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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

jeudi 21 mars 2013

Principe tactique : l'économie des moyens.

Comme annoncé précédemment, nous reprenons notre réflexion sur les principes tactiques tels que définis en France et ce, en détaillant leur définition, leurs procédés particuliers ainsi que leurs applications concrètes sur le champ de bataille. Après avoir développé la liberté d’action, clef de voûte de l’art de la guerre, nous évoquons aujourd’hui l’économie des moyens.
Elle est décrite dans les documents doctrinaux comme la répartition et l’application judicieuses des moyens en vue d’obtenir le meilleur rapport capacités/effets pour atteindre le but assigné. Il s’agit donc de mettre en œuvre, de déployer les unités ou encore les équipements, au bon endroit, et surtout au bon moment. Ce choix, dans l’espace et dans le temps, demeure crucial quand on construit, en tactique, le mode d’action adapté à l’ennemi, au terrain, aux circonstances, à l’environnement (technique, humain, physique voire immatériel) comme aux contraintes politico-militaires (règles d’engagement, coalitions,…). Aussi, verrons-nous que ce principe doit reposer sur la modularité, l’articulation des forces mais également sur un soutien adapté.




La modularité consiste donc à disposer d’un outil adaptable constitué d’unités aux aptitudes leur permettant de faire face à la menace ou aux frictions du combat. Cette qualité  a été, de tous temps, source de progrès, à l’instar d’un Xénophon décrivant dans l’« Anabase » cette faculté d’adaptation qui suscite la création, au-delà des  simples Hoplites (la norme à l’époque en Grèce), des cavaliers légers, des frondeurs ou des archers. Ces derniers seront d'ailleurs les instruments pour défaire, par exemple, Arméniens et Kurdes lors de la célèbre « retraite des 10000 ». Une force doit constituer un système de fonctions complémentaires qui pourront être assemblées de diverses manières, tel un réseau ou une machine mécanique. Cette combinaison de troupes spécialisées est aujourd’hui définie comme une structure interarmes. Que l’on pense aux légions romaines associant vélites, cavaliers auxiliaires et machines de guerre, aux armées anglaises de la guerre de cent ans alliant archers, chevaliers et hommes à pieds, aux divisions napoléoniennes (cavalerie légère, infanterie de ligne et artillerie) et enfin, aux GTIA modernes (groupements tactiques interarmes), la boîte à outil du général est toujours indispensable pour vaincre.
Mais cette palette de peintures militaires ne devient un tableau cohérent qu’à condition de réaliser une articulation des forces pragmatique, réfléchie et conforme aux besoins du champ de bataille. Dans ce cadre, on observe certains échecs de conception, dans la constitution d’unités sensées être en adéquation avec la mission reçue. C’est le cas du romain Varus s’engageant tragiquement avec son infanterie lourde dans la forêt de Teutoburg (9 après JC), des chevaliers français chargeant seuls à Crécy (1346), puis, bien plus tard, des premiers assauts de chars Schneider ou Saint Chamond sur le Chemin des Dames en 1917 près de Berry au Bac (détruits car disposés aux vues des observateurs d’artillerie allemands).  En revanche, d’un autre côté, le bon choix amène la victoire et ce, à l’image des divisions blindées allemandes (chars, infanterie, génie, moyens d’appui feux)  perçant à Sedan en 1940 comme du déploiement interarmes de la 1ère BFL à Bir Hakeim en 1942 encerclée par les troupes de Rommel (3 groupements répartis autour du point à défendre disposant d’artillerie, de sections anti-aériennes, de fantassins et de moyens de minage).
Enfin, le soutien (souvent mis de côté dans la réflexion tactique) facilite l’économie des moyens afin de conserver le potentiel de combat des unités, leur permettre de durer, d’exploiter un avantage mais aussi d’être à la disposition du chef pour saisir les opportunités ou remplir les tâches assignées. A cet égard, les 7 légions de Crassus à Carrhes (53 avant JC) seront exterminées par des cavaliers parthes capables, pour leur part, de se ravitailler en flèches sur une longue période dans le but de harceler, à distance de sécurité, leurs adversaires dans un désert éprouvant (manque d’eau des Romains). A l’inverse, Patton ou Von Rundstedt, pendant la seconde guerre mondiale, devront réduire leurs ambitions tactiques dans l’est de la France ou dans les Ardennes en 1944, faute d’avoir anticiper les problématiques liées au ravitaillement en carburant. Enfin, à Dien Bien Phû, en 1954, la neutralisation du soutien aérien logistique comme de l'appui feux des aéronefs français, contribuera à l’effondrement du camp retranché (piste prise sous le tir de la DCA vietminh et élongations trop importantes entre la zone d’opérations et les bases du Tonkin).
Au final, l’économie des moyens est à la fois un réservoir d’instruments différents et ajustables mais également le résultat d’une réflexion et d’une bonne compréhension de l’environnement d’engagement opérationnel. C'est aussi une bonne analyse des effets attendus, des contraintes et impératifs de la mission à prendre en compte pour articuler l'outil de combat, surprendre l'ennemi, réagir aux frictions de la guerre et aux modes d'action adverses.

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