Publié en 2009 pour la première fois en français, l'autobiographie de Greg "Pappy" Boyington, l'as américain de la seconde guerre mondiale écrite à la fin des années 1950, est un ouvrage passionnant et d'une grande richesse humaine. Nous avons bien évidemment tous en tête la série diffusée en 1976 sous le titre "Les têtes brûlées" (version originale Baa Baa Black Sheep) qui a nourri l'imagination d'une génération de jeunes garçons rêvant de participer aux héroïques combats aériens de l'escadrille des Marines VMF 214 dans les îles étouffantes du Pacifique sud.
Mais ce livre que je vous propose à la lecture diffère des épisodes télévisés (même si l'auteur y a été consultant technique) puisqu'il décrit le parcours du major Boyington depuis sa participation au groupe de volontaires américains en Chine (les "Flying Tigers") jusqu'à sa longue et terrible détention comme prisonnier de guerre dans les camps japonais avant de conclure sur la difficile reconversion de cet officier de carrière.
Dans son récit, "Pappy" (surnom que lui ont donné ses pilotes du fait de son âge avancé), décrit son départ pour le groupe du futur général Chenault (que nous évoquions dans un article http://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/2013/09/quand-les-chinois-et-les-americains-se.html) pour soutenir les forces nationalistes chinoises face à l'envahisseur japonais dès le début 1941. Instructeur à l'école des pilotes de Pensacola, Boyington accepte cette aventure de mercenaire pour fuir ses dettes, ses problèmes familiaux et une vie dissolue. Il raconte les longues semaines sans activité en Birmanie avant d'enfin connaître le baptême du feu face aux avions nippons à bord de poussifs chasseurs P40. Il détaille la campagne birmane opposant les Britanniques appuyés par les volontaires des "Flying Tigers" et les Japonais, un commandement américano-chinois qu'il juge défaillant mais aussi ses rencontres, ses premières victoires, les premières pertes ou son alcoolisme récurrent et ce, dans une ambiance asiatique emprunte de rusticité et de langueur. Il fait l'apprentissage de la culture asiatique où la vie n'a pas la même valeur qu'en occident et d'un certain fatalisme qu'il retrouvera, prisonnier dans un Japon dévasté par les bombardements de B29.
Début 1942, il doit s'opposer violemment au général Chenault, qu'il dépeint comme un homme colérique, incapable de tenir parole et faible face à ses responsabilités, pour réintégrer le corps des Marines. Il finit par y parvenir mais se voit cantonner à des postes administratifs avant de constituer, sur un coup de dé, une escadrille provisoire avec des pilotes mis en réserve mais talentueux quoique marginaux. Ses résultats brillants face aux Japonais du côté de Guadalcanal vont officialiser la VMF 214 qui deviendra une escadrille incontournable, toujours volontaire pour les missions les plus délicates (attaques au sol, escortes de bombardiers, reconnaissances dans la profondeur). Ces têtes brûlées bénéficient de l'expérience de Boyington mais aussi de son audace et de ses prises de risque. Soutenu par le général Moore, la "214" doit malgré tout lutter contre la bureaucratie, l'inertie ou certains officiers " de l'arrière" comme le colonel Lard (bien connu des fidèles de la série) qui s'adapte mal (comme l'armée américaine d'ailleurs) aux réalités du combat dans le Pacifique. Jusqu'en 1944, l'auteur va participer à toutes les campagnes américaines de reconquête tout en devenant une légende parmi les pilotes mais aussi dans la presse même s'il a des relations très conflictuelles avec les journalistes à qui il ne souhaite pas livrer sa vraie personnalité (immature et torturée selon ses dires) ou devenir le héros médiatique qu'il est, de fait, par sa valeur au combat. Alors qu'il lui manque une victoire à son palmarès pour devenir un as avec près de 26 avions ennemis à son actif, la pression le pousse à prendre des risques inconsidérés, à accepter la fatigue et l'accumulation des missions puis à renouer avec son démon de l'alcool. Il demeure néanmoins un tacticien hors pair de la guerre aérienne, surprenant les Japonais par des stratagèmes (intrusion sur leur réseau radio, changements d'altitude, interception de nuit sans équipement spécifique), adoptant des formations inhabituelles par rapport à la doctrine ou simplement en formant ses pilotes au cours des débriefing (grâce à son expérience chinoise). Il apprend à identifier les procédés des Japonais notamment celui qui consiste à attirer un adversaire avec un avion en basse altitude et à faible vitesse pendant que l'équipier de celui-ci se positionne derrière l'assaillant trop confiant. Il observe de même que les pilotes nippons rompent toujours leurs formations par un virage à gauche. Sur le plan technique, il tire le maximum de ses avions, par exemple avec le P40 vieillissant, il profite de sa vitesse en piqué pour prendre le dessus sur les "zéro". Il bénéficie également d'un équipement de plus en plus performant, en particulier le puissant et célèbre F4 Corsair, avec ses canons de 20mm, son blindage et son autonomie. Malheureusement, le 3 janvier 1944, fatigué, alors qu'il attaque un groupe de "zéro" avec son équipier à 1 contre 3, il bat le record des As avec une 26ème victoire mais est abattu par les Japonais dans la région de Rabaul. Il saute en parachute de justesse mais est laissé pour mort par ses hommes. Recueilli par un sous-marin adverse alors qu'il est blessé et dérive dans un radeau de survie, il va vivre l'enfer jusqu'à la fin de la guerre.
En version originale :
En effet, considéré avec brutalité par l'armée japonaise, il devient et reste ce que Tokyo appelle "un prisonnier spécial" dépourvu des soins et des droits liés à la convention de Genève. Mal nourri, battu, interrogé régulièrement, insulté, souffrant de malnutrition et de malaria, il ira de camps en camps jusqu'au Japon. Il tiendra, tête à des geôliers sans scrupule, brutaux et dénués, pour la plupart de la moindre compassion. Parmi les prisonniers, il devient une fois de plus un leader et conduit la plupart d'entre eux jusqu'à la libération en entretenant leur moral ou en volant le minimum vital pour les soutenir (il se fait affecter aux cuisines). Paradoxalement, il n'entretient pas de haine envers les Japonais considérant que les gardes obéissaient aux ordres et que leur faible éducation participait à leur comportement. Il a néanmoins rencontré des civils nippons toujours respectueux voire amicaux avec lui ainsi que quelques militaires fidèle à un certain sens de l'honneur.
Son calvaire prend fin à l'été 1945 et il devient le héros qu'il n'avait pas pu devenir lors de la guerre. Il rentre aux Etats-Unis pour entamer une tournée auprès de la société politico-économique du pays afin de récolter des dons et des investissements. Il retrouve aussi ses "Têtes brûlées" pour lesquels il garde un attachement très fort. Lors de ses conférences, à chaque fois, il raconte son histoire, fait la une des journaux mais sombre progressivement dans l'alcoolisme et finit par quitter l'armée. Peu sensible aux décorations qu'il reçoit (il est déçu par sa remise de la "Purple Heart" par le président Truman menée, selon lui, avec indifférence). Il rencontre sa seconde épouse et commence une nouvelle carrière d'arbitre de catch puis de représentant en vins aux résultats décevants du fait de son alcoolisme avec lequel il renoue une nouvelle fois. Il finit par trouver un certain apaisement spirituel et physique en rencontrant la foi et un groupe d'amis qui le soutiendront jusqu'à son décès le 11 janvier 1988 (il sera enterré au cimetière d'Arlington).
Pour conclure, il faut saluer le héros (même si lui-même refusait ce titre), le témoin qu'a été "Pappy" Boyington de cette bataille aérienne qui se livra entre 1941 et 1945 dans le Pacifique. Au-delà de ses faiblesses et défauts, tous ses contemporains saluent un homme attachant, un pilote exceptionnel, un chef fidèle et aimé, comme un tacticien intuitif mais aussi un homme courageux et solide (prisonniers près d'un an et demie). Il n'hésite pas à dénoncer, dans son livre, la médiocrité, la couardise de certains officiers ou à saluer la droiture et la valeur de ceux qui croisent sa route. En bref, malgré quelques longueurs, cet ouvrage est passionnant et ravivera en vous le mythe des "Têtes brulées", bonne lecture...
Pour les plus nostalgiques et en guise d'hommage, un petit clin d'œil vidéo...
Dans son récit, "Pappy" (surnom que lui ont donné ses pilotes du fait de son âge avancé), décrit son départ pour le groupe du futur général Chenault (que nous évoquions dans un article http://lechoduchampdebataille.blogspot.fr/2013/09/quand-les-chinois-et-les-americains-se.html) pour soutenir les forces nationalistes chinoises face à l'envahisseur japonais dès le début 1941. Instructeur à l'école des pilotes de Pensacola, Boyington accepte cette aventure de mercenaire pour fuir ses dettes, ses problèmes familiaux et une vie dissolue. Il raconte les longues semaines sans activité en Birmanie avant d'enfin connaître le baptême du feu face aux avions nippons à bord de poussifs chasseurs P40. Il détaille la campagne birmane opposant les Britanniques appuyés par les volontaires des "Flying Tigers" et les Japonais, un commandement américano-chinois qu'il juge défaillant mais aussi ses rencontres, ses premières victoires, les premières pertes ou son alcoolisme récurrent et ce, dans une ambiance asiatique emprunte de rusticité et de langueur. Il fait l'apprentissage de la culture asiatique où la vie n'a pas la même valeur qu'en occident et d'un certain fatalisme qu'il retrouvera, prisonnier dans un Japon dévasté par les bombardements de B29.
Début 1942, il doit s'opposer violemment au général Chenault, qu'il dépeint comme un homme colérique, incapable de tenir parole et faible face à ses responsabilités, pour réintégrer le corps des Marines. Il finit par y parvenir mais se voit cantonner à des postes administratifs avant de constituer, sur un coup de dé, une escadrille provisoire avec des pilotes mis en réserve mais talentueux quoique marginaux. Ses résultats brillants face aux Japonais du côté de Guadalcanal vont officialiser la VMF 214 qui deviendra une escadrille incontournable, toujours volontaire pour les missions les plus délicates (attaques au sol, escortes de bombardiers, reconnaissances dans la profondeur). Ces têtes brûlées bénéficient de l'expérience de Boyington mais aussi de son audace et de ses prises de risque. Soutenu par le général Moore, la "214" doit malgré tout lutter contre la bureaucratie, l'inertie ou certains officiers " de l'arrière" comme le colonel Lard (bien connu des fidèles de la série) qui s'adapte mal (comme l'armée américaine d'ailleurs) aux réalités du combat dans le Pacifique. Jusqu'en 1944, l'auteur va participer à toutes les campagnes américaines de reconquête tout en devenant une légende parmi les pilotes mais aussi dans la presse même s'il a des relations très conflictuelles avec les journalistes à qui il ne souhaite pas livrer sa vraie personnalité (immature et torturée selon ses dires) ou devenir le héros médiatique qu'il est, de fait, par sa valeur au combat. Alors qu'il lui manque une victoire à son palmarès pour devenir un as avec près de 26 avions ennemis à son actif, la pression le pousse à prendre des risques inconsidérés, à accepter la fatigue et l'accumulation des missions puis à renouer avec son démon de l'alcool. Il demeure néanmoins un tacticien hors pair de la guerre aérienne, surprenant les Japonais par des stratagèmes (intrusion sur leur réseau radio, changements d'altitude, interception de nuit sans équipement spécifique), adoptant des formations inhabituelles par rapport à la doctrine ou simplement en formant ses pilotes au cours des débriefing (grâce à son expérience chinoise). Il apprend à identifier les procédés des Japonais notamment celui qui consiste à attirer un adversaire avec un avion en basse altitude et à faible vitesse pendant que l'équipier de celui-ci se positionne derrière l'assaillant trop confiant. Il observe de même que les pilotes nippons rompent toujours leurs formations par un virage à gauche. Sur le plan technique, il tire le maximum de ses avions, par exemple avec le P40 vieillissant, il profite de sa vitesse en piqué pour prendre le dessus sur les "zéro". Il bénéficie également d'un équipement de plus en plus performant, en particulier le puissant et célèbre F4 Corsair, avec ses canons de 20mm, son blindage et son autonomie. Malheureusement, le 3 janvier 1944, fatigué, alors qu'il attaque un groupe de "zéro" avec son équipier à 1 contre 3, il bat le record des As avec une 26ème victoire mais est abattu par les Japonais dans la région de Rabaul. Il saute en parachute de justesse mais est laissé pour mort par ses hommes. Recueilli par un sous-marin adverse alors qu'il est blessé et dérive dans un radeau de survie, il va vivre l'enfer jusqu'à la fin de la guerre.
En version originale :
Dans la série :
En effet, considéré avec brutalité par l'armée japonaise, il devient et reste ce que Tokyo appelle "un prisonnier spécial" dépourvu des soins et des droits liés à la convention de Genève. Mal nourri, battu, interrogé régulièrement, insulté, souffrant de malnutrition et de malaria, il ira de camps en camps jusqu'au Japon. Il tiendra, tête à des geôliers sans scrupule, brutaux et dénués, pour la plupart de la moindre compassion. Parmi les prisonniers, il devient une fois de plus un leader et conduit la plupart d'entre eux jusqu'à la libération en entretenant leur moral ou en volant le minimum vital pour les soutenir (il se fait affecter aux cuisines). Paradoxalement, il n'entretient pas de haine envers les Japonais considérant que les gardes obéissaient aux ordres et que leur faible éducation participait à leur comportement. Il a néanmoins rencontré des civils nippons toujours respectueux voire amicaux avec lui ainsi que quelques militaires fidèle à un certain sens de l'honneur.
Son calvaire prend fin à l'été 1945 et il devient le héros qu'il n'avait pas pu devenir lors de la guerre. Il rentre aux Etats-Unis pour entamer une tournée auprès de la société politico-économique du pays afin de récolter des dons et des investissements. Il retrouve aussi ses "Têtes brûlées" pour lesquels il garde un attachement très fort. Lors de ses conférences, à chaque fois, il raconte son histoire, fait la une des journaux mais sombre progressivement dans l'alcoolisme et finit par quitter l'armée. Peu sensible aux décorations qu'il reçoit (il est déçu par sa remise de la "Purple Heart" par le président Truman menée, selon lui, avec indifférence). Il rencontre sa seconde épouse et commence une nouvelle carrière d'arbitre de catch puis de représentant en vins aux résultats décevants du fait de son alcoolisme avec lequel il renoue une nouvelle fois. Il finit par trouver un certain apaisement spirituel et physique en rencontrant la foi et un groupe d'amis qui le soutiendront jusqu'à son décès le 11 janvier 1988 (il sera enterré au cimetière d'Arlington).
Pour conclure, il faut saluer le héros (même si lui-même refusait ce titre), le témoin qu'a été "Pappy" Boyington de cette bataille aérienne qui se livra entre 1941 et 1945 dans le Pacifique. Au-delà de ses faiblesses et défauts, tous ses contemporains saluent un homme attachant, un pilote exceptionnel, un chef fidèle et aimé, comme un tacticien intuitif mais aussi un homme courageux et solide (prisonniers près d'un an et demie). Il n'hésite pas à dénoncer, dans son livre, la médiocrité, la couardise de certains officiers ou à saluer la droiture et la valeur de ceux qui croisent sa route. En bref, malgré quelques longueurs, cet ouvrage est passionnant et ravivera en vous le mythe des "Têtes brulées", bonne lecture...
Pour les plus nostalgiques et en guise d'hommage, un petit clin d'œil vidéo...
Hello,
RépondreSupprimerSur le sujet :
http://www.youtube.com/watch?v=PtSwOGkgsQc&feature=player_embedded
et :
http://lautrecotedelacolline.blogspot.fr/2013/03/les-vraies-tetes-brulees-la-vmf-214.html
Cordialement et meilleurs voeux.