Nous
achevons notre réflexion sur la guerre des Gaules afin de savoir si César et
ses légions auraient pu être tenus en échec par les combattants et armées
celtes auxquels ils ont été opposés pendant la campagne. Dès lors, après avoir
vu que la pensée sur l’art de la guerre romaine est bien plus aboutie qu’il n’y
paraît (et même si elle n’a pas toujours été formalisée par des traités), nous
allons nous interroger sur les forces et faiblesses des unités de combat de
Rome ainsi que sur leurs modes d’action.
La
tactique romaine et les légions.
L’équipement
des légionnaires est standardisé avec, en particulier, le bouclier ovale et
hémisphérique d’origine samnite, un casque et le couple glaive-javelot (gladius
et pilum) pour l’engagement. Cet ensemble contribue à la maîtrise du combat
individuel et facilite la protection du combattant qui peut frapper, à l’abri
des coups, avec un panel d’armes puissantes.
Les Gaulois, pour leur part, font
montre d’un grand courage dans le corps à corps et d’un armement important. On
y trouve des javelots, des lances, des épées longues à deux tranchants, des
boucliers mais aussi des casques et des cottes de maille pour les nobles.
Dans un autre registre, les tribus de Gaule forment leurs armées selon un système vassalique
dit de « clientélisme » en
fonction des besoins. Il n’y a donc que peu de guerriers à temps plein (« ambacti ») mais beaucoup de recrues
de circonstance prélevées avant la guerre. L’entraînement collectif, ainsi que
l’instruction individuelle sont faibles, faisant d’une troupe gauloise un outil
tactique médiocre en manœuvre d’ensemble. Les Gaulois apprennent pourtant de
leurs adversaires venus de Rome, constatant que les attaques frontales sont
trop meurtrières, que les embuscades sont davantage couronnées de succès et que
l’art de la poliorcétique est incontournable (fossés, galeries couvertes,
échelles, grappins,…). Quelques modes d’action particuliers méritent pourtant d’être
soulignés chez les Celtes comme le fractionnement des assauts (vagues successives)
des chars « biplaces »
bretons ou le mélange de cavaliers et de fantassins des Germains (protection
réciproque).
D'autre part, la légion romaine présente de réels atouts. Constituée, à l’époque de
César, de 10 cohortes, 30 manipules et 60 centuries, elle regroupe environ 5000
à 6000 hommes en moyenne renforcée de 200 à 300 cavaliers. La légion est un
outil « interarmes »
remarquable pour l’époque, très polyvalent, avec un fort encadrement d’officiers
subalternes (les centurions) issus du rang pour commander et instruire les
légionnaires. De plus, ces combattants réguliers sont appuyés par des
auxiliaires « barbares »
qui apportent des savoir-faire spécifiques (mais nécesaires) comme les archers
crétois ou les frondeurs des Baléares. Le point faible des légions demeurent la
cavalerie que César compense en recrutant des Gaulois ou des Germains (400
cavaliers à Alésia).
Pour
ce qui concerne la tactique, les Romains mettent en place un combat en 3 lignes
selon une structure en échiquier, avec un rideau de fantassins légers (voltigeurs
antiques) qui harcèlent l’adversaire puis se replient dans les intervalles. Ce dispositif
offre une grande souplesse sur tous les terrains et permet des attaques de
flanc comme les changements de direction inopinés. Au contact, après un assaut
en courant, les qualités des légionnaires en escrime, mais également leur
endurance (appuis mutuels, relèves au sein des unités, entraînement), leur
donnent la supériorité dans la plupart des batailles. Les légions sont
également les reines du siège ou des bâtisseurs de forteresses de campagne
redoutables. Maîtrisant les techniques d’assaut (mines, approches,
encerclement, …), ils savent également construire des camps pour se protéger ou
passer l’hiver. Ces bases opérationnelles permettent de conduire des
expéditions rapides et courtes tout en préservant les hommes et la logistique.
De la même façon, cavaliers et piétons sont appuyés en offensive, comme en
défensive, par de l’artillerie. Il s’agit de scorpions, de balistes ou d’huiles
incendiaires qui affaiblissent les rangs adverses à distance, ouvrent des brèches
dans les « oppidum » ou
couvrent le mouvement principal des cohortes.
Avant
de conclure, je livre, en guise de synthèse, cette citation de Végèce qui tente
d’expliquer, à la fin du IVème siècle, la supériorité militaire
romaine :
« Nous
voyons que le peuple romain n’a soumis le globe terrestre par rien d’autre que
l’entraînement aux armes, la discipline des camps et l’expérience militaire. En
effet, qu’aurait pu leur petit nombre contre la multitude des Gaulois ? Qu’aurait
pu tenter leur petite taille contre la hauteur gigantesque des Germains ? (…)
Mais contre tous ces avantages, il nous a été profitable de choisir
judicieusement les recrues, de leur enseigner le maniement des armes, de les
fortifier par des exercices quotidiens, de les préparer sur le terrain de manœuvre
à tout ce qui peut arriver dans les différentes sortes de combats, de marches
et de campement et de punir sévèrement les lâches. »
En conclusion, il apparaît que la formation des élites militaires, celle des légions,
ainsi que les tactiques employées, permettent aux Romains de vaincre un
adversaire gaulois bien plus nombreux mais dont les méthodes de combat restent
trop simplistes et frontales. La rationalité de l’entraînement des légions,
leur équipement standardisé, leur artillerie mais aussi le renfort d’auxiliaires
particuliers ont constitué les fondements d’un outil interarmes polyvalent,
souple d’emploi et puissant et ce, tant en défense qu’en attaque, en rase
campagne ou face à une Cité ennemie. Les adaptations conduites par les Gaulois
pour se mettre à niveau de leur adversaire démontrent que seule une longue
période d’apprentissage aurait permis aux Celtes de trouver des parades
efficaces afin d’éviter la défaite. Conscient du rôle crucial du temps dans l’art
de la guerre, César a donc conclu sa campagne en moins de 7 années avec ses
armées, ne laissant aucun répit à ses adversaires potentiels, d’Aquitaine en Belgique
en passant par Alésia et la Bretagne.
Sacré César, et dire qu'il a fait construire deux grandes palissades autour d'Alésia qui représente plusieurs km, le tout en un mois. 60.000 soldats romains face à 240.000 hommes de l'armée de secours de Vercingétorix. Sacré César quelle maitrise ce général qui à tout gagné sauf erreur.
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