Nous poursuivons notre étude des opérations en Birmanie et en Asie du sud-est pendant la seconde guerre mondiale avec, en lumière, un focus sur les relations entre Américains et Chinois ainsi que sur le poids de la logistique dans la victoire militaire des Alliés face au Japon dans cette région.
Pendant
que les forces du général Stilwell avancent sur Myitkynia, les troupes
chinoises, aux ordres du maréchal Wei Li Haung, traversent le fleuve Salouen en
venant de l’est pour chercher à faire jonction avec leurs alliés. Ils y
parviennent à l’été 1944 aux abords de Tengchung. Néanmoins, les Japonais, dès
l’automne 1943, prévoyant une offensive sur la Birmanie, avaient massées des
unités afin de préparer une contre-attaque sur deux axes. Tout d’abord, ils
tentent, sans succès de reprendre l’initiative à l’est pour couper la route « Lédo » puis ils font effort
en direction de l’Inde avec un objectif opératif, celui de frapper les arrières
et la logistique alliés. En effet, il s’agit de s’emparer de la base anglaise
d’Imphale et ainsi d’interrompre le chemin de fer « Bengale-Assam » comme de réduire le pont aérien au-dessus de
l’Himalaya, celui-là même qui apporte l’équipement nécessaire à Tchang Kai
Cheik pour résister en territoire chinois.
En avril 1944, les Nippons mettent
leur plan à exécution et réussissent à bousculer, dans un premier temps, les
divisions hindoues d’Imphale avant d’être repoussés par des unités amenées, par
avions, en renfort. Les forces britanniques, américaines et chinoises, soient
entre 25 000 et 100 000 hommes selon le moment de l’action, peuvent
ainsi poursuivre leur offensive vers le sud, en particulier le long de la côte
du Bengale et ce, par le biais de l’unique cordon ombilical que constitue
l’opération aéroportée logistique formidable conduite quotidiennement. Ce
ravitaillement par air est assuré par des escadrilles alliées commandées par le
général William D. Old, avec des avions C46 ou C47 qui décollent des bases
installées dans la vallée du Bramapoutre et qui, après avoir franchis
l’Himalaya, rejoignent les colonnes terrestres dans la forêt tropicale. Ces
escadrilles effectueront 230 heures de vol en moyenne alors que l’usage normal
se situait habituellement à 120 heures. Elles transportent du matériel mais
aussi des hommes, en particulier lors de phases critiques des opérations, à
l’image du transfert des 14ème et 50ème divisions
chinoises. Celles-ci sont embarquées au Yunnan en Chine puis envoyées en Inde
pour être rééquipées avant d’être aérotransportées sur le front en Birmanie.
Cette manœuvre fut réalisée en moins de 8 jours grâce à la remarquable
planification des moyens aériens.
Malgré
des lignes de communication difficiles au milieu de la jungle et dans un climat
de Mousson contraignant, les opérations continuent en Birmanie jusqu’à la
libération de Rangoon en mai 1945 et la réduction de quelques poches de
résistance japonaises. Le général Marshall, lui-même, chef d’état-major
interarmées américain de l’époque, considère d’ailleurs que cette poussée
tactique ne fut possible que grâce aux efforts des logisticiens : « les opérations en Asie avaient été réalisées
à l’extrémité des lignes de communication les plus précaires de l’histoire. A
Calcutta, des bataillons de port travaillaient sous une chaleur et une humidité
insupportables, avec une main d’œuvre indigène affaiblie par la maladie, la
chaleur et la famine. Malgré ce handicap, ils établirent des records dépassant
ceux de n’importe quel autre port militaire du monde. »
Battu
en Birmanie, le Japon conduit, au printemps 1945, des offensives violentes en
Chine pour tenter de desserrer l’étau que représentent les bases aériennes
américaines de bombardiers B29 qui conduisent des raids meurtriers et destructeurs dans le Pacifique.
Mais l’armée nationaliste chinoise arrête une fois de plus l’attaque nipponne
grâce à quelques-unes des 35 divisions entraînées par les conseillers
militaires américains du général Wedemeyer et équipées par les avions du
général Stilwell. Ces unités sont d’ailleurs soutenues par 2 régiments de
forces spéciales américaines qui apportent leur savoir-faire aux forces
nouvellement mises sur pieds.
En
conclusion, il est intéressant de constater l’efficacité tactique et logistique
qui a uni les Chinois aux Alliés (et en particulier les Américains) afin de
conduire des opérations difficiles dans un milieu aux fortes contraintes. Au-delà
du « mentoring » assuré par
les Etats-Unis, c’est bien le prodige logistique et son ampleur (surtout dans
le domaine aérien), qui a donné la
victoire face au Japon dans cette région d’Asie du sud-est, alors même que
l’effort allié était principalement tourné vers l’Europe. Enfin, la
personnalité et le travail souvent méconnu d’officiers généraux américains
mérite d’être évoqué car c’est un fondement de la pensée opérative qui a
prévalu lors du second conflit mondial.
Aujourd’hui,
cette dimension logistique est souvent maintenue dans l’ombre alors qu’elle
constitue encore un des chemins du succès.
Frédéric Jordan
Source image : Wikipédia
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