie l’accompagnement de canons, malgré un terrain difficile, raisonnant selon une économie des moyens adaptée à la menace.
-Les Russes ont compris que le centre de gravité de Napoléon était le temps et saisissent l’opportunité de se dérober à la Grande Armée malgré les bombardements et une défaite tactique.
-L’initiative des maréchaux et  des généraux pallient les hésitations de Napoléon tant par les choix tactiques (infiltrations) que par les appuis mutuels (Murat et Davout).
-Cette bataille illustre également la nécessité d’exploiter les succès tactiques dans le cadre d’une campagne, Napoléon manquant, à cette occasion, d’une vision opérative des combats, alors que Koutouzov s’inscrit dans le moyen terme en préservant son outil militaire de l’anéantissement.

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