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mercredi 22 janvier 2014

La pensée militaire napoléonienne.

Comme nous l'avons annoncé, nous poursuivons l'analyse de diverses formes de pensée militaire et ce, afin de déterminer des tendances culturelles spécifiques. Napoléon a largement influencé la perception de la guerre et, en particulier, de la tactique, en Europe voire, plus largement, dans le monde occidental. Pour cela, je me baserai sur un certain nombre de lectures, en l'occurence les ouvrages de Bruno Colson "Napoléon, de la guerre" et de Stéphane Béraud "La révolution militaire napoléonienne".
L'empereur mène ses batailles au moment où culminent de grandes évolutions, tant techniques que tactiques, ayant débuté au début du XVIIème siècle (développement de l'artillerie, accroissement des effectifs, déclin de l'artillerie médiévale et des fortifications).


Malgré ces transformations, Napoléon initie ce que l'on pourra appeler l'art opératif en intégrant de grandes distances de manœuvre, une mobilité importante pour ses troupes et l'emploi de nouvelles articulations que sont les corps d'armée indépendants. Ce choix provient de l'influence sur le jeune officier corse du comte de Guibert  qui prônait déjà, en 1772, dans son "Essai général de tactique" cette nécessaire coordination interarmes au plus bas niveau. Bonaparte est également persuadé que "l'art de la guerre a des principes invariables, qui ont principalement pour but de garantir les armées contre l'erreur des chefs sur la force de l'ennemi." En synthèse, c'est tout d'abord la nécessité de dissimuler ses propres desseins, de se renseigner sur les mouvements adverses (et leurs moyens), d'analyser le terrain et l'environnement afin de trouver les meilleur moment pour concentrer les efforts (disposer typiquement la supériorité numérique) sur le centre de gravité ennemi. Napoléon est partisan de la surprise et de la ruse dans le but de prendre l'ascendant sur son adversaire puis de saisir les opportunités (l'évènement) en engageant une réserve (économie des moyens). Il sait également que la marche à l'ennemi est bien souvent un instant de vulnérabilité et compense ce risque en suggérant une forme de sûreté par des rideaux défensifs sur les flancs.
Dans un autre registre, même s'il développe l'idée de plans de campagne, de lignes d'opération et d'axes de communication, la bataille principale demeure l'objectif de son action. En revanche, il a bien perçu la nécessité de bâtir une logistique modulaire et capable d'appuyer son mouvement au-delà de la "règle des 5 jours" éditée au XVIIIème siècle (aucune unité ne pourrait s'éloigner à plus de 5 jours de marche de ses bases d'approvisionnement). Il allège au maximum les unités de combat pour créer le corps de équipages et rénove le concept de magasins ou, pour l'artillerie, de celui de parcs. Par exemple, les divisions disposent de 170 coups par pièce et peuvent être soutenues par les stocks du corps d'armée à hauteur de 85 coups par pièce, eux-mêmes ravitaillés par le parc principal (aujourd'hui on parlerait de logistique poussée). Enfin, des commissaires gèrent les réquisitions, anticipent les besoins des armées sur les futures zones de déploiement ou de stationnement alors que Berthier, chef d'état-major, doit mettre en œuvre, avant les grandes opérations, des hôpitaux, des fours à pain, des stocks de biscuits ou de chaussures.
On le voit, Napoléon est au cœur de la pensée tactique occidentale avec le développement des prémices d'un art opératif (sans aller au bout de l'idée) tout comme la recherche systématique de la bataille décisive et, finalement, la perception d'un adversaire réduit à un système. Les principes évoqués plus haut seront ceux mis en œuvre au début du XXème siècle avec Foch défendant la sûreté, la concentration des efforts et l'économie des moyens (un apport de Pétain avec la bataille de la Malmaison). Quand on observe les visions françaises et même américaines, on trouve effectivement cette propension à la recherche de la supériorité numérique, l'affirmation de l'effet multiplicateur du feu (artillerie, moyens aériens), les incontournables dispositifs interarmes et, in fine, la dictature de la logistique. Pendant le second conflit mondial, les Allemands, quant à eux, seront d'ailleurs obsédés par cette vision de la tactique, schéma victorieux à Sedan en 1940 mais qui trouvera ses limites sur le front de l'est dès 1942.
Fort de cette analyse, dans un article à venir, nous traverserons les frontières vers l'Asie et nous verrons si les Chinois perçoivent de la même façon la guerre au travers leur propre prisme historique.

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