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vendredi 23 octobre 2015

Artillerie et instruction militaire opérationnelle : le renouveau.


 
Les théâtres d’opérations contemporains soulignent la nécessité de mettre en œuvre des missions d’assistance militaire opérationnelle (c’est-à-dire l’aide technique et l’expertise auprès d’armées étrangères) rénovées et en adéquation avec le besoin dans les conflits du moment. En outre, ces déploiements interviennent, dans un contexte multinational voire international en Coalition (Irak), auprès de partenaires régionaux (Afrique) ou à proximité d’autres armées (Syrie et Russie).
Ainsi, les principaux acteurs observés engagent, aux côtés de leurs équipes de « conseillers », des capacités nationales de feux indirects. Complémentaires de l’appui air-sol et des hélicoptères, ces moyens issus de l’artillerie, déployés en permanence, participent à la sécurité et à la liberté d’action de détachements (de conseil ou de mentoring pour utiliser le terme anglo-saxon) souvent légers et parfois isolés.


Aussi, il apparaît intéressant de  réfléchir à la systématisation de cet appui feux dans l’assistance militaire opérationnelle (AMO) afin d’accroitre la protection comme l’efficience des militaires engagés dans ce type de mission. Face aux menaces hybrides, il s’agirait ainsi de donner à cette fonction opérationnelle un autre effet en plus de ceux en lien avec l’appui traditionnel, le ciblage ou la « dissuasion conventionnelle ».
 

Les détachements de type AMO mis en place sur les théâtres d’opérations, ont des structures, des objectifs et des effets qui vont au-delà des modes d’action des détachements d’instruction opérationnelle traditionnels (temps de paix, forces prépositionnées) mais qui diffèrent largement des dispositifs déployés précédemment (par exemple, en Afghanistan). Que l’on évoque les DLAO[1] au Sahel, les équipes d’assistance en Irak ou encore l’engagement russe au profit des FASS[2], l’assistance militaire opérationnelle s’est considérablement complexifiée.
Les conseillers, mentors et autres instructeurs sont engagés auprès d’unités souvent déjà formées mais surtout déployées en zone de combat et/ou d’insécurité. L’emprunte logistique est réduite tout comme les effectifs ainsi que les modalités de stationnement (généralement dans les emprises de forces locales). En effet, souvent contraints politiquement ou sensibles à leurs opinions publiques, les pays occidentaux souhaitent limiter leur engagement financier et humain, faire effort sur certaines capacités à forte plus-value (renseignement, formation, systèmes de commandement) tout en apportant leur expérience opérationnelle aux troupes locales.
Cette aide, apportée au quotidien aux soldats des pays hôtes, varie de l’instruction basique (secourisme au combat, tir,…) à la mise en œuvre de savoir-faire propres aux états-majors (planification, coordination interarmes) en passant par l’expertise spécialisée (maintenance, génie, déminage, lutte contre la menace chimique,…).
Enfin, la sécurité repose à la fois sur les soldats des forces partenaires et sur des dispositifs nationaux passifs (protection du camp,…) comme actifs (unités de combat), voire même sur des moyens partagés entre alliés (hélicoptères, drones,…).
Dans ce cadre, des armées alliées mais aussi d’autres acteurs internationaux ont déployé des capacités de tirs indirects pour valoriser leurs emprises, moyens dont ils font librement la promotion sur internet et sur les sites institutionnels. C’est le cas, par exemple, des conseillers américains en Irak qui disposent et utilisent, pour leur sécurité immédiate, des canons M109A6 Paladin de 155mm. Ils peuvent ainsi riposter aux tirs de harcèlement de Daech, éclairer de nuit les abords des emprises et appuyer leurs éléments de protection ou ceux des Irakiens face à des attaques complexes. Ces feux peuvent, de surcroît, être employés, rapidement, en permanence, sans contrainte liées aux conditions météorologiques difficiles (vents de sable, …) dans cette région du monde.
Cet exemple, pris sur un théâtre d’opérations atypique contemporain mais surtout adapté àla nature nouvelle de l’AMO montre l’intérêt de disposer de moyens feux autonomes et nationaux au plus près de ces détachements réduits et, par nature, dotés d’une puissance de feux limitée.
Fort de ce constat, alors que des réflexions sont menées pour rénover les concepts et la doctrine d’AMO dans de nombreux pays occidentaux (engagés au Moyen-Orient et en Afrique), il serait intéressant d’intégrer d’emblée et de systématiser le déploiement de moyens feux indirects terrestres dans les détachements de ce type. Grâce à ces capacités, les dispositifs, ainsi légèrement renforcés, gagneront en liberté d’action dans des contextes sécuritaires difficiles face à un ennemi mobile et asymétrique. 



[1] Détachements de liaison et d’assistance opérationnelle.
[2] Forces armées et de sécurité syriennes.

3 commentaires:

  1. Cette observation est tout à fait pertinente. Cependant, il faut y apporter 2 nuances:
    1/ la formation des forces locales fait partie intégrante de la stratégie de sortie de crise; elle vise à former une force capable de prendre le relai et donc à nous permettre de nous retirer rapidement, donc de limiter la durée de notre opération; le problème, et on l'a vu en Irak et en Afghanistan, est que le suivi (donc l'après formation) n'est pas forcément à la hauteur, ce qui nécessite au final de conserver des soldats sur le terrain (donc échec au moins partiel de la stratégie de sortie, comme le montre l'allongement de la mission britannique en Afgha), ou que cette force est employée par le gouvernement local pour atteindre des objectifs qui ne collent pas forcément avec nos objectifs (échec du lead from behind à l'américaine).
    2/ l'emploi de l'artillerie confirme un fait occulté depuis longtemps, en France tout du moins: seul le feu tue. Or l'artillerie est bien l'arme du feu massif, apporté depuis une zone sécurisée, c'est-à-dire loin de la ligne de contact; ce fait nous a été redémontré par les Russes en Ukraine. Or dans le cas des opérations actuelles, l'ennemi ne dispose ni de cette puissance de feu, et encore moins de moyens de la contrer; donc l'artillerie est un facteur de basculement de l'initiative. Le problème est que cette initiative gagnée n'est pas ou peu exploitée car la manoeuvre interarmes ne se décrète pas, il faut l'apprendre et cela prend du temps, bien plus que celui dédié aux missions d'assistance.
    Bref nous sommes dans le cas d'un placebo qui vise d'un côté à rechercher un engagement court, peu couteux et à forte valeur-ajoutée médiatico-politique, et de l'autre à se prémunir contre des pertes au combat, politiquement insupportables (commennt justifier de la perte de soldats officiellement engagés dans une mission de formation et non pas de combat).

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  2. Merci pour votre commentaire, j'adhère effectivement à votre analyse quant au risque accepté. L'artillerie, cet Ultima Ratio est un symbole fort en opérations mais peut contribuer à la protecyion de nos soldats. A bientôt cordialement

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    1. Depuis plusieurs, les Etats-Unis ont déployé également le lance roquettes multiples HIMARS pour des missions ''hit and run'' en Irak si l'on puis dire avec des roquettes de portée de 70 kù.

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