Comme nous le faisons régulièrement sur votre blog, nous vous présentons une bataille et surtout ses enseignements tactiques et opératifs afin de mettre en exergue certains principes ou constantes. Aujourd'hui, il s'agit de la bataille d'El Alamein en 1942. De ces combats, nous verrons que la personnalité du chef, mais aussi les choix en termes de manœuvre et de planification, ont des conséquences importantes sur le terrain.
Contexte général :
En
juillet 1942, la poussée des troupes de l’Axe italo-allemandes s’arrête en
Egypte devant El Alamein, aux portes d’Alexandrie. Alors qu’Hitler néglige
toujours le front d’Afrique du Nord et ce, malgré les opportunités offertes par Rommel
ainsi que ses nombreuses demandes pour obtenir des renforts, le général
Montgomery relève le général Ritchie (jugé trop timoré et pas assez énergique) à
la tête de la VIIIe
Armée britannique pour reprendre l’offensive en octobre. Face
aux troupes ennemies hétérogènes (les forces italiennes font l’objet de
nombreuses récriminations par la partie allemande) et usées par les précédentes
campagnes, les Alliés se renforcent massivement tout en obtenant progressivement
la suprématie maritime et aérienne en Méditerranée. Le principal enjeu stratégique
ou opératif est bien la conservation du canal de Suez et le contrôle des voies
d’approvisionnement énergétiques au Moyen-Orient. Hitler espère que ses forces
africaines pourront faire jonction avec celles déployées en URSS et ainsi
s’emparer des champs pétrolifères du Caucase. Sur un plan plus tactique, la
bataille d’El Alamein a pour objectif la maîtrise de l’axe logistique et des
ports qui longent la côte afin de permettre le ravitaillement des nombreuses
forces déployées dans des régions désertiques et dénuées de ressources.
Déroulement de la bataille :
Le
dispositif défensif allemand s’articule autour de 3 lignes défensives entre la
mer et la dépression montagneuse dite de Qattara (40 km au sud). Appuyées sur
des réseaux d’obstacles très denses, les unités motorisées sont conservées en réserve
en arrière de chaque unité légère. Quant aux unités italiennes plus faibles,
elles sont insérées, par Rommel et son état-major, entre les unités allemandes
afin d’éviter les défections et une rupture brutale du front. En effet, bon
nombre de soldats italiens manquent de motivation et les armées de Mussolini
sont bien souvent mal équipées.
Montgomery,
de son côté, contrairement à ses prédécesseurs, a eu le temps de masser des
forces conséquentes avec des moyens mécanisées puissants, de nombreuses pièces
d’artillerie et un impressionnant dispositif logistique (plots de
ravitaillement, munitions,…). Comme à son habitude, il compense son manque de
génie tactique par une planification minutieuse, voire laborieuse, et, somme
toute, assez orthodoxe.
Phase
1 :
Dans la nuit du 23 au 24 octobre 1942, Montgomery
déclenche l’opération Light food, en
2 temps :
-D’abord
avec une attaques de diversion aux deux extrémités de la ligne défensive
adverse : attaque terrestre en force au sud, tentative de débarquement sur
les arrières par le nord.
-Puis
une attaque en force au centre, dans la zone la plus vallonnée, à travers les principaux
champs de mines. Après une première contre-attaque germano-italienne le 24,
l’offensive britannique très meurtrière est stoppée le 30 octobre après de
faibles gains territoriaux. Le 31, dans la poche réalisée au centre, les Alliés
relancent l’effort vers le nord et réalisent une percée qui sera finalement
repoussée par une nouvelle contre-attaque allemande. Ces derniers ne peuvent
exploiter leur prise d’initiative faute de carburant.
Phase 2 :
Le 2 novembre 1942, l’offensive britannique Supercharge concentre encore plus de
forces. Massivement préparée par l’aviation et l’artillerie, l’attaque permet enfin
la percée au centre du dispositif ennemi, poursuivie vers l’ouest afin de
permettre la saisie des voies de communication. Les Allemands contre–attaquent
de nouveau mais cette fois, sans succès
en raison des lourdes pertes.
Hitler
ordonne à Rommel de se battre pour « la
victoire ou la mort ». Bientôt, toutes les réserves mobiles sont
engagées tandis que les Britanniques engagent et concentrent leur 2e
échelon aux abords de la brèche pour relancer leur action. Mais leur prudence
excessive, guidée par les hésitations et le manque d’audace chronique de
Montgomery, laisse à Rommel le temps d’organiser sa retraite.
Ainsi,
à partir du 3 novembre, les Allemands amorcent un combat retardateur jusqu’en
Tunisie. Cette manœuvre conduite avec pragmatisme et discipline leur permet
d’éviter l’encerclement et la destruction complète.
Bilan :
L’offensive
frontale des Alliés se traduit par des pertes deux fois supérieures à celles
des défenseurs (environ 4 200 morts contre 2 300), mais ils capturent un nombre considérable de prisonniers
italo-allemands. De plus, la pénurie logistique des Allemands les conduit à
abandonner la majorité de leurs blindés dans leur repli vers la Tunisie.
El-Alamein marque surtout de
début d’une inexorable retraite des forces de l’Axe en Afrique du Nord. La
domination Alliée en Méditerranée les asphyxiera progressivement, leur
supériorité numérique deviendra de plus en plus écrasante. Face aux ordres
inflexibles d’Hitler qui ne veut lâcher aucun pouce de terrain, Rommel ne peut
que retarder l’échéance inéluctable. Les renforts tant attendus n’arriveront
qu’en 1943 pour son successeur mais il sera trop tard et les Allemands ne
réussiront qu’à mener que quelques coups d’éclat comme à Kasserine.
Enseignements :
L’action des chefs :
La guerre demeure un affrontement des volontés. Aussi, les deux
grands chefs se connaissent, s’estiment et se jaugent. La psychologie de
l’autre constitue un critère déterminant des décisions de chacun.
Pendant que l’état-major commande l’opération, Rommel se
tient en permanence au plus près du contact pour apprécier la situation et
galvaniser les troupes
L’exemplarité qu’il peut alors
exiger des chefs à tous les échelons, sa proximité avec la situation
opérationnelle comme sa réactivité garantissent une forte cohésion et une
combativité tenace. Cette dernière
favorise la faculté d’adaptation, les contre-attaques même si le manque de
moyens finit par imposer la retraite.
Intérêts
opérationnels :
Cette bataille met en exergue le
risque comme amplificateur de puissance ou compensateur de rapport de force.
Rommel prend d’autant plus de risques qu’il sait que Montgomery n’en prend que
rarement. C’est d’ailleurs sa seule solution face à l’écrasante supériorité
matérielle des Alliés. Si elle a finalement raison de lui, il aura
considérablement retardé l’échéance et pu sauver une grande partie de ses
unités, même sans équipement. Les Allemands réussiront, deux ans plus tard, la
même manœuvre pour sortir de la poche de Falaise des soldats qui seront
rééquipés en Hollande avant d’être lancé, à Arnhem, sur les parachutistes
britanniques de l’opération « Market
Garden » (elle aussi planifiée par Montgomery).
On peut également noter au
travers de cette campagne que la guerre dans le désert donne toute sa mesure à
la mobilité. Après une longue phase
statique, chaque camp cherche à retrouver sa mobilité pour garantir sa liberté
d’action. Malgré un dispositif défensif qui semble interdire tout mouvement
d’amplitude, les Allemands conservent une grande profondeur qui leur permet de
réagir offensivement avec leurs unités blindées. Par ce biais, ils parviennent
également à rompre le contact en sûreté. L’optimisation des moyens mobiles leur
permet aussi d’économiser leur potentiel cruellement limité. De leur côté, les
Alliés utilisent la mobilité, d’abord pour mener des actions de diversion, puis
pour concentrer leurs efforts le plus rapidement possible avec un certain effet
de surprise sur un point choisi. Les Britanniques soutiennent leur offensive au
plus près par des unités blindées qui exploitent aussitôt la percée réalisée
dans la profondeur. La suite de la campagne en Afrique du Nord sera l’occasion
de manœuvres de débordement, tant offensives que défensives (les Français
permettront aux Alliés, par leur large mouvement vers le sud, de contourner la
ligne Mareth en Tunisie en 1943.
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