Le 15 août 1944, la flotte alliée de près de 2 000 bâtiments appuie (16 000 obus tirés) ou débarque les troupes, véhicules et munitions franco-américains après avoir leurré les Allemands et ce, en simulant un assaut amphibie sur Gênes.
Dans la nuit, les unités commandos françaises comme celles du commandant Rigaud au Rayol ou du capitaine Ducournau au cap Nègre, s'emparent des plages ou des batteries. En parallèle, deux opérations de diversion (nom de code Ferdinand) sont menées à Cannes et à La Ciotat.
Le commandement allemand, basé à Draguignan, est pris au dépourvu et envoie ses réserves dans de mauvaises directions. Au petit matin, les 9700 paras US sautent sur l'arrière pays varois (Le Muy, La Motte, Sainte Roseline, Roquebrune). Des divisions US s'emparent des têtes de pont en repoussant les Allemands à plus de 30 km des côtes et, le 16 août, les premières unités françaises foulent le sol de France (3ème DIA, 1ère DFL et CC2). Les 17 et 18, les soldats français sont à l'oeuvre à Brignoles (pour appuyer l’infanterie américaine avec des chars) comme à Hyères, le général De Lattre installant son PC à Cogolin. La planification opérationnelle n'a pas résisté à la réalité et font hésiter le général sur la poursuite de l'action :"toutes les études préparatoires ont, en effet, prévu que la prise à partie d'une place protégée par trente forts (Toulon) et d'innombrables casemates occupés par une garnison de l'ordre de 25 000 hommes nécessiterait l'engagement des deux premiers échelons de l'armée. Or, seule une fraction du premier, soit 16 000 combattants, 30 chars, 80 canons de moyen calibre, est à pied d'oeuvre. Pour que ce premier échelon soit au complet et que le deuxième l'ait rejoint, un délai de huit à dix jours est nécessaire. Compte tenu des succès acquis, faut-il s'en tenir au déroulement normal du plan ? Faut-il au contraire en bousculer l'application ?"
Finalement, le général De Lattre choisit l'audace et, avec ses deux divisionnaires, conçoit une manœuvre cherchant l'enveloppement de Toulon, la saisie de points clés et l'attaque de flanc. Les Français progressent rapidement malgré une résistance allemande tenace qui impose à la 1ère armée de mener un combat en zone urbaine difficile (en particulier du 20 au 23 août) : "c'est une guerre de Peaux-rouges contre les pillboxes édifiés un peu partout aux croisements de rues ou auprès des principaux bâtiments publics, contre les snipers dissimulés sur les toits ou dans les caves, contre les voitures ou les camions qui tentent de circuler encore." C'est le site de la Poudrière qui est le plus difficile à prendre avec l'engagement de chars et l'emploi de grenades incendiaires. Les troupes allemandes y perdent 250 tués, 180 prisonniers dont 60 blessés graves. La reddition définitive de la garnison ennemie intervient le 28 août scellant le premier succès français d'envergure, preuve que les hommes de la 1ère Armée sont prêts et bien commandés : "Mais aucun, je l'espère, ne me reprochera d'avoir sous-estimé l’héroïsme dépensé par tous les combattants. Et c'est là certainement l'essentiel, car la rapidité même de notre succès, acquis à une heure où l'opinion française, privée de liaison, concentrait son attention soit sur des péripéties locales, soit sur l'immense nouvelle de la délivrance de Paris, a trop souvent fait croire qu'il avait été obtenu facilement de la faiblesse d'un adversaire démoralisé et d'avance consentant. Les faits demeurent. Huit jours de lutte ininterrompues. De notre côté, 2 700 Français, dont 100 officiers, tués ou blessés. Chez les Allemands, des milliers de cadavres et plus de 17 000 captifs. Un matériel énorme et un butin de centaines de canons. Finalement, le plus grand port de guerre de l'Europe occidentale conquis et ouvert aux forces alliées pour servir de base à de nouvelles victoires." Dès le 21 août, des unités de la division Monsabert (3ème DIA) atteignent les faubourgs de Marseille dont le périmètre défensif paraît moins dense qu'à Toulon, étant en effet concentré sur les axes, favorisant de fait les infiltrations dans les intervalles. L'opération doit se dérouler en 3 temps : investissement, resserrement, assaut. Les Français savent pouvoir compter sur l'apport tactique des FFI et sur leur connaissance du terrain. Néanmoins, le commandant de la première Armée retient ses subordonnés qui sont emportés dans leur élan et par leur enthousiasme car il souhaite concentrer ses moyens, ses appuis et profiter de la mobilité des tirailleurs et autres goumiers nord-africains. L'effondrement de la cité phocéenne est finalement assez rapide malgré des combats ardents, notamment autour de Notre Dame de la Garde. Il intervient le 28 août, seulement 12 jours après le débarquement. S'en suit alors une poursuite de 700 km le long de la vallée du Rhône avec la 1ère DB et la 1ère DFL en tête aux côtés des troupes américaines. Ces dernières peinent face à la 11ème division de panzers dont la manœuvre de freinage est d'une grande qualité tactique. Mais les Français, qui progressent plus vite, sont confrontés aux choix du commandement allié qui impose à la 1ère Armée de fractionner ses forces en deux parties de part et d'autres du corps d'armée US : "les ordres reçus me forçaient à adopter un dispositif peu commun correspondant à la triple mission qui m'était impartie "(couverture sur les Alpes, attaque en direction de la Franche-Comtée, attaque le long du Rhône). "Entre autres problèmes, cet écartèlement posait celui de l'articulation du commandement. Pour le régler temporairement, je décidai de confier le contrôle des mouvements des deux groupements de droite à mon chef d'état-major, le général Carpentier (...) tandis que je restai moi-même à Aix." La décision est alors rapidement prise de créer 2 corps d'armée aux ordres des généraux Monsabert et Bethouart afin de mieux coordonner l'action sur les différents fuseaux. En outre, sur l'axe rhodanien, les sapeurs font des miracles en innovant (utilisation de bâtiments amphibies remontant le fleuve depuis la mer) pour permettre le franchissement du Rhône à Arles et Vallabrègues de 3 500 véhicules en 48 heures. Les Français atteignent ainsi très vite la Bourgogne, bousculant les poches de résistance allemande, libérant de grandes villes comme Dijon, Chalon, Autun (face à un adversaire déterminé et mobile) avant de prendre position face à la trouée de Belfort. Le 12 septembre 1944, les forces venant du sud font leur jonction à Langres avec les unités de Patton arrivant de Normandie, notamment la 2ème DB de Leclerc. Dans le même temps, le général De Lattre doit recompléter ses unités avec de jeunes recrues enrôlées dans les régions libérées et intégrer les maquis et groupes de résistants : c'est l'amalgame. Néanmoins, cette étape d'intégration, quoique nécessaire, va se révéler délicate dans la poursuite de la guerre.
A suivre ...
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