Alors que l'Union européenne a mis en place un embargo sur les importations de pétrole iranien , que les prix du carburant repartent à la hausse et que Téhéran menace de fermer le détroit d'Ormuz, il m' a semblé pertinent de mettre en ligne un article que j'avais fait paraître au début de l'année 2011 sur le site de l'IFRI et qui peut susciter, à n'en pas douter, le débat parmi vous. Voici donc la première partie de cette réflexion sur l'influence de l'or noir sur les armées contemporaines. Bonne lecture.
Pour Jean-Pierre Favennec, professeur à l’Institut français du pétrole, les hydrocarbures possèdent cette caractéristique particulière qu’ils sont, de nos jours, indissociables de la conflictualité. En effet, ils permettent aux forces armées de conduire leurs missions. Ils constitueraient, en quelque sorte, avec la ressource financière, l’autre nerf de la guerre. En outre, tous les spécialistes de l’énergie s’accordent à dire que, d’ici 50 ans, cette ressource primaire sera soit épuisée, soit largement réduite et ce, au regard de l’augmentation de la consommation de ce début de siècle (croissance de 30 à 40% de la consommation attendue d’ici 2030 selon l’UFIP(1) ). De la même façon, les études prospectives (2) de centres de recherche tendent à démontrer que la part d’énergies renouvelables dans les transports ne dépassera pas, en 2050, 4,5 % du total alors que les hydrocarbures demeureront privilégiés.
Même si la notion est parfois contestée par de grands groupes comme Total(3) , l’avènement annoncé du « Peak oil »(4) entraînerait, à coup sûr, des pénuries, des inégalités, des restrictions ou des transformations structurelles dont les Etats et leurs outils militaires pourraient être les victimes. Il est donc nécessaire de remettre en cause la viabilité des stratégies des Etats, notamment développés, ainsi que des modèles actuels de leurs armées dont les fondements demeurent encore la force mécanique, l’arme aérienne ou navale, toutes dépendantes du soutien pétrolier. Ces moyens motorisés qui demeurent la source de puissance militaire de notre époque pourraient alors, demain, devenir le talon d’Achille des pays développés alors que leur abandon serait un atout pour les Etats moins riches mais disposant d’une forte ressource humaine. Aussi, peut-on légitimement s’interroger sur les évolutions nécessaires pour les armées futures consécutives à cette rupture énergétique. Nous nous interrogerons sur les mesures à mettre en œuvre face à cette échéance qui pourrait rendre les puissants d’aujourd’hui incapables d’utiliser leur outil militaire avec tout leur potentiel, redonnant aux plus faibles un potentiel militaire de taille et provoquant des ruptures stratégiques majeures.