Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mercredi 27 mai 2015

De la victoire..., perspectives historiques et réflexions contemporaines. (2/2)

 
Nous poursuivons notre réflexion initiée sur la victoire.
 
Les fondements de la victoire
La victoire, nous l’avons vu au travers de l’histoire, repose sur des fondements et des invariables quelle que soit l’époque ou l’influence culturelle. Elle joue un rôle dans la vie de la Cité au sens large, dans l’institution militaire mais aussi dans la perception de l’ennemi ou de la conflictualité.
En effet, être victorieux, c’est :
- Protéger
Une population, des ressources ou des frontières et au-delà, c’est préserver la souveraineté d’un Etat, son indépendance, ses idées, ses valeurs ou un patrimoine, physique ou immatériel.

- Neutraliser
Une menace, un adversaire qui cherche à détruire, conquérir, asservir ou encore à terroriser. La violence doit être neutralisée par un usage de la force mesuré mais déterminé. C’est également triompher sur le champ de bataille comme dans les domaines économiques, dans la recherche ou sur le plan de l’innovation (scientifique, technologique, sociétal).
- Gagner
Des ressources, des territoires qui auraient été occupés par un adversaire. Mais c’est aussi gagner ou regagner une légitimité, la paix, la sécurité ou la fin d’une crise. Il s’agit de revenir à un nouvel équilibre et in fine de gagner en stabilité et en prospérité.
- Transcender
Des clivages politiques ou sociaux pour s’unir et faire front face à un ennemi ou une agression. C’est développer les liens d’une armée, d’un peuple, de plusieurs pays pour faire triompher des idées, une certaine vision politique ou le respect du droit.
- Bâtir
L’histoire, des références communes, un sentiment partagé du vivre ensemble, un héritage culturel et émotionnel. La victoire contribue à la cohésion sociale au-delà des communautarismes car elle s’appuie sur des moments de gloire partagés, des héros (combattants, résistants, généraux, responsables politiques, artistes, scientifiques,…), des figures ou symboles (monuments, œuvres, bannières, chants…), reconnus de tous comme porteurs d’un message commun et de valeurs.
- Eduquer
Les citoyens au sens de l’intérêt général tout en capitalisant sur les victoires pour être plus résilients à l’heure de la défaite, de l’agression, de la tragédie, d’une menace nouvelle. La victoire resserre les liens intergénérationnels en permettant l’échange entre l’expérience des plus vieux, l’audace des plus jeunes et l’engagement de tous.
- Respecter
Le sacrifice de ceux qui nous ont précédés et se sont battus avant nous. C’est aussi le respect de valeurs, celui de l’ennemi (malgré sa violence parfois totale) pour donner la légitimité au combat. Chacun peut être ainsi fier de ce qui est entrepris, accepter de faire usage de la force pour un état final recherché qui a du sens.
- Espérer
Cet espoir bâti sur la victoire permet d’éclairer l’avenir, de tourner les énergies vers des lendemains meilleurs, d’ouvrir de nouvelles voies sur les ruines des champs de bataille et des guerres, tout en donnant un sens au sacrifice de ceux qui sont tombés ou ont voué leur vie pour le succès (militaire mais pas seulement).
 
Renouer avec la victoire aujourd’hui

Comme nous le suggérions en introduction, le terme de victoire peine à être employé dans nos sociétés. Pourtant, plus que jamais le sentiment d’être victorieux devrait nous permettre d’appréhender les défis de ce début de siècle.
Alors que nos soldats sont engagés souvent loin des frontières nationales, comment ne pas admettre que leur action (et le sacrifice de certains d’entre eux, blessés ou tués en opérations) n’a pas été vain. D’Ex-Yougoslavie au Mali, sans compter le Liban, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire ou la Centre-Afrique, la victoire a été, ou est encore, au rendez-vous. Elle est tactique, bien évidemment, dans les succès du quotidien, les combats remportés dans des vallées ou des massifs aux confins du monde, mais elle est aussi politique pour permettre des progrès (parfois timides certes) au profit des populations déchirées par la violence. Elle est surtout humaine car il faut parfois chercher à imposer à ceux qui terrorisent, pillent, massacrent, les principes du droit et ceux de l’humanité et le retour au respect de la vie. Alors que certains pays prennent leurs responsabilités face à une situation de crise, il faut savoir apprécier les avancées positives et accepter que la victoire s’inscrive sur le long terme sans attendre la bataille décisive (impossible bien souvent contre des menaces de type asymétriques). La victoire se construit sur le terrain ou au cœur de la Cité, au travers des médias, du débat démocratique, du devoir de mémoire, des expériences du passé mises à profit pour le présent. Il est nécessaire de connaître son histoire, de l’assumer, d’honorer les victoires d’hier, celles qui vont de Bouvines à Tombouctou en passant par Fontenoy, Valmy, Austerlitz, Verdun, Strasbourg, Na San et Kolweizi. N’ayons plus peur de fêter la victoire, de la commémorer, qu’il s’agisse de succès économiques, de rayonnement national et de missions réussies pour les soldats ou ceux qui, partout dans le monde, défendent nos valeurs, notre vision du monde et éloignent le danger par leur action. La victoire reconnue, partagée à nouveau, mise en valeur en images comme dans les écrits, à l’école, dans la rue ou dans les foyers, nous donnera la résilience nécessaire pour bousculer les menaces de demain. A défaut, celles-ci pourraient profiter de nos doutes, de nos remises en question, de cet empressement à dévaloriser ce qui est accompli, de nos sentiments d’échec comme de nos hésitations à accepter de s’engager pour vaincre. Alors, n’ayons pas peur de ce mot « victoire » car comme le disait le général Marshall : « Se battre ne suffit pas. C'est le courage qu'on met dans le combat qui en détermine l'issue. C'est le courage qui remporte la victoire ».

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