Nous
poursuivons notre évocation du premier conflit mondial dans les yeux du
lieutenant-colonel Rousset, contemporain des combats et ancien professeur de
tactique à l’Ecole supérieure de guerre. Ce témoin, dans ses analyses et
commentaires illustre bien souvent l’aveuglement tactique français de l’époque
avec le culte de l’offensive et le primat des forces morales des fantassins
pour remporter la victoire.
Dès
le 1er novembre 1914, les Allemands repassent à l’offensive générale
mais sans manœuvre particulière, avec force et en ne comptant que sur l’effet
de masse. Les Alliés résistent et l’auteur met en avant, dans une perception
anachronique, les actions chevaleresques de quelques dragons, définissant
ces « coups à la française » d’épisodes au parfum d’épopée à
l’instar des hussards de la Grande Armée de 1806. Sur mer, les combats navals
se font de plus en plus nombreux avec la bataille du Chili entre l’escadre de
Von Spies (croiseurs Scharnorst par exemple) et celle de l’amiral britannique
Cradock.
Les Allemands paraissent englués dans les terres inondées volontairement
de Belgique et du nord de la France (région de de l’Yser). Cette évocation
montre que la contre-mobilité peut avoir plusieurs formes en fonction du
terrain auquel une armée fait face. A l’est, les troupes russes poursuivent
leur offensive et leur poussée contre les corps autrichiens et allemands
jusqu’à la Wartha et la Vistule. Les Français comptent d’ailleurs sur cette offensive
pour maintenir le front et couronner de succès la « tactique défensive active » faite de contre-attaques limitées
en attendant l’épuisement adverse.
Au
cours du mois de novembre, l’importance des tranchées, cette « guerre de
taupinières » et la prééminence des duels d’artillerie se font de plus en
plus prégnants tant la situation est confuse. En effet, elle est faite d’assauts
furieux de part et d’autres et de gains territoriaux très faibles, gagnés au
prix de coups de main ou de combats en zone urbaine comme à Dixmude[1] (où
résistent les 700 fusiliers marins français de l’amiral Ronach face à 2 corps
allemands) , à Tracy-le-Val ou à Ypres.
Le
lieutenant-colonel Rousset salue l’action des aviateurs mais nie la nécessité
de donner à l’aviation le titre de 5ème arme cantonnant les aéronefs
au rang d’auxiliaires de l’infanterie ou de l’artillerie. Comme les chefs militaires de l'époque, l'innovation technique est écartée au bénéfice du courage et des forces morales du soldat. Les Français comptent
sur leur acharnement, leur opiniâtreté pour faire fléchir le moral ennemi jugé
fragile à l’image des paroles inquiètes de l’empereur Guillaume « nous avons désormais pour tâche de protéger
nos foyers que la France moribonde et la Russie barbare s’apprêtent à attaquer. ».
La guerre psychologique, les différentes perceptions ou interprétations des
messages, comme des faits sur le terrain, ainsi que les opérations d’influence
se mettent en place.
En
revanche, dès le 16 novembre, contre toute attente, les forces allemandes reprennent
l’offensive à l’est (région de Kutno et Lowicz) avec l’armée Mackensen qui
bouscule les Russes.
Au
cours des pages, notre témoin fait de plus en plus allusion à la guerre de
siège en observant le front (comparé à une forteresse de 600 km) qui s'enterre. Il évoque des « travaux d’approche »,
les mines souterraines, les tranchées d’inondation, les fougasses, les entonnoirs
et les « camouflets ». La
seule solution pour débloquer la situation serait de faciliter « une action
réflexe » provoquée par un évènement extérieur qui, pour les Français, ne
peut venir que des steppes russes (là encore les références aux guerres du 18ème siècle sont nombreuses avec Bonaparte ou Carnot). Malheureusement, le général Rennenkampf ne peut
plus progresser face aux unités du Kaiser qui reprend l’initiative et oblige ainsi le
Tsar Nicolas à envoyer de nombreux renforts dans la région de Lodz. Les pertes
sont effroyables des deux côtés mais il semble bien que les Russes aient trop
étirés leur dispositif, laissant leur flanc en proie aux manœuvres d’enveloppement
allemandes et ce, malgré l’illusion du succès russe annoncé haut et fort fin novembre 1914.
Dès
le 1er décembre, les Allemands entretiennent le doute dans les
services de renseignement alliés en multipliant les fausses nouvelles et en menant une
complexe manœuvre pour leurs renforts et leurs transports par voie ferrée. Ils privent ainsi leurs adversaires d'une bonne vision de ce que sera l'effort à venir.
La
fin de l’année 1914 et les premiers jours de 1915 semblent bien annoncer un tournant
dans les opérations, en particulier au regard des évènements en préparation
dans les Balkans et en Pologne.
Source images : Horizon 1914 et Allix Piot
[1] Nom donné à l’un des fleurons de
la Marine Nationale du moment, le navire de commandement et d’assaut amphibie,
le BPC (bâtiment de projection et de commandement) Dixmude.
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