Le lieutenant-colonel Rousset
poursuit son analyse à chaud des combats du premier conflit mondial, notamment
la nouvelle étape que représente l’été 1915. Dans ce cadre, il met en exergue
les combats des Vosges, en particulier ceux de La Fontenelle où les Français s’emparent
d’une puissante position allemande adossée à un observatoire naturel.
Néanmoins, de son récit, on comprend que ce succès est surtout dû à l’échelle
réduite de l’objectif, à la concentration d’artillerie consentie sur ce point
particulier et à un assaut brutal de l’infanterie qui fera plus de 800
prisonniers allemands. Cette victoire localisée n’a que peu d’effet opératif
mais démontre que la puissance du feu indirect conjuguée à un assaut dans la
foulée peut avoir des résultats tactiques probants. Pétain fera d’ailleurs de
même en 1917 à la Malmaison après le désastre du Chemin des Dames. En
attendant, l’état-major se contente de ces avancées limitées.
A compter du 10 juillet,
notre témoin croit voir dans la retraite russe une manœuvre réfléchie pour attirer
l’ennemi vers une ligne défensive mieux garnie et pour concentrer des forces
renouvelées. En fait, les troupes du Tsar manquent de ravitaillement, de moyens
d’appui et tentent, tant bien que mal de freiner la poussée austro-allemande.
Le 13 juillet, les Allemands attaquent violemment en Argonne avec un corps d’armée
lancé sur un front de 3 km et l’utilisation de gaz asphyxiants, mais ils sont
stoppés par une contrattaque française. Les 14,16 et 19 juillet, les aéronefs
français mènent de plus en plus de bombardements dans la profondeur du front
adverse sur des nœuds ferroviaires (Libercourt, Chauny, Vouziers) marquant par
là un emploi plus raisonné de cette nouvelle arme. Du 16 au 18 juillet, les
Allemands et les Autrichiens, profitant des denses chemins de fer de Prusse
orientale, regroupent leurs moyens et poussent leur avantage sur le front
oriental, écrasant les Russes à Krasnystaw et sur la Narew. Pour l’auteur, ces
forces des empires centraux prennent un gros risque en étirant leurs unités sur
l’immensité de la steppe (offensives appelées « en cordon ») comme en
s’éloignant des lignes de communication.
Dans le même temps, les Hauts
de Meuse (village des Eparges) et l’Argonne sont le théâtre d’âpres combats. Le
21 juillet, les Italiens remportent une nouvelle victoire contre les
Autrichiens sur le plateau du Carso à l’est de l’Izonzo et font 2000
prisonniers. Le lieutenant-colonel Rousset y voit les prémices d’une offensive
d’envergure plus large de ces nouveaux alliés. Le 24 juillet, de nouveaux
succès français sont annoncés dans les Vosges mais aussi l’avance britannique
en Mésopotamie, le long de l’Euphrate (bataille de Naseryé où les Turcs perdent
3000 hommes) et la prise de N’Djassi au Cameroun par une colonne
franco-anglaise. Néanmoins, le 26 juillet, une force allemande de 2000 hommes
attaquent les Britanniques en Rhodésie Le 2 août, notre témoin commémore avec
émotion le premier anniversaire du conflit considérant qu’il est une étape
essentielle pour le salut de la France, la Revanche de 1870 et les ambitions de
Berlin. Il considère que les trois conditions de la victoire sont la valeur de
l’armée, la patience des civils et une activité industrielle illimitée. En
revanche, le 5 août, il ne fait plus aucun doute que les armées russes sont en
déroute enveloppées selon trois axes par les troupes autrichiennes, celles de
Mackensen et celles d’Hindenburg. Le Tsar demande à ses armées de basculer sur
la rive droite de la Vistule et prépare l’abandon de Varsovie conquise par les
Allemands le 7 août. Pour le lieutenant-colonel Rousset, ces mauvaises
nouvelles ne doivent pas faire penser que l’irréparable est en place, ses
références permanentes à Napoléon lui soufflant que le peuple russe peut être
résilient et pourrait reprendre l’initiative. Il critique les manœuvres allemandes
dont les tactiques semblent être très uniformisées à l’image des tentatives d’encerclement
successives sur le front oriental.
A compter du 10 août, c’est
la guerre maritime et aérienne qui prend le dessus des opérations avec de
nombreux torpillages dans les Dardanelles, en Adriatique ou dans la Mer du Nord
(cuirassé turc Barbarossa, sous-marin U12 autrichien, contre-torpilleur
britannique Lyna) et des bombardements violents, y compris sur les côtes
anglaises (zeppelins allemands).
Le 13 août, à Gallipoli, 20 000
soldats de sa Majesté débarquent par surprise sur la côte occidentale du Golfe
de Saros ; ils prennent pied, près du cap Suvla, dans la baie de
Hannafart. Un poste de 50 Turcs, enlevé par un coup de main la nuit précédente
n’a pas eu le temps de donner l’alarme. L’avance de ces troupes sera d’abord
très rapide et le 16 au soir elles camperont à 14 km de la côte. Mais ensuite, le
manque d’eau potable et l’intervention des réserves ennemies venues de Boulair
et de Kilid-Bahr, retarderont leurs mouvements et empêcheront de recueillir
tous les fruits de la manœuvre ainsi entamée en arrière d’Achi-Baba. C’est le
drame de cette expédition des Dardanelles (voir notre article http://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/p/les-dardanelles-1915-1916_12.html qui est conçu
avec intelligence comme une tactique d’approche indirecte audacieuse sans les
moyens logistiques ni la hardiesse des chefs militaires nécessaires à une telle
manœuvre amphibie. L’été 1915 semble ainsi montrer que les espoirs placés dans
l’allié russe seront insuffisants et que les actions d’envergure, telles qu’elles
sont planifiées à l’ouest ou en Méditerranée, peinent à obtenir des résultats
décisifs.
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