Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

dimanche 24 novembre 2013

La défensive, l'héritage tactique de la première guerre mondiale : le combat de l'infanterie (Fin).


Nous terminons notre étude du livre du commandant Bouchacourt si caractéristique de la pensée tactique française de l'entre-deux-guerres avec une vision du champ de bataille à la fois construite autour de principes et procédés universels mais aussi sclérosée par un emploi étriqué des fantassins.
Dans les deux précédents articles, nous avons vu que l'auteur considère que l'attaque est principalement une œuvre de force en réunissant au point attaqué des effectifs et des moyens supérieurs à ceux des défenseurs. Pour l'armée française de 1927, il est dangereux d'opposer l'adresse (donc la manœuvre) à la force tout comme d'envisager qu'une percée locale peut permettre l'effondrement du dispositif adverses : "Si une unité pousse en flèche d'une manière trop sensible par rapport à sa voisine, elle se crée un flanc découvert et se trouve vite arrêtée dans sa progression". Malheureusement pour ces théoriciens, en 1940, devant Sedan, les Allemands, quant à eux, démontreront que des corps francs ou des unités du génie d'assaut (comme celui du lieutenant Wackernagel) sont capables de s'infiltrer et de briser une ligne de résistance.

Le commandant Bouchacourt décrit donc ensuite deux exemples issus du premier conflit mondial dans la région de Verdun (Mort Homme) et en Somme (village de Sallisel) afin de détaille les dispositions défensives de l'infanterie propres à arrêter une attaque ennemie aussi puissante soit-elle. Il considère avec un certain parti pris que l'effondrement des lignes allemandes en 1918 n'est qu'un contre-exemple oubliant les évolutions tactico-opératives mises en œuvre par les Alliés à ce moment-là (chars, combat interarmes, emploi de l'aviation).
Pour cela, il s'appuie sur les textes réglementaires et sa propre analyse ou enseignements des deux combats évoqués avec une défense de la position dite de résistance.
Quand il expose les forces en présence, on note, une fois de plus, la supériorité numérique française  avec sur une première position, 8 bataillons d'infanterie, en deuxième échelon, 3 bataillons et en réserve, 1 bataillon. Ces unités bataillonnaires tiennent chacune 500 mètres de front (voir schéma).


Il s'agit d'un dispositif continu et non "troué" en nids de résistance avec, en particulier, des tranchées de doublement pour se prémunir des tirs indirects allemands. Quant aux appuis de la division, ils sont très importants avec 4 groupements d'artillerie sur 2 km de front et ce, pour faire face à l'attaque de 3 divisions ennemies. Le combat est donc violent car la doctrine veut que chaque brèche soit obturée par les réserves afin d'éviter toute infiltration. A Verdun, les pertes subies en une journée par la 42ème division, dont l'action défensive est analysée, font état de 1 600 hommes hors de combat et de 30 000 coups de canons tirés alors qu'à Sallisel, les Allemands tirent 15 obus de 210mm par minute. Les tirs de barrage des canons de 75mm sont meurtriers pour les troupes allemandes, les contre-attaques françaises ne se limitent qu'à un niveau local avec des grenades dans le but unique de rétablir la continuité de la défense.
De la même façon, quand on détecte la possible offensive ennemie, l'auteur préconise une attaque préventive brusque et massive ainsi que des bombardements de harcèlement afin de fragiliser les préparatifs de l'autre belligérant. Pendant la bataille, il faut que les défenseurs gardent une ligne continue, s'organisent en conduite, reprennent de la profondeur tout en reconstituant les réserves et en préservant les liaisons et le ravitaillement. Ils doivent également "saisir le moment fugitif entre le lever du tir d'artillerie et l'arrivée des fantassins ennemis où il est possible de faire jouer ses feux" que ce soient ceux directs de fusils mitrailleurs, ceux de flanquements des mitrailleuses et enfin, les barrages de l'artillerie contre un ennemi à découvert et privé de ses appuis au contact.
Enfin, le commandant Bouchacourt considère que le procédé du "frein" (on dirait le freinage aujourd'hui) sur des points de résistance successifs est à proscrire alors qu'il est impératif de développer l'aménagement du terrain (fil de fer principalement), le camouflage, les abris et les tranchées.
Ces certitudes extraites de deux batailles particulières mettent en avant une pensée quelque peu fermée qui semble annoncer les échecs de la campagne de 1940 :
"C'est avant tout par le feu que la défense arrête une attaque".
"Au fur et à mesure que les moyens matériels d'attaque se développeront, quand les chars par exemple et les avions, entreront davantage encore dans la bataille comme auxiliaires de l'infanterie,..."
"On ne nous fera jamais croire personnellement que, dans la prochaine guerre, on ne reverra pas de tranchées. Pour que le feu, dans la défense, puisse jouer le moment venu, il faudra que ceux qui doivent le faire jouer ne soient pas tués".
Pour conclure, cet ouvrage rédigé 8 ans après la fin du premier conflit mondial met en avant de riches enseignements quant aux principes tactiques de la guerre mais semble également aveugler les officiers qui tirent de cas particuliers des généralités bien dangereuses pour l'avenir.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire