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mercredi 20 février 2013

Il y a 97 ans débutait la bataille de Verdun...

Avant de conclure, dans un prochain post, notre étude de la contre-insurrection et de la petite guerre, j'ai souhaité vous proposer une étape historique liée à l'actualité. En effet, demain 21 février marquera le 97ème anniversaire de la bataille de Verdun. Celle-ci représente encore un symbole dans l'histoire militaire française du fait de sa violence, de sa durée mais également de ses enseignements. Nous l'avions déjà abordée lors d'un article précédent et ce, en évoquant le sacrifice et la force morale dont avaient fait preuve les chasseurs du lieutenant-colonel Driant au Bois des Caures au début des combats.
Revenons donc quelques instants sur ce mois de février 1916. Le général et chef d'état-major allemand von Falkenhayn veut saigner à blanc l'armée française à Verdun, secteur faiblement tenu par la France (malgré de nombreux ouvrages fortifiés construits par Séré des Rivières) mais représentant un saillant dans la ligne de front, un noeud routier et ferré. Pour cela, Berlin regroupe en secret 20 divisions (72 bataillons d'infanterie) et plus de 1 200 pièces d'artillerie (particulièrement des pièces lourdes). Les chefs allemands masquent l'arrivée des renforts en les cachant dans des abris souterrains et préparent de grands stocks de munitions pour appliquer la doctrine du "Trommel feuer", une pluie d'obus continue sur le champ de bataille, en lieu et plce des salves mises en oeuvre jusque là.

Quand les Allemands lancent l'assaut, près de 2 millions d'obus s'abattent sur les Poilus en deux jours. Le fort de Douaumont est pris par les troupes impériales presque sans combat mais le fort de Vaux tiendra jusqu'en juin 1916 grâce au courage des soldats du commandant Raynal qui se battront, mètre après mètre, malgré les gaz et les privations.
L'offensive allemande va rapidement s'enliser face au courage et à la combativité des soldats français qui comprennent que ces combats sont un tournant dans la guerre. Les 270 pièces de campagne (principalement des canons de 75) du général Herr, commandant la garnison de Verdun, appuient efficacement, par leur mobilité et leur précision, les poches de résistance françaises alors que les Allemands, trop prudents, ne saisissent pas les opportunités offertes par l'effet de surprise et la brutalité de leur attaque. Rapidement, le commandement français se ressaisit, envoie de Castelnau puis Pétain pour diriger les opérations et coordonner les renforts. La logistique est une des clés de la réussite pour la France. Elle permet l'établissement d'une route vitale et très organisée, la Voie sacrée, cordon ombilical permettant l'acheminement ou l'évacuation des soldats, blessés, équipements et munitions. L'équilibre des forces finit par s'installer dans un déluge de feu où 22 millions d'obus seront tirés en 10 mois provoquant plus de 300 000 morts et autant de blessés pour les deux armées.
Des lieux et des positions deviennent  l'enjeu de confrontations féroces à l'image du "Mort-Homme",  de la côte 304 ou des villages détruits (Fleury sera pris et repris près de 16 fois). Plus de 70% des soldats français, au rythme des relèves, passeront à Verdun, partageant le même enfer. Ce dernier est remarquablement décrit dans les témoignages extraits du livre de Jacques Péricard "Verdun 1916". La témérité et le dévouement de nos anciens doivent donc toujours aiguiser notre devoir de mémoire.
Pour exemple, au "Mort-Homme", le caporal Robert Perreau, du 203ème RI raconte : Une source au sommet du Mort-Homme est à portée des Allemands dont la position surplombe légèrement la nôtre. Habilement endiguée par l’ennemi et dirigée vers nos lignes, l’eau a envahi bientôt notre tranchée. Grossi par les pluies, le fleuve s’insinue entre nos remparts de terre et mine nos parapets qui s’effondrent. La tranchée n’est plus maintenant qu’une mare de boue d’où monte une odeur intolérable. On se réfugie sur les rares banquettes qui tiennent encore. Les caisses de grenades constituent des perchoirs sur lesquels on s’agrippe et où l’on cherche à grouper les couvertures, les musettes, les grenades et les armes. Toute tête qui dépasse le parapet est une cible pour les guetteurs d’en face. Il faut rester accroupi sur son socle pour ne pas s’enfoncer dans la boue jusqu’au ventre ou rester enlisé. Au bout de quelques heures, cette position cause une souffrance atroce. Il est impossible de communiquer entre nous pendant le jour. Tout objet qui échappe des mains est irrémédiablement perdu dans la boue liquide. Le moral est plus bas que je ne l’ai jamais vu devant de telles misères physiques. La pluie tombe sans arrêt et traverse nos vêtements. Le froid nous pénètre, les poux nous sucent le sang ; tout le corps est brisé. La pluie et la boue décomposent les cadavres d’où s’exhale une odeur écoeurante. Nous ne mangeons plus Je vois des hommes de quarante ans pleurer comme des enfants. Certains voudraient mourir. Les grenades, les cartouches, les fusées sont noyées. La boue à pénétré dans le canon et les mécanisme des fusils, les rendant hors d’usage. Nous serions incapables de résister à une attaque allemande. Seule la nuit nous permet de quitter une position que nous avons dû garder pendant douze heures.
Espérons donc que les commémorations du centenaire de la première guerre mondiale en 2014 permettront de raviver la flamme du souvenir de ces "Poilus" dont l'abnégation et le courage demeurent exemplaires mais rappellent aussi la nature de la guerre, l'importance du patriotisme et le sens de l'esprit du sacrifice. 

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