Voici donc la troisième partie de notre étude sur les formes d'insurrection et les tactiques utilisées par les combattants irréguliers comme par les armées qui, tout au long de l'histoire militaire, ont cherché à lutter contre ce type de conflictualité.
Hassan Ibn Saba,
appelé également le « vieux de la montagne », crée, entre la fin du
XIème et le début du XIIème siècle, la secte des
Hashshashin dans sa forteresse d’Alamut en Perse et ce, pour lutter contre l’empire
Seldjoukide.
Ses assassins ismaéliens comme ses guerriers fanatisés sèment la terreur
dans le territoire impérial turc faisant de Ibn Saba un acteur majeur de la
région. Malgré les expéditions militaires lancées contre lui, il résiste et oblige les monarques régionaux à négocier avec lui. Les assauts lancés par des armées conventionnelles sont toutes des échecs du fait de l'aura du chef insurgé, de son recrutement (au sein des populations chiites mises au banc de la société turque sunnite), de son influence politique (il a des contacts avec le roi de France), comme des
forteresses (zones refuge) qu’il contrôle ou de sa logistique auto-suffisante.
De la
Renaissance au début du XIXème siècle.
La
renaissance voit une Europe secouée par les guerres entre le Royaume de France,
les principautés italiennes, le Saint Empire romain germanique et les dynasties
ottomanes. Dans ce tumulte, les troupes de mercenaires, les « Condotierre » se vendent au plus
offrant et ravagent les contrées quand elles sont inemployées. Les Etats sont
souvent alors contraints d’organiser des opérations de ratissage pour chasser
ces compagnies d’irréguliers qui pillent, volent ou tendent des embuscades afin
de s’emparer de marchandises ou de métaux précieux. Néanmoins, dans certains
pays, la « petite guerre »
est une nécessité tactique mise en œuvre par des unités spécialisées. C’est le
cas des Hongrois qui, face aux armées turques sur leur frontière, doivent
établir un réseau de forteresses solides mais soutenues, dans les intervalles,
par des forces irrégulières d’infanterie mobiles ou de troupes montées, les
Haidouks. Ces cavaliers légers, qui apparaissent dès le XVIIème
siècle, deviendront, au fil du temps les hussards à la réputation internationale.
En effet, on verra Louis de Bade n’accepter le commandement de l’armée du Rhin
en 1692 qu’après avoir reçu l’assurance que 10 000 de ces guerriers lui seraient confiés. Ces combattants légers et d’une mobilité accrue harcèlent les unités
conventionnelles, s’attaquent au ravitaillement, recueillent du renseignement,
interceptent les messagers et entretiennent l’insécurité dans la profondeur du
dispositif ennemi.
Plus tard, en
France, le Roi est confronté à diverses rebellions dont la plus célèbre, celle
des Camisards des Cévennes (rebelles protestants), nécessite, de 1702 à 1704, un
effort militaire conséquent. De fait, il faudra le commandement successif des
maréchaux De Broglie, de Villars et de Montrevel pour venir à bout des
combattants dirigés par des chefs locaux comme Jean Cavalier. Celui-ci,
retranché dans les montagnes, bénéficie de l’appui de la population et connaît
parfaitement le terrain. Pourtant face à la terreur mise en place par les
forces régulières ou les milices d’auto-défense catholiques, à la politique de
la terre brûlée, à l’évacuation des villages et au regroupement des habitants
cévenols (13 000 personnes) dans les grandes cités, les rebelles finissent
par s’affaiblir avant d’être vaincus. Le même destin attendra les soulèvements vendéens
ou corses comme ceux des Chouans bretons et ce, avec des exactions et des
massacres commis de part et d’autres.
Mais c’est
bien Napoléon qui fera, à cette époque, la synthèse de ces guerres irrégulières
grâce à son expérience et à sa réflexion tactique voire stratégique. Que ce
soit en 1796 en Italie, lors de la campagne d’Egypte ou encore face aux
insurrections calabraises (1806) ou espagnoles (1808), il comprend parfaitement
les ressorts de ces conflits particuliers, conseille ses généraux ou ses frères,
sans toutefois toujours mettre en application les principes de
contre-insurrection qu’il théorise. Dans ce cadre, il considère :
-qu’il faut
se concilier les élites d’un pays conquis comme le fera Suchet en Aragon ou lui-même
au Caire ;
-respecter
les coutumes et les populations pour ne pas se les aliéner (pas de pillage,
tolérance religieuse) ;
-faire un
effort de renseignement tout en désarmant les civils ;
-positionner
les troupes dans des « camps volants »
(nomadisation actuel) pour les familiariser avec la géographie locale et
établir des liens avec les populations ;
-protéger les
convois et les lignes de communication ;
-mettre en
place des colonnes mobiles pour tenir le terrain et frapper vite et fort sur l’adversaire
irrégulier ;
-engager des
troupes supplétives locales pour compléter les effectifs conventionnels ;
-pacifier par
d’autres moyens que militaires (aide financière, rétablissement de l’administration,
…) ;
-mettre en
place des unités de gendarmerie pour quadriller le terrain (déploiement de 4000
gendarmes du général Buquet entre 1808 et 1812 en Espagne).
Malheureusement,
le soutien financier et militaire britannique aux insurgés, l’absence d’une
vision politique claire pour remporter l’adhésion des populations, le manque d’effectifs
(campagne de Russie), les erreurs militaires de certains généraux puis l’enfermement
des unités conventionnelles dans des forteresses pour les protéger des actions
irrégulières vont condamner ces concepts militaires.
Avec son instinct
tactique et son vécu personnel et militaire, il a su mettre en avant (sans jamais
parler de guerre irrégulière) des principes et des modes d’action propres à la « petite guerre ».
Le siècle qui
se poursuit verra, quant à lui, émerger une réelle tactique et pensée de contre
rébellion et de pacification au travers des campagnes de colonisation
européennes en Afrique et en Asie.
A suivre…
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