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mardi 21 octobre 2014

La bataille de Suomussalmi : quand le faible parvient à vaincre le fort.

 
Nous vous proposons l'étude d'une bataille de la guerre soviéto-finlandaise au début du second conflit mondial qui démontre la capacité, pour une force limitée en nombre et en moyens, de tenir tête à un corps mécanisé. Cette exemple historique met principalement en exergue l'effet démultiplicateur de puissance de la maîtrise d'un milieu ainsi que la mise en œuvre de modes d'action tactiques privilégiant la surprise. Cet article doit également susciter la réflexion quant à l'engagement contemporain de forces modernes face à des adversaires hybrides et s'intégrant parfaitement sur le terrain et son environnement.


 
En prévision d'un conflit probable entre l’Allemagne et l’URSS, Staline cherche à renforcer et à réorganiser l’Armée Rouge, celle-là même qu'il a affaiblie par les purges de généraux tout en sécurisant ses frontières. A partir du 10 octobre 1939, des pactes sont conclus avec les Etats Baltes et des négociations débutent le 9 octobre avec la Finlande. Moscou veut principalement protéger l’accès maritime de Leningrad en prenant possession des îles du golfe de Finlande et en reculant la frontière Finno-soviétique jusqu'à l’isthme de Carélie et ce, afin de mettre la ville hors de portée de l‘artillerie lourde finlandaise. La Finlande refuse le 13 novembre et les deux camps se préparent pour l'épreuve de force. Les Soviétiques considèrent que la ligne Mannerheim, la ligne fortifiée finlandaise, comme un obstacle insignifiant qu'ils pourront écraser sous le nombre. Du point de vue des effectifs, l'URSS dispose d'une supériorité absolue avec 4.000 avions, 3.000 chars et 800.000 soldats. Du côté finlandais, l'armée ne peut compter que sur environ 350.000 hommes et 90.000 femmes (employée dans des unités logistiques). L'artillerie lourde, les blindés et l'aviation sont quasiment inexistants.  Enfin, l'artillerie de campagne, peu nombreuse, est équipée d'un matériel remontant au premier conflit mondial. Le 30 novembre, l'armée de Staline, certaine de sa victoire, se jete sur la Finlande.
 

Déroulement de la bataille :
 

 
Temps 1:
Le 30 novembre 1939, l'attaque soviétique se concentre essentiellement sur l'isthme de Carélie. Au centre du front toutefois, la 163e division de l'armée rouge franchit la frontière entre la Finlande et l'URSS et avance depuis le nord-est des environs du village de Suomussalmi, verrou sur la route d'Oulu, un port du golfe de Botnie et ce, afin de couper la Finlande en deux. Le 7 décembre 1939, Suomussalmi, défendue par un unique bataillon, tombe. Mais les Finlandais détruisent le village, avant qu'il ne soit pris empêchant les Soviétiques d'y trouver un refuge ou abri (notamment au regard des difficiles conditions météorologiques), et ils battent en retraite sur les rives opposées des lacs Niskanselkä et Haukiperä.
Temps 2 :
 
Décidés à reprendre l'initiative, les Finlandais, menés par le colonel Siilasvuo,  décident de harceler les flancs des colonnes soviétiques progressant sur les axes.  Les Soviétiques sont divisés en groupes isolés qui sont progressivement détruits conformément à la vieille tactique nordique du Motti. Des bombes incendiaires, inspirées de celles utilisées lors de la Guerre civile espagnole sont utilisées avec beaucoup de succès, et deviennent célèbres sous le nom de cocktail Molotov. Forts de leur supériorité numérique, les Soviétiques poursuivent leur progression jusqu'au 21 décembre quoique plus lentement. Parallèlement, au 26 décembre, l'arrivée de renforts finlandais (deux régiments) permet aux défenseurs d'accentuer leur pression.  Les Soviétiques sont stoppés, puis repoussés.
Temps 3 :
Le 29 décembre, la 163ème division soviétique se débande et ses survivants fuient à travers les marais ou les lacs gelés. Etrangement, la 44ème division russe (composée majoritairement d'ukrainiens) ne se porte pas au secours des troupes soviétiques en difficulté mais consolide ses positions conquises sur la route entre Suomussalmi et Raate. Entre le 4 et le 8 janvier 1940, l’armée Rouge subit l’une de ses plus importantes défaites de son histoire lors de l’incident dit de "Raatteentie". La 44ème division d’infanterie soviétique (soit environ 25 000 hommes) est presque intégralement détruite après s’être engagée sur un chemin forestier où elle tombe droit dans une embuscade tendue par l’unité finlandaise « Osasto Kontula » (300 hommes). Cette petite unité bloque l’avancée de la division adverse alors que le colonel finlandais Siilasvuo et sa 9ème division (soit 6000 hommes) coupe de son côté la retraite aux Soviétiques, divisant une fois de plus la force ennemie en petits groupes successivement neutralisés. Les pertes soviétiques s’élevent à 23 000 hommes, contre seulement 800 pour les Finnois. Outre deux divisions totalement détruites, les Soviétiques perdent également 35 chars, 25 canons et 250 camions.
 
Bilan:
La bataille de Suomussalmi est une victoire décisive pour les Finlandais. Si les troupes soviétiques avaient pris la ville d'Oulu, les Finlandais auraient été contraints de défendre leur pays sur deux fronts simultanément ainsi qu'une importante et vitale voie de chemin de fer reliant le sud du pays à la Suède. La victoire redonne le moral à l'armée finlandaise relativement malmenée depuis le début du conflit. De plus, les Finlandais capturent à Suomussalmi un grand nombre d'équipements soviétiques réutilisés par une armée sous-équipée qui a gagné un temps précieux sous le commandement du maréchal Mannerheim.
 
 
Enseignements de la bataille :
La bataille de Suomussalmi est un exemple de la manière dont une petite force correctement commandée et combattant sur un terrain familier peut mettre en déroute une armée ennemie largement supérieure en nombre. Les facteurs qui expliquent la victoire finlandaise sont :
§  Les troupes finlandaises disposaient d'une grande mobilité grâce à leurs skis et à leurs traîneaux et ce, au contraire des troupes soviétiques dont les lourds éléments ne pouvaient quitter les axes. Cette faculté dans un milieu particulier fut un premier élément de surprise pour l'armée Rouge incapable de l'anticiper ou de la dépasser.
§  La tactique finlandaise (second facteur de surprise), appelée "Motti", consistait à couper les colonnes ou les groupements tactiques ennemis en plus petits groupes, puis à les encercler par les forces légères et mobiles. Elle fut également adaptable et le plus souvent quasi-irrégulière comme par exemple en prenant pour cibles prioritaires les véhicules de cantine, ce qui eu un lourd impact sur la combativité soviétique  dans un climat quasi-polaire.
 
§  L'armée soviétique était pauvrement équipée en tenues de camouflage "hiver". Du fait des préjugés ethniques de Staline, la majorité des troupes de l’armée Rouge venait du Sud de l’Union Soviétique, Staline craignant que des troupes levées dans les régions limitrophes avec la Finlande refusent de se battre contre les Finnois. Ces soldats, venant de lointaines contrées, n’avaient aucune expérience de l’hiver arctique, et étaient incapables de survivre en forêt et n'avaient pas davantage  les aptitudes au combat dans cet environnement.
§  L'objectif soviétique de couper la Finlande en deux parties en prenant la région d'Oulu, bien que parfaitement raisonnable sur une carte d'état-major, était irréaliste car la région est principalement forestière et parsemée de marécages avec un réseau routier réduit à des sentiers de bucherons. Les divisions mécanisées contraintes de les emprunter devinrent alors des cibles faciles pour les troupes finlandaises à ski.
§  La simplicité des Finlandais, dont l'assaut final fut une simple charge de plein front, réduisit la possibilité d'erreurs tactiques. Le rude climat donna aussi l'avantage à leurs tactiques simples mais associant concentration des efforts, économie des moyens et préservation de la liberté d'action.
   L'armée soviétique affaiblie par les purges staliniennes dans les années 1930 ne disposait que d'officiers souvent médiocres voire incompétents voire paralysés par des schémas ou une centralisation du commandement.
 
 
 
 

 
 

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