Situation générale :
Le
5 janvier 1675, la bataille de Turckheim met aux prises Henri de la Tour d’Auvergne, maréchal de
Turenne, à une armée austro-brandebourgeoise menée par Frédéric Guillaume,
électeur de Brandebourg. Au-delà de l’originalité d’une manœuvre conduite en
plein hiver, par sa rapidité, elle assure à Turenne le départ précipité
d’Alsace des armées coalisées jusqu’à la reprise des combats, l’été suivant, qui
verra le décès du maréchal.
Le
cadre de la guerre de Hollande offre l’occasion à Louis XIV, qui s’est assuré
de la neutralité de l’Empereur et s’est allié aux Anglais, de mettre en œuvre
sa politique d’agrandissement du royaume en attaquant, en 1672, les
Provinces-Unies, c’est à dire les Pays-Bas espagnols. En dépit de réels succès
et de la conquête de nombreuses places, la volonté de résistance de Guillaume
d’Orange et de son peuple émousse, tout au long de l’année 1673, l’élan offensif
des troupes du royaume de France.
A la fin de l’année, subissant le revirement
de l’Empire, excepté le duché de Bavière, faisant face à de nouveaux fronts,
Louis XIV est contraint reculer et de quitter la Hollande . En 1674, la
défection anglaise isole encore un peu plus le royaume de France. Pour autant,
Louis XIV est porté par son élan offensif et s’engage dans la conquête de la Franche-Comté tout
en assurant la défense des frontières au nord et en Alsace. Le théâtre alsacien
est alors confié à la vigilance du vieux maréchal de Turenne.
A
l’automne 1674, Turenne fait face au franchissement de la frontière par 50 000
coalisés, 3 0000 impériaux et 20 000 brandebourgeois, aux ordres de
Frédéric-Guillaume de Brandebourg. En infériorité numérique, Turenne évacue ses
30 000 soldats vers la
Lorraine , laissant l’ennemi envahir l’Alsace. Cherchant à
compenser son infériorité numérique par sa maîtrise de l’initiative, Turenne
décide de concevoir une manœuvre en plein hiver. Il cherche ainsi à saisir l’opportunité de prendre « par
surprise » ses adversaires.
De
minutieux préparatifs, des reconnaissances nombreuses sur les itinéraires,
l’établissement de dépôts logistiques sur le parcours des unités, la mise en œuvre
de ce que l’on qualifierait aujourd’hui d’opérations d’influence et
d’intoxication assurent, le moment venu, une traversée « en
discrétion du massif des Vosges. Turenne et son armée débouchent alors en
Alsace par Belfort et Mulhouse. La surprise est immédiate et totale. Belfort
est prise le 27 décembre 1674, Mulhouse trois jours plus tard. Refusant de ralentir
le rythme de sa manœuvre, Turenne reprend sa progression immédiatement vers le
nord, bousculant les lignes impériales. Il cherche à croiser le fer avec le
gros des troupes de l’Electeur de Brandebourg déployé à hauteur de Turckheim,
près de Colmar. La bataille ne durera que quelques heures.
Déroulement de la bataille :
Engageant
son action avec force en direction de Turckheim, le maréchal de Turenne déploie
legros de son armée, entre midi et 14h00, face aux troupes coalisées. Là
encore, c’est la manœuvre (combinaison du feu et du mouvement) qu’il privilégie
en scindant ses forces en deux éléments dont les deux-tiers de ses hommes
aux ordres de son neveu pour fixer les coalisés et mener une mission de
déception. Quant à lui, avec le tiers restant, il contourne la zone d’action
par les massifs et les bois afin de s’infiltrer en discrétion par les coteaux
du Brand, vers la porte de Munster. Ce débouché impromptu oblige l’adversaire à
réorganiser en toute hâte son dispositif
pour espérer faire face à la pression française. En fin d’après-midi la bataille
fait rage mais, en fin de journée, incapable de manœuvrer ou de coordonner ses
unités mais aussi craignant la marche de toute l’armée française,
Frédéric-Guillaume ordonne le repli vers Kehl, et le franchissement de ses
forces à l’est du Rhin. Cette bataille est et clôture les engagements de la
campagne d’automne. Elle offre le gain d’une évacuation de l’Alsace par les
troupes impériales. Quelques mois plus tard, voulant forcer plus loin son
avantage, Turenne, ayant lui aussi franchi le Rhin, perdra la vie le 27 juillet
1675, touché par un boulet à l’occasion d’une reconnaissance.
Enseignements de la bataille :
La
bataille de Turckheim met en évidence la valeur centrale de la maitrise de l’initiative
pour le développement victorieux de la manœuvre. C’est dans l’action et dans le
rythme que se crée le succès. Se sachant inférieur en nombre, voulant prendre
l’ascendant sur des unités déployées pour occuper le terrain, Turenne conçoit
un plan original : s’infiltrer en plein hiver, par le massif des Vosges,
pour porter, au sud de l’Alsace, l’ensemble de son corps de bataille. Les
Impériaux, inscrit dans des schémas plus classiques (trêve hivernale,
occupation des places, etc.) lui abandonneront de fait l’initiative, attendant
les coups sans même anticiper leur propre faiblesse, née d’un maintien statique
sur position.
Mais
l’élan offensif n’est pas une longue marche désordonnée. Général en campagne,
Turenne prend soin d’établir des boulangeries à Rambervilliers et à Remiremont
pour assurer une juste subsistance à ses troupes, inévitablement harassées. Les
reconnaissances permettent de choisir les itinéraires appropriées et garantissent
la qualité des stationnements. L’ensemble des actions nécessaires sont
orientées dans le respect de l’intention du chef qui oriente l’action en
défendant ses critères de succès : surprise et discrétion.
Cette
recherche des effets les plus performants au moindre coup se retrouve à un
échelon plus tactique dans le développement du combat de Turckheim proprement
dit. Là encore, plutôt que de se ruer vers la ligne de défense des Impériaux, Turckheim-Colmar,
il préfère assurer à nouveau l’infiltration d’une partie de ses forces, qu’il
accompagnera, tandis que le gros assurent par sa présence le maintien de l’orientation
générale des forces austro-brandebourgeoise.
Se
portant vers le point décisif de l’attaque surprise des abords de Turckheim,
tirant le meilleur parti possible de la désorganisation des impériaux, il
dynamise par sa présence l’action de ses troupes, les galvanisant quand les
menaces aux débouchés du Brand se faisaient les plus pressantes.
La
volonté de privilégier la manœuvre au choc frontal concourt directement à la
prise en compte du principe d’économie des forces et de concentration des
efforts. C’est bien en mobilisant l’action directe du minimum de forces utile à
la réalisation des objectifs que Turenne fait s’écrouler le dispositif
austro-brandebourgeois. Sans s’attacher à identifier de façon anachronique un
effet majeur, c’est bien en faisant déborder vers la porte de Munster un volume
de forces suffisant que le vieux maréchal assure le succès de sa manœuvre.
Rapide, et faisant peu de victime, la bataille libère immédiatement l’Alsace de
la présence impériale. Elle est incontestable la preuve de son génie militaire
et son plus beau succès.
Très intéressant ...j’attends le prochain avec impatience !...
RépondreSupprimerMerci, très intéressant!
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