Nous poursuivons notre étude des modes d'action de la guerre clandestine que mène la Résistance française face à l'occupant allemand mais aussi contre le gouvernement de Vichy.
2-La nécessité d'unir les mouvements.
Face au développement des réseaux de résistants, à celui des maquis et devant une certaine anarchie dans la collecte du renseignement ou dans les opérations armées, les Alliés et les responsables des FFL (Forces françaises libres) soulignent rapidement la nécessité de coordonner cet ensemble disparate.
Jean Moulin, qui a tenu tête aux troupes allemandes alors qu'il était préfet de l'Eure-et-Loir en 1940, rentre en contact avec les chefs principaux des grands mouvements comme Henri Frenay ou François de Menthon. Il rejoint ensuite Londres le 25 octobre 1941 et offre ses services au général De Gaulle qui le nomme délégué du comité national français en zone libre (ZL). Parachuté en Provence le 2 janvier 1942, sa mission consiste à fédérer les principaux mouvements majoritaires de cette ZL et à mettre sur pied une armée clandestine.
Il participe alors en France au succès de l'élan lancé par le général De Gaulle, le 14 juillet 1942, à la BBC, avec un discours annonçant le lien entre FFL et résistants de l'intérieur au sein de la "France combattante". Jean Moulin se met ensuite au travail en créant des organes de coordination "ex nihilo" ou profitant des structures existantes, à l'image du BIP (Bureau d'information et presse) de Georges Bidault, du NAP déjà évoqué et du SAP (Service d'atterrissage et de parachutage) qui assure les liaisons aériennes ou maritimes entre la France et l'Angleterre. Il fusionne, le 2 octobre 1942, et met aux ordres de la France Libre les groupes Franc-Tireur, Combat et Libération-sud. Le 22 octobre, le général Delestraint est nommé à la tête de "l'Armée secrète" qui regroupe les forces paramilitaires des 3 mouvements. Mais cette unification doit s'arrêter, pour un temps, avec l'invasion de la ZL par les Allemands le 11 novembre 1942 à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord mais également à cause des divisions entre gaullistes et partisans du général Giraud à Alger.
De son côté, Pierre Brossolette est envoyé en zone nord pour, d'une part, imposer aux mouvements la séparation entre le renseignement et l'action et d'autre part, créer, le 26 mars 1942, un comité de coordination entre le Front national, Libération-nord, l'OCM, Ceux de la Résistance et Ceux de la libération. Si Brossolette et Moulin ne sont pas d'accord sur la résurgence d'influences politiques au sein des résistants (en vue de l'après-guerre), ils travaillent ensemble pour que naisse, le 27 mai 1943, le CNR (comité national de la Résistance) associant 8 mouvements, 6 partis politiques et 2 centrales syndicales.
Néanmoins, Jean Moulin, comme Pierre Brossolette, victimes de la répression de la Gestapo, auront pris soin de déléguer leurs responsabilités au sein d'une organisation coordonnée mais cloisonnée (responsables départementaux, sous-comités, ...).
3-Une force clandestine efficace.
Au-delà de cette organisation politico-militaire, la Résistance agit sur le terrain pour renseigner les Alliés ou harceler l'armée allemande. Les maquis sont de redoutables adversaires pour l'occupant et ce, malgré parfois un grand dénuement et un manque cruel d'armements. Même si le général Koenig est sensé dirigé depuis Londres les FFI (Forces françaises de l'intérieur créée en 1944), les maquisards pâtissent de leur faible équipement et parfois de savoir-faire défaillants. Cependant, certains, comme les hommes de Guingouin dans le Limousin ou ceux de Tom Morel dans les Glières, deviennent, à force d'efficacité, des objectifs militaires à détruire par les Allemands et par Vichy, ces derniers devant concentrer des troupes face à ces combattants irréguliers au détriment du front. Les Alliés envoient également des émetteurs radio, du matériel, des explosifs et des spécialistes des actions commandos (SOE, SAS,...) pour améliorer le niveau tactique des Résistants et faciliter la communication des ordres. La guerre du rail fait rage ainsi que de nombreux sabotages sur les lignes, les gares ou contre les convois militaires ennemis. D'ailleurs, afin de préparer le débarquement de Normandie, en juin 1944, les 300 000 FFI sont largement engagés pour affaiblir la liberté d'action des troupes allemandes. Ainsi, le "plan vert" vise à paralyser les moyens de transport, "le plan bleu" à s'attaquer au réseau électrique et le "plan tortue" à freiner la progression adverse par des actions de guérillas grâce à l'attaque des dépôts de carburant ou de munitions. Au bilan, 3 000 ouvrages d'art sont détruits, 3 000 km de voies ferrées sabotées et de nombreux postes de commandement isolés (plus de moyens de communication). Néanmoins, dès que les groupes de maquisards cherchent le combat direct, comme au Vercors, ils subissent de lourdes pertes et ne peuvent rivaliser que par leur courage, du fait du manque d'armes lourdes et d'appui interarmes.
Les mouvements soutiennent ensuite les troupes anglo-américaines à l'instar des hommes du maquis de Saint-Marcel en Bretagne avant de se joindre aux unités régulières face aux poches de la façade atlantique comme à Royan par exemple.
Mais la Résistance décide également de participer à la libération de Paris en août 1944 en lançant une insurrection urbaine tout en attendant la 2ème DB du général Leclerc. C'est un nouveau choix tactique constitué de barricades et de la saisie des centres de pouvoir (préfecture, hôtel de ville,...). Les Résistants vont ensuite renforcer les combattants de la 1ère armée française jusqu'en Allemagne.
En termes d'enseignements, on observe donc la nécessité de coordonner l'action clandestine, sans toutefois la centraliser à outrance pour éviter les opérations de contre-insurrection. Cette unification est souvent le fait de personnalités charismatiques et consensuelles, capables de fédérer les énergies. Des structures de commandement politiques et militaires doivent être bâties pour préparer l'avenir mais aussi pour concentrer les efforts dans les divers domaines (propagande, action, renseignement,...) afin d'optimiser des moyens comptés. Si les maquis ont bénéficié des réfractaires au service du travail obligatoire (STO) en Allemagne, ils ont souvent été soutenus par la population locale tout en ayant besoin du soutien des Alliés, tant humain que matériel. Les actions de sabotage et de harcèlement sont à privilégier et ce, dans le but de ne pas trop exposer les combattants irréguliers tout en affaiblissant, dans la durée, des troupes conventionnelles usées dans leurs mouvements, leur soutien ou leur capacité de "command and control".
Pour conclure, rendons tout d'abord hommage à ces combattants de l'ombre dont nombre d'entre eux ont été torturés, déportés ou exécutés par l'occupant mais qui ont, par leur esprit de résistance, contribué à la libération de la France. Leur atout aura été de développer des modes d'action et des structures élargies tout en acceptant de s'unir pour mieux vaincre.
Frédéric Jordan
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