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mardi 8 décembre 2015

La première guerre mondiale au jour le jour : décembre 1915.

 
Le lieutenant-colonel Rousset, contemporain du premier conflit mondial, poursuit son remarqable travail d'analyse et de description des combats qui durent maintenant depuis plus d'un an. En ce début décembre 1915, les températures très froides semblent avoir figé les lignes de front dans les Balkans, sur la Vardar, comme à Monastir, où les Allemands et leurs alliés bulgares ne parviennent pas à emporter la décision. Malgré tout, le général Sarrail (corps expéditionnaire français d'Orient) doit commander une nouvelle retraite à ses hommes faute de coordination viable avec les Serbes en déroute. Sur le front russe, la réduction du front de bataille allemand, obtenu grâce à la conquête de la Pologne, a permis à Berlin de basculer 11 divisions vers le front occidental, soient 180 à 200 000 hommes.

En Mésopotamie, le général britannique Townsend poursuit sa retraite, harcelé par des forces turques bien supérieures en volume. Il semble donc que les théâtres d'opérations secondaires voulus par les Alliés ne permettent pas de fragiliser la Triplice, bien au contraire. Le 2 décembre, le Portugal rejoint les Alliés dans la guerre.
Dans l'armée française, notre témoin relaie les problèmes de soutien et d'approvisionnement qui sévissent en cette période hivernale :" nos hommes n'ont point d'effets de laine, sinon ceux que leurs familles leur ont envoyés. On ne leur a distribué ni chemise de flanelle, ni caleçons, ni ceintures, ni chandails (...) Les fameux "punchos" sont au nombre de 6  par compagnie (...) Les abris souterrains continuent à y être absolument précaires, faute de rondins, de poutres et de bois de coffrage."
Le 6 décembre, au grand quartier général a lieu la première réunion, sous la présidence du général Joffre, du conseil de guerre destiné à créer entre les les Alliés un lien étroit et permanent (général French, général Porro, général Wiellemans, colonel Stefanovitch). Ce sont les prémices d'une alliance intégrée que mènera, en 1918 le maréchal Foch.
Néanmoins, dès le 8 décembre 1915, les combats reprennent avec une vive offensive allemande sur la butte de Souain alors que le Royaume-Uni engage, dans la profondeur, 16 aéroplanes pour bombarder les dépôts ennemis dans la Somme. La guerre aérienne s'intensifie encore un peu plus dans une volonté de frapper les bélligérants dans la profondeur opérative.
En parrallèle, le lieutenant-colonel Rousset critique la dissémination des moyens navals alliés qui permettent aux Autrichiens, par exemple, de concentrer leurs efforts et d'obtenir des succès importants en Méditerranée. Il met en avant lle non respect des principes de la guerre et l'absence d'objectifs clairs, les navires étant requis tantôt dans les Dardanelles, tantôt en Mer Egée, tantôt devant l'Egypte ou au Levant.
Le 10 décembre, l'armée française d'Orient du général Sarrail repousse l'attaque bulgare tout en tendant la main à la 10ème division britannique mise à mal dans la région du Lac Doiran. Le corps expéditionnaire franco-anglais entame alors sa retraite vers Salonique, manoeuvre compliquée car "l'essentiel est maintenant que ce mouvement soit rapide, car il ne faut pas se dissimuler, nos troupes courent encore de certains dangers d'enveloppement, sans compter que reculer en combattant est une opération délicate, qu'il convient autant que possible d'abréger en gagnat à grandes enjambées des positions défensives assurées". Notre ancien professeur de l'Ecole supérieure de Guerre ne résiste pas une fois de plus à nous donner ou rappeler queqlues leçons de tactique appliquée.
Le 16 décembre, le général anglais French demande à être relevé de son commandement et se voit remplacer par le général Haig. En Albanie, les troupes italiennes débarquent pour soutenir ce pays menacé par les Austro-allemands et les Bulgares alors même que les Monténégrins prennent le choc d'un assaut général autrichien. Les débris de l'armée serbe tentent également de retrouver un peu de cohérence sur les lieux où ils se sont regroupés.
A Paris, la Chambre des députés vote 2,6 milliards de francs de crédit supplémentaire par mois pour soutenir l'effort de guerre ainsi que la dissolution des conseils de guerre spéciaux (retour aux tribunaux militaires territoriaux) dont l'utilité a été mise en doute (356 acquittements sur 800 poursuite et moins d'une dizaine de condamnation à mort). Ce fait démontre la discipline des armées françaises et des Poilus, pourtant engagés dans des conditions terribles de stationnement comme de combat.
En Mer Baltique, deux sous-marins anglais coulent un croiseur allemand et un torpilleur de haute mer qui l'escortait.
A compter du 19 décembre, ce sont surtout des duels d'artillerie ou des raids aériens qui ponctuent le front près de Ypres, Arras, Saint-Mihiel et Chauvoncourt. Les résultats sont salués par le lieutenant-colonel Rousset mais ils demeurent très tactiques et limités et ce, à l'image d'un "Blockhaus de mitrailleuses" détruit dans le bois de Lamorville ou d'un dêpôt de munitions bombardé aux Courtechausses. De même, sur 44 combats aériens recensés par les Britanniques, les pertes allemandes ne se montent qu'à deux appareils pour un pilote anglais perdu. Ce sont davantage des escarmouches qu'une vraie lutte pour la "supériorité aérienne".
Le 20 décembre 1915, l'annonce officielle est faite de l'abandon définitif, par les Alliés, des Dardanelles après une opération de réembarquement exemplaire menée dans la baie de Suvla sans que les forces turques ne puissent intervenir. Le 21 décembre, la lutte reprend dans l'Hartmannswillerkopf et les Français font 1300 prisonniers dont 21 officiers.
Le 24 décembre, en Mésopotamie, le général Townsend est retranché à Kut El Mara où il est violemment attaqué par les Turques qui cherchent à pénétrer dans le fort, les pertes sont importantes mais les Anglais résistent.
Pour la seconde fois, les soldats vont alors vivre les festivités de Noël et du nouvel an dans les tranchées, alors même qu'on leur promettait une victoire rapide. Notre témoin met cette situation figée sur le compte de fautes administratives, militaires et diplomatiques. Il oppose notre volonté ferme à un ennemi bien outillé, montrant par là le manque de préparation technique des troupes françaises avant 1914.
Laissons-lui donc le mot de la fin pour cette année 1915 qui s'achève mais qui résonne encore d'actualité pour les militaires déployés aujourd'hui, en France et en opérations, face à d'autres menaces :" pour la seconde fois, nos soldats passront sous les armes, loin des leurs, loin de leur foyer esseulé, cette fête familiale et intime. Ils montent sur notre front devenu inviolable grâce à leur courage, une garde de plus en plus sévère, de plus en plus vigilante, et que n'interrompra même pas une trêve de queqlues heures, tant est rude cette guerre, tant est implacable la rigueur avec laquelle il faut la mener !".
 

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