J’initie aujourd’hui une série
d’articles consacrés à l’armée de terre soviétique à la fin des années 1960
grâce à une lecture approfondie des textes de référence doctrinaux rédigés, en
1966, par les autorités militaires de Moscou.
Au-delà de l’intérêt purement
historique sur l’art militaire des forces de l’URSS en pleine guerre froide,
ces documents montrent une réflexion aboutie sur les modes d’action à mettre en
œuvre pour obtenir une victoire tactique rapide face à l’adversaire et ce, avec
une coopération interarmes efficace et organisée. En laissant de côté l’utilisation de
l’arme nucléaire au profit des forces conventionnelles, la doctrine de cette
époque semble bénéficier de l’héritage de la riche pensée militaire soviétique
des années 1930, tout comme de l’expérience acquise pendant le second conflit
mondial face aux Allemands.
Aussi verrons-nous que pour
l’armée Rouge, l’attaque dans la profondeur, sur un rythme élevé, demeure un
procédé majeur et qu’elle s’accompagne d’un rôle prépondérant du feu pour
appuyer des manœuvres simples mais pragmatiques.
1- Les différents types d’attaque
Héritière de l’armée russe,
l’armée soviétique a fait sienne la tradition d’esprit offensif développée en
particulier par Souvorov, dont la devise célèbre : « coup d’œil, vitesse, choc » est
souvent reprise par les officiers. En 1966, il s’agit bien d’exploiter le feu
nucléaire tactique avec des colonnes blindées et mécanisées chargées de
pénétrer dans la profondeur des défenses ennemies sans se laisser retarder.
D’ailleurs, le général Chkodounovitch, professeur à l’Académie Frounze
(équivalente à l’Ecole de guerre), écrit, en janvier 1965, dans la revue
« Le messager militaire » :
« Comme par le passé, l’attaque contre
un ennemi installé défensivement commence par la rupture. Mais celle-ci est
réalisée non plus en grignotant les défenses sur des secteurs restreints mais
en appliquant des coups nucléaires et en attaquant résolument sur un large
front. Les coups créent dans les défenses ennemies des brèches importantes par
lesquelles les unités assaillantes peuvent s’enfoncer rapidement, puis anéantir
l’ennemi en l’attaquant sur les flancs et les arrières, fractionnant son
dispositif et l’empêchant de résister ».
Dans ce cadre, la terminologie
soviétique distingue donc 3 formes d’attaque.
L’attaque dans la foulée :
Ce procédé est considéré comme le
plus efficace et le mieux adapté au « rythme
impétueux » qui seule permet une combinaison parfaitement au point de
deux facteurs, la vitesse et la continuité.
Elle peut être schématisée de la
façon suivante :
Temps 1
Avant l’attaque, les troupes sont
regroupées dans une zone de rassemblement située à l’arrière de la frange des
contacts où l’ennemi est contenu par des éléments différents de ceux qui
attaqueront.
Temps 2
Pendant que les troupes
assaillantes se préparent, les forces amies au contact effectuent les
opérations préliminaires (trouées, itinéraires,…).
Temps 3
Formées en dispositif d’approche,
les troupes assaillantes progressent sans discontinuité vers la ligne des
contacts pendant qu’une préparation de feu est effectuée (y compris chimique ou
nucléaire).
Temps 4
Au contact, les assaillants
conduisent des déploiements successifs adaptés à la situation, tout en
utilisant la totalité des appuis feu disponibles.
Temps 5
Les résistances adverses sont
contournées et prises à partie sur les flancs et les arrières tandis que la
progression générale continue, en évitant de marquer des temps d’arrêt et en
adoptant un dispositif pour avancer le plus rapidement possible.
Pour cela, les unités (de la
division au bataillon) se voient confier une mission immédiate (8 à 15 km pour un régiment), une
mission ultérieure et une mission de la journée (jusqu’à 100 km au niveau
divisionnaire).
L’attaque à partir du contact
avec l’ennemi :
C’est une forme offensive plus
classique que les Soviétiques s’efforcent de n’utiliser que le moins souvent
possible car elle implique que l’attaque dans la foulée a échoué. Les unités
engagées ne sont plus astreintes à une progression continue mais sont rassemblées
dans des zones proches de la ligne des contacts, l’infanterie en tête et les
blindés en soutien.
De nuit, les troupes attaquantes
s’installent solidement sur une ligne de départ (camouflage, organisation du
terrain) avec les chars 8 à 12
km en arrière (embossements et camouflage).
A l’aube, une préparation
d’artillerie est ensuite conduite, pendant laquelle les chars dépassent
l’infanterie très rapidement et pénètrent dans les brèches. Ils sont suivis par
les fantassins à pieds, eux même appuyés par leurs engins à roue (BTR).
Quand l’assaut est un succès,
l’exploitation est relancée.
L’attaque contre un ennemi
passé rapidement à la défensive au cours du combat :
Ce mode d’attaque est utilisé au
cours des opérations dans la profondeur, dans le cas où l’unité se heurte
inopinément à un ennemi en cours d’installation ou installé sur des positions
préparées ou favorables. Ce mode d’action n’est autre qu’une phase du combat de
rencontre (qui fait l’objet d’autres règlements doctrinaux) utilisant les
reconnaissances, des détachements avancés et des avant-gardes, moyens suivis
par des bataillons de chars sur les axes d’effort.
2- Les différentes formations des unités de mêlée
Pour mener ces actions
offensives, l’armée Rouge a alors pris le parti de distinguer 3 formations
principales, elles-mêmes découpées en 3 ou 4 dispositifs élémentaires. Ces
évolutions simples permettent aux unités de s’entraîner facilement puis de
bénéficier d’automatismes rôdés. Ces derniers sont la condition sine qua non pour assurer une manœuvre
rapide comme continue telle qu’elle est préconisée par la doctrine.
A suivre…
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