Dans quelques jours, un nouvel épisode de la saga "Star Wars" (ou guerre des étoiles en français) va sortir sur les écrans. Cet évènement cinématographique a bien évidemment pour moi une résonnance toute particulière car je fais partie d'une génération qui a été bercée par les aventures spatiales des Jedi face aux forces obscures de l'empereur dans une galaxie très lointaine. Mais, au-delà de cette "madeleine de Proust" aux parfums de science-fiction, cette filmographie est vu par de nombreux observateurs, à l'instar du philosophe Raphaël Enthoven, comme un récit mythologique d'aujourd'hui, sorte d'Illiade, d'Odyssée voire de "théologie de la guerre" contemporaine. On y retrouve en effet les chroniques de héros légendaires, d'expéditions lointaines, de stratagèmes militaires, de forteresses imprenables et de batailles épiques.
Aussi, fort de ce constat, il m'est apparu effectivement, en revoyant quelques images des trilogies successives comme en feuilletant des ouvrages consacrés à cette histoire imaginaire, que Star Wars pouvait aussi nous permettre de mettre en perspectives certains enseignements stratégiques ou tactiques, et en particulier le principe d'asymétrie qui oppose les rebelles aux troupes impériales.
Stratégie
Au travers du monde de la guerre des étoiles, on peut tout d'abord observer la dialectique complexe entre politiques et militaires et ce, dans les atermoiements du Sénat de l'ancienne République galactique confrontée à des foyers de rebellions aux marges de son territoire spatial. Situation délicate puisque les troupes, à la disposition d'institutions affaiblies par la corruption et les rivalités politiciennes, sont réduites (chapitre 1). Cette force armée reposent alors sur une poignée de combattants d'élite, les Jedi, qui doivent faire face à des armées privées représentées par les robots de la puissante Fédération du Commerce. Une armée de clones (chapitre 2), combattants surentraînés et "augmentés" par leur équipements (aux allures de systèmes FELIN pour prendre un exemple contemporain), est alors mise à contribution, dans l'urgence, pour restaurer la paix mais elle se retournera contre le gouvernement galactique.
Ces divisions de soldats de choc sont, de surcroît, manipulées par les tenants du côté obscur de la Force, sorte d'extrémistes religieux qui cherchent à imposer un nouvel ordre sociétal et politique (chapitres 1 à 3). Leur chef, Palpatine, parviendra à ses fins et édifiera un Empire, forme originale de dictature basée sur la peur, une autorité centralisée, une armée puissante, une culture d'Etat, une forte propagande et une importante répression policière.
Face à ce pouvoir, certains opposants constituent une Rébellion (chapitre 4), organisation qui structure son action sur la collecte du renseignement, l'armement de groupes armés et des structures politico-militaires parallèles aux autorités officielles. Ces rebelles vont d'abord harceler les garnisons ou les convois impériaux puis gagner "les cœurs et les esprits" de nombreuses planètes avant de remporter une victoire symbolique face à la première "Etoile noire" (chapitre 4). Ils agissent ainsi selon les principes propres à la guerre irrégulière, comme le décrivait le général Beauffre, avec des actions de guérilla, des zones refuge (bases de Hoth au milieu d'étendues glacées - chapitre 5) puis la constitution de forces conventionnelles capables de rivaliser ponctuellement avec les troupes "gouvernementales".
Au travers de la saga, on peut, de la même façon, souligner, dans le domaine stratégique, les renversements d'alliances (trahison dans la Cité des Nuages - chapitre 5), la manipulation par services secrets interposés (transmissions de codes et de plans incomplets - chapitres 4 et 6), le recours au mercenariat (chapitres 2 et 5), le rôle des organisations criminelles (au profit ou au dépend de tels ou tels camps - chapitres 1 et 6 ) mais également les rapports complexes entre humains et créatures extra-terrestres.
S'en suit plus tard, pour la Rébellion, la recherche d'une bataille décisive, comme l'aurait imaginé Clausewitz, en frappant le centre de gravité impérial, à savoir la seconde "Etoile de la mort" dont l'Empereur, lui-même supervise les derniers aménagements (chapitre 6). Enfin, en trame de fond, il y a bien une opposition entre deux idéologies religieuses, voire culturelles, portée par une approche différentes du bien et de mal, au sein d'une religion construite autour d'une même croyance, la Force.
Tactique
Sur le plan tactique, "Star Wars" offre également des réflexions intéressantes. Tout d'abord, l'environnement joue un rôle important pour les combattants des factions principales qui adaptent équipements et modes d'action au milieu. Il suffit de voir les unités spécialisées dans le combat désertique sur la planète Tatouine (Desert Storm troopers - chapitre 4), au milieu des marécages de Kashiks (chapitre 3) ou des neiges de Hoth (chapitre 5). L'armée impériale, en particulier, développe les spécificités avec des Eclaireurs capables d'explorer les forêts d'Endor sur des moto jets (chapitre 6), des soldats rompus au combat aquatiques (comme les plongeurs du génie actuels) ou de puissantes unités blindées (quadripodes) pour les assauts en rase campagne (chapitres 2 et 5).
A l'inverse, les rebelles s'appuient sur les populations locales, comme sur Endor (chapitre 6), et assurent leur protection par une mobilité opérative importante, déplaçant leurs zones refuge ou cherchant à basculer les efforts d'un système solaire à un autre.
Les moyens de reconnaissance sont tous importants à l'image des "Droïds Sondes" largués sur toutes les planètes (chapitre 5) pour détecter les traces de groupes insurgés. Dans ce cadre d'ailleurs, l'emploi des robots est mis en avant, tout au long des trilogies, dans une logique de stricte suffisance et de complémentarité avec l'homme. C'est le cas si on analyse l'image renvoyée par C3PO et par D2R2 qui accompagnent les héros mais aussi par les droïds de combat, toujours mis à défaut par les humains.
En termes d'asymétrie, les rebelles ne sont jamais plus forts que lorsqu'ils attaquent par petits groupes, les batailles rangées dans l'espace (combat entre les deux flottes spatiales - chapitre 6) ou au sol (assaut impérial de la base Echo- chapitre 5) tournent à la faveur des armées de l'Empereur. En revanche, les actions de commandos (raid des forces spéciales rebelles sur Endor - chapitre 6) ou de petits groupes de chasseurs (Etoile noire - chapitres 4 et 6) permettent à la Rébellion de remporter des victoires.
Dans tous les épisodes, l'aspect interarmées est omni présent. En effet, pas un combat terrestre ne se fait sans l'appui de chasseurs TIE, de Snow Speeders (véhicules à sustentation futuristes - chapitre 5) pour l'appui air-sol, voire de pièces d'artillerie à long rayon d'action (canons à ions). Les flottes de vaisseaux apportent leurs propres plus-value au combat avec les feux de croiseurs, les frégates médicales (Nébulon B), les transports de troupe et bien sûr les nombreux chasseurs aux qualités complémentaires (Aile X, Aile B,...). Tout ceci, sans compter le mythe de l'arme absolue qui doit détruire et terroriser avec le canon géant de l'Etoile noire (capable de détruire une planète) et qui laisse à penser aux canons de gros calibres allemands (Grosse Bertha) du premier conflit mondial ou aux fantasmes nazis de l'arme secrète capable de renverser le rapport de force.
Le commandement centralisé de l'Empire nuit souvent à la capacité d'initiative des chefs tactiques qui sont, pour la plupart, sidérés à la pensée de devoir rendre compte de leurs échecs à Dark Vador ou aux généraux (grand Moth Tarkin). Convaincues de leur supériorité technique ou numérique, les légions impériales délaissent la recherche de la surprise et appliquent leurs modes opératoires sans s'adapter aux circonstances, au risque d'être vaincu par des tribus primitives Ewoks (chapitre 6). A l'inverse, les rebelles cultivent l'incertitude, la subsidiarité à l'image d'un Ian Solo évacuant de son propre chef Leïa de Hoth (chapitre 5) comme de Luke s'infiltrant avec son chasseur dans les défenses de l'Etoile noire (chapitre 4) sans l'appui des systèmes d'aide à la décision à sa disposition (sorte de NEB du futur).
Mais les combats de la guerre des Etoiles mettent en lumière l'importance des stratèges et de combattants hors normes. Que ce soient les chevaliers Jedi comme les terribles Sith, l'amiral Ackbhar, le général Veers ou Lando Calrissian, ils mettent tous en avant le rôle prépondérant des chefs militaires dans la conduite des opérations et la saisie des opportunités.
En conclusion, bien que futile aux yeux de certains, la saga Star Wars, qui va poursuivre son épopée à compter du 16 décembre prochain, est bien plus qu'un simple comte pour enfants, elle peut aussi nous offrir la possibilité de mettre en relief, dans la mesure de ses possibilités, de nombreuses réflexions stratégico-tactiques. Ces dernières portent, comme nous l'avons vu, sur la guerre irrégulière, la contre-insurrection, les formes de commandement, l'équilibre entre technique et humain dans les armées et enfin l'intégration des différentes fonctions opérationnelles.
Néanmoins, l'important reste que vous preniez plaisir à voir ce nouvel épisode de la guerre des Etoiles, seul ou en famille. Alors, que la Force soit avec vous !
Liste des films de la saga :
Chapitre 1 : la menace fantôme.
Chapitre 2 : l'attaque des clones.
Chapitre 3 : la revanche des Siths.
Chapitre 4 : un nouvel espoir.
Chapitre 5 : l'empire contre-attaque.
Chapitre 6 : le retour du Jedi.
Pour revenir au niveau stratégique, 2 points que vous avez évoqués méritent une remarque chacun:
RépondreSupprimer- les Jedi sont en fait les derniers remparts de la République, sortes de forces spéciales isolées dans un monde dépouvu de forces combattantes; au final, ils échouent devant le nombre malgré leur excellence; bref, la tendance actuelle de nos états à vouloir faire primer l'emploi des FS en lieu et place des forces conventionnelles est à moyen terme un échec: en trop grand nombre, la sélection n'est plus possible, à être engagées dans n'importe quelle condition, elles s'épuisent et ne peuvent plus ni maintenir leur niveau, ni se régénérer.
- le combat de la Rebellion colle en tout point à la théorie de la guerre révolutionnaire de Mao...
Pour ce qui est de la Rebellion, les films de la première trilogie ne montre pas un si grand support des populations de l'Empire...
SupprimerEn fait, pour Mao, la partie militaire consiste a créer d'abord une force irrégulière qui attaque l'ennemi pour récupérer des moyens et se faire connaitre (phase de défense), puis passer à des combats visant à contrôler des territoires (phase offensive), et enfin à créer une armée régulière et porter un coup décisif à l'ennemi (bataille décisive).
SupprimerLe côté politique avec l'encadrement de la population est en effet moins présent bien que l'action de la princesse vise à développer un socle de cadres adhérant à la cause.
Merci pour vos commentaires tant il est vrai que chaque personnages ou épisodes donnent l'occasion à réfléchir sur la guerre irrégulière ou le combat asymétrique même si la rébellion ne franchit pas le pas du terrorisme.
SupprimerNice blog you have here thanks for sharing this
RépondreSupprimer/1/Depuis la première trilogie, la saga de Star Wars a toujours privilégié l'ambiance sur la vraisemblance tactique. La Bataille de Yavin est un patchwork d'éléments tirés des films "The Dam Busters de Michael Anderson" et (surtout) "633 Squadron" de Walter Grauman. Si l'on peut encore expliquer la comportement des Impériaux par leur vanité, les rebelles se battent vraiment comme des amateurs; ils font plus penser aux pilotes nord-coréens de la Guerre de Corée qu'à une allégorie des pilotes de la RAF ou de l'US Navy.
RépondreSupprimer/2/On notera que, dans les films, les troupes de mêlée impériales n'accordent aucun importance au camouflage: les assauts éclairs massifs ou les environnements techniques semblent limiter leur importance pour un Empire qui n'a pas autant de ressource qu'on pourrait le croire au vu de la masse des territoires à couvrir.
/3/On notera que ni les rebelles, ni les impériaux n'ont recours aux chasseurs autour de la Base Hoth. L'espace restreint entre le bouclier planétaire et le sol explique sans doute l'impossibilité de mettre en vol autre chose que des airspeeders dépassés face aux quadripodes en dépit de leurs dernières modifications. Les pilotes rebelles combattent initialement les quadripodes comme s'ils s'agissaient d'escadron de chars à répulsion avec une tourelle à capacité anti-aérienne.