Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mardi 30 juillet 2013

Tactique soviétique en 1966 : un combat interarmes maîtrisé (1).


J’initie aujourd’hui une série d’articles consacrés à l’armée de terre soviétique à la fin des années 1960 grâce à une lecture approfondie des textes de référence doctrinaux rédigés, en 1966, par les autorités militaires de Moscou.
Au-delà de l’intérêt purement historique sur l’art militaire des forces de l’URSS en pleine guerre froide, ces documents montrent une réflexion aboutie sur les modes d’action à mettre en œuvre pour obtenir une victoire tactique rapide face à l’adversaire et ce, avec une coopération interarmes efficace et organisée. En laissant de côté l’utilisation de l’arme nucléaire au profit des forces conventionnelles, la doctrine de cette époque semble bénéficier de l’héritage de la riche pensée militaire soviétique des années 1930, tout comme de l’expérience acquise pendant le second conflit mondial face aux Allemands.
Aussi verrons-nous que pour l’armée Rouge, l’attaque dans la profondeur, sur un rythme élevé, demeure un procédé majeur et qu’elle s’accompagne d’un rôle prépondérant du feu pour appuyer des manœuvres simples mais pragmatiques.


1- Les différents types d’attaque
Héritière de l’armée russe, l’armée soviétique a fait sienne la tradition d’esprit offensif développée en particulier par Souvorov, dont la devise célèbre : « coup d’œil, vitesse, choc » est souvent reprise par les officiers. En 1966, il s’agit bien d’exploiter le feu nucléaire tactique avec des colonnes blindées et mécanisées chargées de pénétrer dans la profondeur des défenses ennemies sans se laisser retarder. D’ailleurs, le général Chkodounovitch, professeur à l’Académie Frounze (équivalente à l’Ecole de guerre), écrit, en janvier 1965, dans la revue « Le messager militaire » : « Comme par le passé, l’attaque contre un ennemi installé défensivement commence par la rupture. Mais celle-ci est réalisée non plus en grignotant les défenses sur des secteurs restreints mais en appliquant des coups nucléaires et en attaquant résolument sur un large front. Les coups créent dans les défenses ennemies des brèches importantes par lesquelles les unités assaillantes peuvent s’enfoncer rapidement, puis anéantir l’ennemi en l’attaquant sur les flancs et les arrières, fractionnant son dispositif et l’empêchant de résister ».
Dans ce cadre, la terminologie soviétique distingue donc 3 formes d’attaque.
L’attaque dans la foulée :
Ce procédé est considéré comme le plus efficace et le mieux adapté au « rythme impétueux » qui seule permet une combinaison parfaitement au point de deux facteurs, la vitesse et la continuité.
Elle peut être schématisée de la façon suivante :
Temps 1
Avant l’attaque, les troupes sont regroupées dans une zone de rassemblement située à l’arrière de la frange des contacts où l’ennemi est contenu par des éléments différents de ceux qui attaqueront.
Temps 2
Pendant que les troupes assaillantes se préparent, les forces amies au contact effectuent les opérations préliminaires (trouées, itinéraires,…).
Temps 3
Formées en dispositif d’approche, les troupes assaillantes progressent sans discontinuité vers la ligne des contacts pendant qu’une préparation de feu est effectuée (y compris chimique ou nucléaire).
Temps 4
Au contact, les assaillants conduisent des déploiements successifs adaptés à la situation, tout en utilisant la totalité des appuis feu disponibles.
Temps 5
Les résistances adverses sont contournées et prises à partie sur les flancs et les arrières tandis que la progression générale continue, en évitant de marquer des temps d’arrêt et en adoptant un dispositif pour avancer le plus rapidement possible.
Pour cela, les unités (de la division au bataillon) se voient confier une mission immédiate (8 à 15 km pour un régiment), une mission ultérieure et une mission de la journée (jusqu’à 100 km au niveau divisionnaire).
L’attaque à partir du contact avec l’ennemi :
C’est une forme offensive plus classique que les Soviétiques s’efforcent de n’utiliser que le moins souvent possible car elle implique que l’attaque dans la foulée a échoué. Les unités engagées ne sont plus astreintes à une progression continue mais sont rassemblées dans des zones proches de la ligne des contacts, l’infanterie en tête et les blindés en soutien.
De nuit, les troupes attaquantes s’installent solidement sur une ligne de départ (camouflage, organisation du terrain) avec les chars 8 à 12 km en arrière (embossements et camouflage).
A l’aube, une préparation d’artillerie est ensuite conduite, pendant laquelle les chars dépassent l’infanterie très rapidement et pénètrent dans les brèches. Ils sont suivis par les fantassins à pieds, eux même appuyés par leurs engins à roue (BTR).
Quand l’assaut est un succès, l’exploitation est relancée.
L’attaque contre un ennemi passé rapidement à la défensive au cours du combat :
Ce mode d’attaque est utilisé au cours des opérations dans la profondeur, dans le cas où l’unité se heurte inopinément à un ennemi en cours d’installation ou installé sur des positions préparées ou favorables. Ce mode d’action n’est autre qu’une phase du combat de rencontre (qui fait l’objet d’autres règlements doctrinaux) utilisant les reconnaissances, des détachements avancés et des avant-gardes, moyens suivis par des bataillons de chars sur les axes d’effort.
2- Les différentes formations des unités de mêlée
Pour mener ces actions offensives, l’armée Rouge a alors pris le parti de distinguer 3 formations principales, elles-mêmes découpées en 3 ou 4 dispositifs élémentaires. Ces évolutions simples permettent aux unités de s’entraîner facilement puis de bénéficier d’automatismes rôdés. Ces derniers sont la condition sine qua non pour assurer une manœuvre rapide comme continue telle qu’elle est préconisée par la doctrine.
A suivre…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire