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mercredi 17 juin 2015

Waterloo 1815 / 2015 : bicentenaire et enseignements tactiques.


Cette fin de semaine va être marquée par la commémoration du bicentenaire de la bataille de Waterloo (18 juin 1815) en Belgique, combat qui a vu la défaite de Napoléon face à une armée de Coalisés. Cette confrontation appartient, comme Austerlitz, Wagram ou la campagne de Russie à la légende napoléonienne qu'elle a participé à construire. En effet, il nous d'abord faut rappeler cette citation de Chateaubriand qui montre combien ce chef politique et militaire a joué un rôle majeure dans l'histoire de notre pays, au-delà des polémiques qui émergent ça et là : " Vivant il avait manqué le monde, mort il le conquiert".
De nombreux médias vont ainsi revenir sur le déroulement de la bataille mettant à profit les nombreux ouvrages, reconstitutions ou muséographies dédiés à cet évènement. Mon propos ne sera donc pas de relater une fois de plus le déroulement exacte de Waterloo mais d'essayer de mettre en exergue des enseignements tactiques tant du côté français que de celui des adversaires de l'armée impériale.
 

Il faut tout d'adord noter que les effectifs en présence sont plutôt déséquilibrés, Wellington disposant de 83 000 à 106 000 hommes (dont seulement  35 000 Britanniques) avec 216 canons, sa troupe étant également pourvue par la Légion allemande, des corps belges et néerlandais ou les hommes de Brunswick. Il combat aux côtés du maréchal Blücher qui commande 100 à 113 000 soldats prussiens et 304 pièces d'artillerie. Pour sa part, Napoléon ne peut compter que sur 118 à 124 000 hommes et 372 canons.
Aussi, afin de palier cette infériorité numérique, l'Empereur va cherher à user de sa fameuse manoeuvre en position centrale pour vaincre ses adversaires successivement, comme il l'a déjà fait dans d'autres campagnes, à l'instar de celle de France en 1814. C'est pour cette raison qu'il prend de vitesse les Coalisés en se portant rapidement sur le territoire belge afin de bousculer les Prussiens à Ligny le 16 juin et ce,  après une lutte achernée qui lui côute 10 000 hommes et 25 000 à son ennemi. Mais il n'exploite pas immédiatement cette victoire, persuadé d'avoir mis en déroute définitivement Blücher. Ce dernier, en réalité, fait preuve de résilience, réorganise ses unités et remonte vers le nord pour faire jonction avec Wellington. Napoléon finit par envoyer le maréchal Grouchy à sa poursuite mais dans la mauvaise direction, se privant ainsi inutilement de 30 000 soldats.
Une autre opportunité n'est pas saisi au moment où Ney inflige, le 17 juin, un revers aux Britanniques (5000 tués) au carrefour dit des Quatre bras, point caractéristique qui n'est pas tenu et laissé finalement aux adversaires.
Le 18 juin, à Waterloo, le plan de Napoléon a pris en compte la nécessité de gagner la guerre du "temps" qui joue contre lui. Ceci va le conduire à "culminer" (terme emprunté au genéral Yakovleff) trop tôt en gâchant ses forces et en laissant l'initiative à Wellington. L'exploitation d'un avantage ou d'une opportunité laissée par l'ennemi doit être exploitée rapidement avec des éléments réservés et avec une planifiaction acceptant les cas non conformes. Le principe de concentration des efforts implique également de ne pas diluer son potentiel de combat sur des missions annexes.
 
Tout d'abord, l'Empereur a prévu une attaque de diversion sur Hougoumont, une des trois fermes fortifiées par les Anglais. Ce choix n'est pas payant car l'objectif est surdimensionné alors que ce n'est qu'une ruse, d'autant que les 8000 hommes chargés de cette manoeuvre vont se heurter à une résistance tenace qui consommera combattants et feux de l'artillerie une grande partie de la journée. Cette diversion n'a pas l'effet escomptée car elle n'attire pas les réserves britanniques vers la ferme mais contre l'infanterie française qui, pour sa part, attaque à l'est de la route de Bruxelles et qui finit par se replier. La mise en oeuvre d'une action de diversion doit être étudiée à l'aune du rapport coût/efficacité et disposer de tous les facteurs imposant à l'ennemi de réagir conformément à notre intention.
 
Dans le même registre, de nombreuses unités vont s'escrimer à tenter de s'emparer des autres fermes, comme la Haye Sainte, alors que les erreurs des jours précédents (poursuite de Blücher) impose de prélever encore des régiments pour couvrir le corps de bataille frnjaçais face à l'arrivée probable des Prussiens. Napoléon, contrairement à ses habitudes, n'a pas choisi son terrain et a laissé Wellignton mettre à profit les atouts du champ de bataille (fermes, chemins creux, colline du Mont Saint-Jean). Le terrain doit faire l'objet d'une étude approndie et les temps préliminaires à l'action sont sensés permettre la saisie des points hauts ou caractéristiques (ponts, routes, villages,...), ces derniers demeurant à la guerre autant de multiplicateurs de puissance.


A plusieurs reprises dans la journée, la liaison entre infanterie et cavalerie n'est pas bonne empêchant toute coordination, notamment lors des premières charges commandées par Ney. Pourtant, quand la cavalerie britannique tente de poursuivre les divisions de fantassins français qui se replient, elle est détruite grâce à une contre-attaque lancée au bon moment. Napoléon, qui est victime d'un malaise, ne peut empêcher le maréchal Ney de lancer plus de 10 000 cavaliers sur les carrés britanniques et leur artillerie. Alors que Wellington a fait reculer ses hommes de plusieirs centaines de mètres dans la contre pente du plateau pour les protéger du feux des canons français, Ney prend ce repli tactique pour une retraite. Il engage la cavalerie sur un terrain défavorable au choc (pente positive), sans appui et sans vision globale de la bataille. Malgré des pertes importantes du côté britannique, les charges successives sont des échecs. Il est impératif de construire une manoeuvre interarmes permettant à chaque fonction opérationnelle d'appuyer ou soutenir l'autre, contribuant ainsi à la liberté d'action du chef, à l'économie des moyens et à initier ce que Napoléon appelait le "moment", cet instant où le sort d'un combat peut basculer. Malheureusement, l'Empereur, dans son souci de centraliser le commandement et les choix tactiques, souvent dictés par son intuition et sa culture militaire, n'a pas formé ses subordonnés. Mais surtout, il ne leur a pas donné l'effet majeur qu'il s'est fixé, ce sens donné à l'action d'ensemble. De fait, les maréchaux en resteront souvent à la lettre de la mission sans prendre en compte les évolutions du terrain ou, comme c'est le cas pour Ney, ne feront plus la distinction entre audace/prise de risque mesurée et bravoure acharnée.
 
Quand Napoléon reprend le commandement, sa cavalerie est épuisée et n'a pas pu mettre à profit son engagement. En outre, elle ne dispose pas de l'équipement pour saboter les canons pris aux Anglais (qui pourront les réutiliser un peu plus tard) ou pour ouvrir de nouvelles brèches. Les Prussiens ont rejoint le champ de bataille et se font de plus en plus pressant sur le flanc droit français. L'Empereur hésite d'abord à engager son ultime réserve quand le maréchal Ney semble prendre le dessus aux alentours du site de la Papelotte puis, vers 20h, il lance finalement la Garde dans un ultime assaut sans succès. L'effet moral du recul des Grognards est immédiat sur l'ensemble de l'armée, la défaite est consommée. Un chef doit disposer d'une réserve et ne doit pas hésiter à l'engager pour retrouver un équilibre ou saisir une possibilité tactique. Mais cette réserve doit être immédiatement reconstituée afin d'éviter de ne plus pouvoir manoeuvrer ou d'être fixé (afin, par exemple, de rompre le contact). La force morale, souvent défendue par le colonel Ardant du Picq est un des ressort de la victoire. L'armée impériale a prouvé dans de nombreuses campagnes sa cohésion et sa capacité à réagir face à l'évènement. Néanmoins, cette résilience est le fruit du chef, Napoléon, qui anime le feu de ses hommes par sa présence (à Austerlitz comme à Iena, on voit l'Emperuer partout), par ses communiqués et par ses victoires. A Waterloo, les hommes sont moins aguerris, moins bien équipés et ne sont plus sur la même dynamique victorieuse. Napoélon est moins présent du fait de son état de santé et fragilise le moral de ses soldats. En effet, il fait croire d'abord que les colonnes qui se présentent à l'est sont celles de Grouchy (alors qu'il sait que ce sont les Prussiens), ce qui aura un effet dévastateur sur le moral de la troupe quand celle-ci découvre que ses espoirs sont déçus. Enfin, il engage la Garde, et sa renomée, trop tard dans une attaque vouée à l'échec.
 
Cette bataille de Waterloo nous apporte donc de riches enseignements tactiques que l'on peut mettre en perspective pour d'autres engagements ou dans le cadre des conflits contemporains. Cette bataille n'était pas jouée d'avance malgré les déséquilibres en effectifs et en moyens consentis de part et d'autres. La bravoure de tous les combattants doit être mise à l'honneur car les assauts ont été rudes et sanglants.
Napoléon n'a pas su tirer profit de son génie militaire et aura été victime, à la fois de ces erreurs, mais aussi des circonstances. Quant à ses adversaires, loin d'être de brillants tacticiens, ils ont eu le mérite de rester confiant tout en respectant les canons de l'art de la guerre, sans originalité certes, mais avec pragmatisme.
Ce bicentenaire est ainsi l'occasion de revenir sur l'épopée napoléonienne et de saluer l'action militaire et civile de cette figure illustre et respectée de l'histoire de France.

6 commentaires:

  1. Excellent article, il me manque juste une ou deux cartes, comme vous l'avez fait pour la bataille de Koursk, pour mieux "voir" les mouvements sur le terrain.

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    1. Merci pour votre commentaire et votre fidélité, j'ai donc joint une carte pour mieux saisir le champ de bataille. Cordialement

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    2. Merci pour l'insertion de la "carto", le Mont Saint-Jean et la Haye Sainte n'ont plus de secret pour moi :)
      Je poursuis donc mes lectures sur votre (excellent) blog.

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  2. Superbe article ... J ai beaucoup appris en le lisant ....un grand merci

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  3. Belle page d’histoire, merci !...

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