Alors que depuis quelques jours, le 27 mai, date anniversaire de la création du CNR (conseil national de la résistance) par Jean Moulin, est devenu la journée de commémoration nationale de la Résistance française, il m'est apparu intéressant de revenir sur les diverses missions de cette "armée des ombres". En effet, loin de certaines images d'Epinal, les réseaux ont fait évoluer leurs modes d'action au cours du temps, en fonction de leur niveau de développement mais aussi de la réaction allemande, des besoins des Alliés ou encore des équipements mis à leur disposition.
S'ils ont tâtonné à partir de 1940, les Résistants se sont peu à peu structurés cherchant principalement à entraver la liberté d'action de l'occupant ou à favoriser la collecte du renseignement, d'abord de manière anarchique puis avec la recherche d'un effet final recherché centralisé.
1- Les balbutiements.
Après la défaite, la France est coupée en deux par la ligne dite de démarcation mais voit également son territoire annexé (Alsace-Lorraine) ou inclus dans la "zone verte" (Pas de Calais, Doubs, territoire de Belfort,...) sous le contrôle strict des militaires allemands. Aussi, en zone sud, le mouvement "Combat" d'Henri Frenay, de Bertie Albrecht ou du lieutenant Chevance développe 3 volets : les groupes de choc de Jacques Renouvin pour attaquer les centres de recrutement ou les locaux des collaborationnistes (LVF, ...), le ROP (Renseignement, Organisation, Propagande) d'André Bollier avec un journal clandestin puis, en 1942, le NAP (noyautage des administrations publiques) de Claude Bourdet pour mettre Vichy sous écoute, organiser la résistance des cheminots et obtenir des faux papiers. D'autres groupes, souvent initiés par des personnalités du monde du syndicalisme d'avant-guerre, existent à l'instar de "Libération-sud" (Raymond Aubrac, Jean Cavaillès). Ils se concentrent sur la presse ou la préparation d'une insurrection nationale à venir. En zone nord, la mise sur pieds de groupes de résistance est plus ardue du fait de la présence militaire ennemie très forte et de l'efficace action de la Gestapo. Le groupe du Musée de l'homme des scientifiques de Paul Rivet, l'OCM (organisation civile et militaire avec des officiers et des intellectuels) de Heurtaux ou Blocq-Mascart, comme le Front national communiste de Pierre Villon, tous s'engagent dans la création de filières vers le sud, le noyautage des associations ou le harcèlement de l'occupant mais surtout, dans l'édition de périodiques (300 000 exemplaires pour "Défense de la France" en 1943).
Parallèlement, dès février 1942, les Communistes créent, sous l'égide de Charles Tillon, les FTPF (Francs-tireurs et partisans français) qui cultivent une organisation clandestine structurée autour du secret (chaque groupe départemental est séparé en 2 équipes qui ne se côtoient que rarement). Les FTP développent l'action immédiate, les attentats individuels contre les Allemands, les sabotages et ce, malgré les représailles allemandes et l'execution d'otages. Cette violence armée peut, selon eux, favoriser le cycle provocation-répression préalable à une levée en masse favorisant une révolution nationale et une libération de l'intérieur.
Mais au-delà de ces groupes organisés, de nombreuses initiatives individuelles ou locales jouent un rôle majeur. En Saône-et-Loire par exemple, des filières de passage se mettent en place autour de la ligne de démarcation pour faire franchir, à Chalon, au Creusot, à Montceau-les-Mines les pilotes alliés abattus, les messages ou les personnalités de la Résistance. On peut citer, dans ce cadre, de grandes figures à l'origine de ces actions, comme Gaston Rebillard ou Raymond Basset. De la même façon, au sein de l'armée d'Armistice, les prémices de l'armée secrète sont édifiés à l'image de cadres et soldats d'unités en garnison en zone sud qui refusent la défaite. C'est le cas du 5ème régiment de Dragons basé à Mâcon qui cache pendant de longs mois, des armes, dissimule des véhicules ou des motocyclettes en vue d'actions ultérieures. Enfin, chez les cheminots de la SNCF, certains fonctionnaires commencent à renseigner Londres sur la composition des convois allemands se déplaçant sur les axes majeurs (vallée du Rhône par exemple).
Concrètement, il est possible de dégager quelques enseignements quant à l'organisation ou les missions d'un mouvement de résistance face à une occupation étrangère ou un gouvernement de collaboration. Ainsi, l'exemple de la seconde guerre mondiale en France souligne la diversité des groupes, leur vision parfois divergente sur les opérations à mener et donc la difficulté de concentrer les efforts sur le terrain. Les différences géographiques et politiques semblent également influencer les choix tactiques (attentats, observation, sabotages) tout comme la personnalité ou l'origine socio-professionnelle des leaders ou des membres actifs. En revanche, la clandestinité impose des étapes essentielles comme le noyautage des institutions, un outil de communication efficace pour combattre la propagande ou la désinformation adverse et des facilités pour se déplacer (le mouvement garantissant en partie la sécurité et la circulation du renseignement recueilli). Néanmoins, malgré le cloisonnement des réseaux et la décentralisation locale des actions, la répression allemande est terrible (certains groupes sont rapidement mis au jour, déportés ou fusillés) car l'occupant a bien compris que la Résistance pouvait rapidement devenir un nouveau front sur le théâtre d'opérations occidental. L'action des résistants, pour être réellement efficace doit donc être davantage structurée mais surtout coordonnée et appuyée. L'année 1943 sera par conséquent un tournant dans la guerre de l'intérieur. A suivre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire