Nous vous proposons l'étude d'une bataille de la guerre soviéto-finlandaise au début du second conflit mondial qui démontre la capacité, pour une force limitée en nombre et en moyens, de tenir tête à un corps mécanisé. Cette exemple historique met principalement en exergue l'effet démultiplicateur de puissance de la maîtrise d'un milieu ainsi que la mise en œuvre de modes d'action tactiques privilégiant la surprise. Cet article doit également susciter la réflexion quant à l'engagement contemporain de forces modernes face à des adversaires hybrides et s'intégrant parfaitement sur le terrain et son environnement.
En prévision d'un conflit probable entre l’Allemagne et l’URSS,
Staline cherche à renforcer et à réorganiser l’Armée Rouge, celle-là même qu'il a affaiblie par les
purges de généraux tout en sécurisant ses frontières. A
partir du 10 octobre 1939, des pactes sont conclus avec les Etats Baltes et des
négociations débutent le 9 octobre avec la Finlande. Moscou
veut principalement protéger l’accès maritime de Leningrad en prenant possession des îles
du golfe de Finlande et en reculant la frontière Finno-soviétique jusqu'à l’isthme
de Carélie et ce, afin de mettre la ville hors de portée de l‘artillerie lourde finlandaise. La Finlande refuse le 13 novembre et les deux camps se préparent pour l'épreuve de
force. Les Soviétiques considèrent que la ligne Mannerheim, la ligne fortifiée
finlandaise, comme un obstacle insignifiant qu'ils pourront écraser sous le nombre. Du point de vue des effectifs,
l'URSS dispose d'une supériorité absolue avec 4.000 avions, 3.000 chars et
800.000 soldats. Du côté finlandais, l'armée ne peut compter que sur environ 350.000 hommes
et 90.000 femmes (employée dans des unités logistiques). L'artillerie lourde, les blindés et
l'aviation sont quasiment inexistants. Enfin, l'artillerie de campagne, peu
nombreuse, est équipée d'un matériel remontant au premier conflit mondial. Le 30
novembre, l'armée de Staline, certaine de sa victoire, se jete sur la Finlande.
Temps 1:
Le
30 novembre 1939, l 'attaque soviétique se concentre essentiellement sur
l'isthme de Carélie. Au centre du front toutefois, la 163e
division de l'armée rouge franchit la frontière entre la Finlande et l'URSS et
avance depuis le nord-est des environs du village de Suomussalmi, verrou sur la
route d'Oulu, un port du golfe de Botnie et ce, afin de couper la Finlande en deux. Le 7 décembre 1939, Suomussalmi, défendue par un unique bataillon, tombe.
Mais les Finlandais détruisent le village, avant qu'il ne soit pris empêchant les Soviétiques d'y trouver un refuge ou abri (notamment au regard des difficiles conditions météorologiques), et ils battent en
retraite sur les rives opposées des lacs Niskanselkä et Haukiperä.
Temps 2 :
Décidés à reprendre l'initiative, les Finlandais, menés par le colonel
Siilasvuo, décident de harceler les flancs des colonnes soviétiques progressant
sur les axes. Les Soviétiques sont divisés en groupes isolés qui sont progressivement détruits conformément à la vieille tactique nordique du Motti. Des bombes
incendiaires, inspirées de celles utilisées lors de la Guerre civile espagnole sont
utilisées avec beaucoup de succès, et deviennent célèbres sous le nom de
cocktail Molotov. Forts de leur supériorité numérique, les Soviétiques
poursuivent leur progression jusqu'au 21 décembre quoique plus lentement. Parallèlement, au 26 décembre,
l'arrivée de renforts finlandais (deux régiments) permet aux défenseurs
d'accentuer leur pression. Les Soviétiques sont stoppés, puis repoussés.
Temps 3 :
Le
29 décembre, la 163ème division soviétique se débande et ses survivants fuient à
travers les marais ou les lacs gelés. Etrangement, la 44ème division russe
(composée majoritairement d'ukrainiens) ne se porte pas au secours des troupes
soviétiques en difficulté mais consolide ses positions conquises sur la
route entre Suomussalmi et Raate. Entre le 4 et le 8 janvier 1940, l’armée
Rouge subit l’une de ses plus importantes défaites de son histoire lors de
l’incident dit de "Raatteentie". La 44ème division d’infanterie soviétique (soit
environ 25 000 hommes) est presque intégralement détruite après s’être engagée
sur un chemin forestier où elle tombe droit dans une embuscade tendue par
l’unité finlandaise « Osasto Kontula » (300 hommes). Cette petite unité bloque
l’avancée de la division adverse alors que le colonel finlandais Siilasvuo et
sa 9ème division (soit 6000 hommes) coupe de son côté la retraite aux Soviétiques, divisant une fois de plus
la force ennemie en petits groupes successivement neutralisés. Les pertes
soviétiques s’élevent à 23 000 hommes, contre seulement 800 pour les Finnois. Outre
deux divisions totalement détruites, les Soviétiques perdent également 35 chars,
25 canons et 250 camions.
Bilan:
La
bataille de Suomussalmi est une victoire décisive pour les Finlandais. Si les
troupes soviétiques avaient pris la ville d'Oulu, les Finlandais auraient été contraints de
défendre leur pays sur deux fronts simultanément ainsi qu'une importante et vitale voie de
chemin de fer reliant le sud du pays à la Suède . La
victoire redonne le moral à l'armée finlandaise relativement malmenée depuis le
début du conflit. De plus, les Finlandais capturent à Suomussalmi un grand
nombre d'équipements soviétiques réutilisés par une armée sous-équipée qui a gagné un temps précieux sous le commandement du maréchal Mannerheim.
Enseignements de la bataille :
La
bataille de Suomussalmi est un exemple de la manière dont une petite force
correctement commandée et combattant sur un terrain familier peut mettre en
déroute une armée ennemie largement supérieure en nombre. Les facteurs qui
expliquent la victoire finlandaise sont :
§ Les troupes finlandaises disposaient d'une grande
mobilité grâce à leurs skis et à leurs traîneaux et ce, au
contraire des troupes soviétiques dont les lourds éléments ne pouvaient quitter
les axes. Cette faculté dans un milieu particulier fut un premier élément de surprise pour l'armée Rouge incapable de l'anticiper ou de la dépasser.
§ La tactique finlandaise (second facteur de surprise), appelée "Motti",
consistait à couper les colonnes ou les groupements tactiques ennemis en plus
petits groupes, puis à les encercler par les forces légères et mobiles. Elle
fut également adaptable et le plus souvent quasi-irrégulière comme par
exemple en prenant pour cibles prioritaires les véhicules de cantine, ce qui
eu un lourd impact sur la combativité soviétique dans un climat
quasi-polaire.
§ L'armée soviétique était pauvrement équipée en tenues
de camouflage "hiver". Du fait des préjugés ethniques de Staline, la majorité
des troupes de l’armée Rouge venait du Sud de l’Union Soviétique, Staline
craignant que des troupes levées dans les régions limitrophes avec la Finlande refusent de se
battre contre les Finnois. Ces soldats, venant de lointaines contrées, n’avaient
aucune expérience de l’hiver arctique, et étaient incapables de survivre en
forêt et n'avaient pas davantage les aptitudes au combat dans cet environnement.
§ L'objectif soviétique de couper la Finlande en deux parties
en prenant la région d'Oulu, bien que parfaitement raisonnable sur une carte
d'état-major, était irréaliste car la région est principalement
forestière et parsemée de marécages avec un réseau routier réduit à des
sentiers de bucherons. Les divisions mécanisées contraintes de les emprunter devinrent
alors des cibles faciles pour les troupes finlandaises à ski.
§ La simplicité des Finlandais, dont l'assaut
final fut une simple charge de plein front, réduisit la possibilité d'erreurs
tactiques. Le rude climat donna aussi l'avantage à leurs tactiques simples mais associant concentration des efforts, économie des moyens et préservation de la liberté d'action.
L'armée soviétique affaiblie par les purges staliniennes dans les années 1930 ne
disposait que d'officiers souvent médiocres voire incompétents voire paralysés par des schémas ou une centralisation du commandement.
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