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jeudi 10 octobre 2013

Surprise et initiative : l’exemple de la campagne d’hiver en Europe 1944-1945.

 
Surprise et initiative peuvent affermir la liberté d’action mais peuvent être synonyme d’échec si les effets ne sont pas soutenus dans la durée. Les Allemands vont d’ailleurs en faire la cruelle expérience sur le front de l’ouest.
A la conférence interalliée de Québec en septembre 1944, alors qu’une grande partie de la France et de la Belgique est libérée, le général Eisenhower signale que la résistance allemande se fait de plus en plus forte à l’approche de la frontière. Il propose alors de frapper puissamment les régions vitales de la Ruhr et de la Sarre avec, comme objectif principal de garder l’initiative en obligeant les Allemands à y concentrer leurs forces et ainsi à s’exposer. Les troupes américaines et britanniques sont pourtant, de l’avis des généraux qui les inspectent, épuisés par la longue marche et les combats conduits depuis le débarquement. Le général Marshall souhaite d’ailleurs transférer des Etats-Unis 9 divisions fraîches pour relever les vétérans déployés en Europe, se dotant alors « d’une force et d’une puissance de choc accrues à nos armées qui allaient avoir à effectuer une campagne d’hiver des plus difficiles ».

Fort de cette promesse de renforts, Eisenhower lance alors une offensive à la mi-novembre 1944 pour pénétrer la ligne Siegfried et traverser le Rhin. Il est surpris par les conditions météorologiques très défavorables et par la combativité des unités de Berlin, en particulier à proximité d’Aix La Chapelle ou de la forêt d’Hürtgen, les pertes étant très importantes. Il déclare d’ailleurs : « les Allemands, aidés par le temps, les inondations et le terrain marécageux, devraient pouvoir maintenir un front défensif assez fort pendant un certain délai » et ce, malgré l’engagement de divisions de la Wehrmacht qui ne disposent que de 6 semaines d’entraînement. En outre, le général Von Rundstedt, soucieux de regagner l’ascendant comme l’initiative, décide, contre toute attente, de mener une offensive audacieuse, avec 24 divisions, dans les Ardennes, face à la 1ère armée US dont le 8ème corps est percé par 8 divisions blindées concentrées sur 64km de front. Les armées allemandes, largement appuyées par l’artillerie et l’aviation, profitent du brouillard pour se regrouper et mènent des actions de diversion pour surprendre les Alliés.
Mais le général Eisenhower fait preuve de résilience en réagissant rapidement, renforçant les flancs nord et sud du saillant ainsi créé pour contenir la tête de pont adverse. Il concentre un corps britannique sur la Meuse et envoie des unités aéroportées de réserve pour freiner l’élan allemand, à l’instar de la 101ème division de parachutistes chargée de tenir le carrefour de Bastogne. C’est la force morale et la pugnacité de ces divisions qui, comme la 7ème blindée américaine de St Vith, permet à la 3ème armée de Patton de lancer une contre-attaque surprise venant du sud sur le flanc des forces allemandes. Cette action demeure un exemple de planification d’urgence et un prodige tactique comme logistique quand on observe que des unités parcourent près de 110km, le 20 décembre, en une seule journée, afin de rejoindre leurs bases de départ et d’assaut.
Dès lors, entre le 23 et 26 décembre, les circonstances atmosphériques cessent de favoriser l’ennemi et permettent à l’aviation tactique alliée très supérieure à celle de son ennemi de porter des coups terrifiants aux colonnes allemandes de blindés et de ravitaillement. Le 26 décembre, Bastogne est dégagée de son encerclement puis la réduction du saillant (80km de profondeur) débute et dure, jusqu’en janvier 1945, avec des combats d’une rare intensité. Dans ce cadre, à titre d’exemple, le 22 janvier, l’aviation US détruit, à elle seule, en moins de 24 heures, 4192 pièces d’équipement lourd allemandes, locomotives, wagons, chars, automobiles et véhicules hippomobiles.
Au bilan, et en guise de conclusion, grâce à la surprise et à l’esprit d’initiative, les Allemands remportent un succès tactique initial mais le commandement allié prend à son compte ces qualités de manœuvre pour faire échouer cette opération. Il interdit ainsi à Hitler l’atteinte des objectifs opératifs représentés par Liège et Namur. L’Allemagne aura usé son corps de bataille, ses réserves face au front de l’est, et ses derniers espoirs avec cette ultime offensive. Ils perdent 220 000 hommes, 1400 chars et canons d’assaut et surtout subissent « la désillusion générale qui suit un échec. »
En bref, surprendre l’adversaire, être audacieux pour garder l’initiative, peut, dans un environnement favorable et avec une planification rigoureuse, déstabiliser durablement un belligérant et le contraindre, jusqu’au niveau stratégique, dans sa liberté d’action.

1 commentaire:

  1. Le Maréchal (et non général...) Von Rundstedt n'est pour rien dans cette affaire des Ardennes préparée dans le plus grand secret par Hitler depuis la Fin août 44...
    Mais pour beaucoup dans la bonne tenue de la ligne Siegfried et l'échec anglais d'Arnhem...

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