Comme
nous vous l’annoncions il y a quelques semaines, votre blog va maintenant vous
proposer une nouvelle chronique mensuelle (ou bimensuelle selon l’actualité)
concernant le premier conflit mondial.
En
effet, alors qu’il y a 100 ans débutait une des plus terribles conflagrations
en Europe, « L’écho du champ de
bataille » vous fera revivre les évènements tactico-opératifs, les
combats, les perceptions des militaires de l’époque, les questions liées à la
doctrine ou à l’armement et ce, à travers le regard du lieutenant-colonel Rousset. Ce
dernier, ancien professeur de l’Ecole supérieure de guerre débute un carnet en
août 1914 alors que les premiers affrontements éclatent sur les frontières pour
témoigner du quotidien de la guerre.
Cette
chronique nous emportera sur tous les champs de bataille, au cœur des tranchées
et nous permettra également de rendre hommage aux Poilus et à leur sacrifice.
Bonne lecture…
Août 1914
Les
premières pages du lieutenant-colonel Rousset font état de la veillée des armes
à quelques jours de la mobilisation. Chaque camp fait le point de ses effectifs
disponibles, cherche à minimiser ses faiblesses tout en accentuant ses forces.
Du côté de l’Entente, si on admet la faiblesse des armées balkaniques (Serbie,
Monténégro), on admire, sans retenue, la puissance russe capable, en théorie et
sans aucune notion qualitative, d’aligner 14 corps d’armée face à l’Autriche
mais aussi 23 corps devant l’Allemagne. On estime que la marine britannique
étouffera Berlin (blocus) et que la France, avec 21 corps en métropole et un
supplémentaire au Maroc, est en position de force face aux Allemands contraints
de diviser leurs 24 corps sur deux fronts.
Notre
témoin souligne une légère infériorité matérielle française par rapport aux
troupes allemandes (il oublie nos défaillances en artillerie lourde) et balaie
d’un revers de main ce handicap en insistant sur la qualité des unités « instruites, compacts et décidées ».
Il considère que l’organisation des états-majors adverses est remarquable mais
qu’elle manque de souplesse, la planification prenant le pas sur la conduite, sur
l’initiative et sur la saisie des opportunités. A contrario, la France serait
« prête, elle est décidée, elle est
en garde. Elle a des alliés, des amis résolus comme elle-même, et que
l’arrogance allemande a lassés. Quand demain le canon tonnera, elle y marchera
tout entière, sinon joyeusement, au moins délibérément, avec au cœur, cette
force indéfectible qui s’appelle la confiance et qui fait les héros et les
vainqueurs ». On sent dans cette phrase une posture d’esprit dans
laquelle la force morale doit transcender le combattant face à un ennemi plus
rationnel et diabolisé.
Néanmoins,
les préparatifs français se révèlent détaillées et efficaces avec, en
particulier, le service militaire à 3 ans (1913) qui a gonflé les effectifs
immédiatement disponibles. Ces derniers sont sensés (et on voit ainsi la
naïveté de l’auteur), avoir interdit aux
Allemands la ligne Verdun-Mézières, les obligeant, de fait, à construire un
plan de contournement plus au nord. Nous savons aujourd’hui que le plan « Schlieffen » avait été, bien au
contraire, conçu bien avant 1913 et
qu’il illustre parfaitement l’art opératif allemand avec une manœuvre associant
mouvement, diversion, recherche de l’encerclement, vitesse d’exécution et
combat dans la profondeur.
Le
Lieutenant-colonel Rousset évoque de la même façon la remarquable machinerie de
la mobilisation ainsi que le calme et le sérieux ayant permis d’amener,
principalement par voies ferrées, les unités sur leurs points de concentration
puis de déploiement.
Mais
les combats commencent en Belgique dès le 5 août avec l’armée allemande du
général von Emmich qui se porte sur Liège. La résistance belge est héroïque et
s’appuie sur les forts de Liège et de Namur que notre témoin perçoit comme un
rempart, pas infranchissable certes, mais capable de briser l’élan adverse. Il
n’en est rien, les Allemands franchissent la Meuse dès le 10 août et attaquent
Dinant le 15, contenus malgré tout par une contre-attaque française.
Parallèlement l’offensive française en Alsace et dans les Vosges semble se
développer selon les plans avec l’entrée des forces dans Mulhouse le 8 août,
perdue le lendemain après une contre-attaque allemande. Le col du Bonhomme est
saisi ainsi que les localités de Sainte-Marie-aux Mines, Thann et Dannemarie.
En Lorraine, les armées de Joffre, après quelques succès, doivent, à partir du
20 août, se replier alors que, dans les Ardennes belges, les armées Ruffey, De
Langle et Lanrezac se heurtent à des lignes défensives infranchissables au sud
de la Semoy et à Charleroi.
Pour
notre témoin, une fois de plus aveuglé par un optimisme démesuré, il ne s’agit
que d’un incident voire d’une tactique mûrement pensée. En effet, il compare
cette perte de terrain, en particulier en Belgique, avec la manœuvre
napoléonienne à Austerlitz consistant à céder du terrain afin de tourner
l’ennemi. En réalité, contrairement à ce tableau idéalisé, l’offensive
allemande, quoique moins fulgurante qu’escomptée, progresse selon la
planification, repoussant, dès le 24-25 août, les Français et les Britanniques
(général French) dans le nord de la France et ce, à hauteur, pour les corps
expéditionnaire d’outre-Manche, d’une ligne Cambrai-Landrecies-Le Cateau.
Joffre est contraint d’évacuer l’Alsace afin de dégager des forces disponibles
et les Belges sont acculés sur Anvers. Paris semble compter sur l’offensive
russe qui obtient de bons résultats (bataille de Gumbinnen) en Pologne et salue
la victoire serbe contre les Autrichiens sur la Dvina. Pourtant, le 26 août,
même si chacun appelle à garder confiance : « il faut avoir le courage d’appeler les
choses par leur nom. Nous avons subi un échec sérieux et nos projets
d’offensive ont avorté ». L’idée générale devient une volonté de
dresser un bouclier face à l’Allemagne et de préparer une contre-offensive. La
frontière belge apparaît comme la ligne de résistance ainsi que la Meuse sur
laquelle, d’ailleurs, les forces françaises résistent avec efficacité tout
comme elles le font à Saint Quentin les 28 et 29 août (10ème corps
allemand défait par l’armée Lanrezac). Chacun compte sur le rouleau compresseur
russe et sur le général Galliéni, nommé gouverneur de Paris, et qui constitue
une nouvelle armée autour de la capitale. Sur mer, les combats se font plus
nombreux à l’instar de la bataille d’Heligoland où les Allemandes perdent deux
croiseurs et deux contre-torpilleurs.
Pourtant,
du 29 au 31 août, la retraite continue dans le nord de la France sous la
poussée du général Von Kluck et Paris est l’objet de la première attaque
aérienne (un avion ennemi lâche 3 bombes). Les Russes subissent une cuisante
défaite à Tannenberg après que le général von Hindenburg ait concentré des
forces, dans le grand secret, grâce à un réseau de voies ferrées très efficace.
En
France, des voix s’élèvent pour contester les choix opératifs avec, en ligne de
mire, un front d’attaque estimé trop large empêchant ainsi la concentration des
efforts en Belgique. Des officiers avaient pourtant critiqué le plan XVII dès
sa conception mais ils s’étaient vus ostracisés par le grand quartier général
voire accusés de défaitisme.
Tous
les espoirs reposent alors sur la capacité des combattants français à garder le
moral pour repasser à l’offensive.
Prochain
épisode : septembre 1914.
Frédéric Jordan
source image : Hérodote.net.
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