Surprise
et initiative peuvent affermir la liberté d’action mais peuvent être synonyme d’échec
si les effets ne sont pas soutenus dans la durée. Les Allemands vont d’ailleurs
en faire la cruelle expérience sur le front de l’ouest.
A
la conférence interalliée de Québec en septembre 1944, alors qu’une grande partie
de la France et de la Belgique est libérée, le général Eisenhower signale que
la résistance allemande se fait de plus en plus forte à l’approche de la
frontière. Il propose alors de frapper puissamment les régions vitales de la
Ruhr et de la Sarre avec, comme objectif principal de garder l’initiative en
obligeant les Allemands à y concentrer leurs forces et ainsi à s’exposer. Les
troupes américaines et britanniques sont pourtant, de l’avis des généraux qui
les inspectent, épuisés par la longue marche et les combats conduits depuis le
débarquement. Le général Marshall souhaite d’ailleurs transférer des Etats-Unis
9 divisions fraîches pour relever les vétérans déployés en Europe, se dotant
alors « d’une force et d’une
puissance de choc accrues à nos armées qui allaient avoir à effectuer une
campagne d’hiver des plus difficiles ».
Fort
de cette promesse de renforts, Eisenhower lance alors une offensive à la
mi-novembre 1944 pour pénétrer la ligne Siegfried et traverser le Rhin. Il est
surpris par les conditions météorologiques très défavorables et par la combativité
des unités de Berlin, en particulier à proximité d’Aix La Chapelle ou de la
forêt d’Hürtgen, les pertes étant très importantes. Il déclare d’ailleurs :
« les Allemands, aidés par le temps,
les inondations et le terrain marécageux, devraient pouvoir maintenir un front
défensif assez fort pendant un certain délai » et ce, malgré l’engagement
de divisions de la Wehrmacht qui ne disposent que de 6 semaines d’entraînement.
En outre, le général Von Rundstedt, soucieux de regagner l’ascendant comme l’initiative,
décide, contre toute attente, de mener une offensive audacieuse, avec 24
divisions, dans les Ardennes, face à la 1ère armée US dont le 8ème
corps est percé par 8 divisions blindées concentrées sur 64km de front. Les
armées allemandes, largement appuyées par l’artillerie et l’aviation, profitent
du brouillard pour se regrouper et mènent des actions de diversion pour
surprendre les Alliés.
Mais
le général Eisenhower fait preuve de résilience en réagissant rapidement, renforçant
les flancs nord et sud du saillant ainsi créé pour contenir la tête de pont
adverse. Il concentre un corps britannique sur la Meuse et envoie des unités
aéroportées de réserve pour freiner l’élan allemand, à l’instar de la 101ème
division de parachutistes chargée de tenir le carrefour de Bastogne. C’est la
force morale et la pugnacité de ces divisions qui, comme la 7ème
blindée américaine de St Vith, permet à la 3ème armée de Patton de lancer
une contre-attaque surprise venant du sud sur le flanc des forces allemandes.
Cette action demeure un exemple de planification d’urgence et un prodige tactique
comme logistique quand on observe que des unités parcourent près de 110km, le
20 décembre, en une seule journée, afin de rejoindre leurs bases de départ et d’assaut.
Dès
lors, entre le 23 et 26 décembre, les circonstances atmosphériques cessent de
favoriser l’ennemi et permettent à l’aviation tactique alliée très supérieure à
celle de son ennemi de porter des coups terrifiants aux colonnes allemandes de
blindés et de ravitaillement. Le 26 décembre, Bastogne est dégagée de son
encerclement puis la réduction du saillant (80km de profondeur) débute et dure,
jusqu’en janvier 1945, avec des combats d’une rare intensité. Dans ce cadre, à
titre d’exemple, le 22 janvier, l’aviation US détruit, à elle seule, en moins
de 24 heures, 4192 pièces d’équipement lourd allemandes, locomotives, wagons,
chars, automobiles et véhicules hippomobiles.
Au
bilan, et en guise de conclusion, grâce à la surprise et à l’esprit d’initiative,
les Allemands remportent un succès tactique initial mais le commandement allié
prend à son compte ces qualités de manœuvre pour faire échouer cette opération.
Il interdit ainsi à Hitler l’atteinte des objectifs opératifs représentés par
Liège et Namur. L’Allemagne aura usé son corps de bataille, ses réserves face
au front de l’est, et ses derniers espoirs avec cette ultime offensive. Ils
perdent 220 000 hommes, 1400 chars et canons d’assaut et surtout subissent
« la désillusion générale qui suit
un échec. »
En
bref, surprendre l’adversaire, être audacieux pour garder l’initiative, peut,
dans un environnement favorable et avec une planification rigoureuse,
déstabiliser durablement un belligérant et le contraindre, jusqu’au niveau
stratégique, dans sa liberté d’action.
Le Maréchal (et non général...) Von Rundstedt n'est pour rien dans cette affaire des Ardennes préparée dans le plus grand secret par Hitler depuis la Fin août 44...
RépondreSupprimerMais pour beaucoup dans la bonne tenue de la ligne Siegfried et l'échec anglais d'Arnhem...