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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

lundi 11 février 2013

Petites guerres et contre-insurrection : perspectives historiques (3).

Voici donc la troisième partie de notre étude sur les formes d'insurrection et les tactiques utilisées par les combattants irréguliers comme par les armées qui, tout au long de l'histoire militaire, ont cherché à lutter contre ce type de conflictualité.
Hassan Ibn Saba, appelé également le « vieux de la montagne », crée, entre la fin du XIème et le début du XIIème siècle, la secte des Hashshashin dans sa forteresse d’Alamut en Perse et ce, pour lutter contre l’empire Seldjoukide.
Ses assassins ismaéliens comme ses guerriers fanatisés sèment la terreur dans le territoire impérial turc faisant de Ibn Saba un acteur majeur de la région. Malgré les expéditions militaires lancées contre lui, il résiste et oblige les monarques régionaux à négocier avec lui. Les assauts lancés par des armées conventionnelles sont toutes des échecs du fait de l'aura du chef insurgé, de son recrutement (au sein des populations chiites mises au banc de la société turque sunnite), de son influence politique (il a des contacts avec le roi de France), comme des forteresses (zones refuge) qu’il contrôle ou de sa logistique auto-suffisante.



De la Renaissance au début du XIXème siècle.
La renaissance voit une Europe secouée par les guerres entre le Royaume de France, les principautés italiennes, le Saint Empire romain germanique et les dynasties ottomanes. Dans ce tumulte, les troupes de mercenaires, les « Condotierre » se vendent au plus offrant et ravagent les contrées quand elles sont inemployées. Les Etats sont souvent alors contraints d’organiser des opérations de ratissage pour chasser ces compagnies d’irréguliers qui pillent, volent ou tendent des embuscades afin de s’emparer de marchandises ou de métaux précieux. Néanmoins, dans certains pays, la « petite guerre » est une nécessité tactique mise en œuvre par des unités spécialisées. C’est le cas des Hongrois qui, face aux armées turques sur leur frontière, doivent établir un réseau de forteresses solides mais soutenues, dans les intervalles, par des forces irrégulières d’infanterie mobiles ou de troupes montées, les Haidouks. Ces cavaliers légers, qui apparaissent dès le XVIIème siècle, deviendront, au fil du temps les hussards à la réputation internationale. En effet, on verra Louis de Bade n’accepter le commandement de l’armée du Rhin en 1692 qu’après avoir reçu l’assurance que 10 000  de ces guerriers lui seraient confiés. Ces combattants légers et d’une mobilité accrue harcèlent les unités conventionnelles, s’attaquent au ravitaillement, recueillent du renseignement, interceptent les messagers et entretiennent l’insécurité dans la profondeur du dispositif ennemi.
Plus tard, en France, le Roi est confronté à diverses rebellions dont la plus célèbre, celle des Camisards des Cévennes (rebelles protestants), nécessite, de 1702 à 1704, un effort militaire conséquent. De fait, il faudra le commandement successif des maréchaux De Broglie, de Villars et de Montrevel pour venir à bout des combattants dirigés par des chefs locaux comme Jean Cavalier. Celui-ci, retranché dans les montagnes, bénéficie de l’appui de la population et connaît parfaitement le terrain. Pourtant face à la terreur mise en place par les forces régulières ou les milices d’auto-défense catholiques, à la politique de la terre brûlée, à l’évacuation des villages et au regroupement des habitants cévenols (13 000 personnes) dans les grandes cités, les rebelles finissent par s’affaiblir avant d’être vaincus. Le même destin attendra les soulèvements vendéens ou corses comme ceux des Chouans bretons et ce, avec des exactions et des massacres commis de part et d’autres.
Mais c’est bien Napoléon qui fera, à cette époque, la synthèse de ces guerres irrégulières grâce à son expérience et à sa réflexion tactique voire stratégique. Que ce soit en 1796 en Italie, lors de la campagne d’Egypte ou encore face aux insurrections calabraises (1806) ou espagnoles (1808), il comprend parfaitement les ressorts de ces conflits particuliers, conseille ses généraux ou ses frères, sans toutefois toujours mettre en application les principes de contre-insurrection qu’il théorise. Dans ce cadre, il considère :
-qu’il faut se concilier les élites d’un pays conquis comme le fera Suchet en Aragon ou lui-même au Caire ;
-respecter les coutumes et les populations pour ne pas se les aliéner (pas de pillage, tolérance religieuse) ;
-faire un effort de renseignement tout en désarmant les civils ;
-positionner les troupes dans des « camps volants » (nomadisation actuel) pour les familiariser avec la géographie locale et établir des liens avec les populations ;
-protéger les convois et les lignes de communication ;
-mettre en place des colonnes mobiles pour tenir le terrain et frapper vite et fort sur l’adversaire irrégulier ;
-engager des troupes supplétives locales pour compléter les effectifs conventionnels ;
-pacifier par d’autres moyens que militaires (aide financière, rétablissement de l’administration, …) ;
-mettre en place des unités de gendarmerie pour quadriller le terrain (déploiement de 4000 gendarmes du général Buquet entre 1808 et 1812 en Espagne).
Malheureusement, le soutien financier et militaire britannique aux insurgés, l’absence d’une vision politique claire pour remporter l’adhésion des populations, le manque d’effectifs (campagne de Russie), les erreurs militaires de certains généraux puis l’enfermement des unités conventionnelles dans des forteresses pour les protéger des actions irrégulières vont condamner ces concepts militaires.
Avec son instinct tactique et son vécu personnel et militaire, il a su mettre en avant (sans jamais parler de guerre irrégulière) des principes et des modes d’action propres à la « petite guerre ».
Le siècle qui se poursuit verra, quant à lui, émerger une réelle tactique et pensée de contre rébellion et de pacification au travers des campagnes de colonisation européennes en Afrique et en Asie.
A suivre…

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