Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

dimanche 17 août 2014

Nouvelle chronique : La première guerre mondiale au jour le jour.

 
Comme nous vous l’annoncions il y a quelques semaines, votre blog va maintenant vous proposer une nouvelle chronique mensuelle (ou bimensuelle selon l’actualité) concernant le premier conflit mondial.
 
En effet, alors qu’il y a 100 ans débutait une des plus terribles conflagrations en Europe, « L’écho du champ de bataille » vous fera revivre les évènements tactico-opératifs, les combats, les perceptions des militaires de l’époque, les questions liées à la doctrine ou à l’armement et ce, à travers le regard du lieutenant-colonel Rousset. Ce dernier, ancien professeur de l’Ecole supérieure de guerre débute un carnet en août 1914 alors que les premiers affrontements éclatent sur les frontières pour témoigner du quotidien de la guerre.
 
Cette chronique nous emportera sur tous les champs de bataille, au cœur des tranchées et nous permettra également de rendre hommage aux Poilus et à leur sacrifice. Bonne lecture…
 
Août 1914
 
Les premières pages du lieutenant-colonel Rousset font état de la veillée des armes à quelques jours de la mobilisation. Chaque camp fait le point de ses effectifs disponibles, cherche à minimiser ses faiblesses tout en accentuant ses forces. Du côté de l’Entente, si on admet la faiblesse des armées balkaniques (Serbie, Monténégro), on admire, sans retenue, la puissance russe capable, en théorie et sans aucune notion qualitative, d’aligner 14 corps d’armée face à l’Autriche mais aussi 23 corps devant l’Allemagne. On estime que la marine britannique étouffera Berlin (blocus) et que la France, avec 21 corps en métropole et un supplémentaire au Maroc, est en position de force face aux Allemands contraints de diviser leurs 24 corps sur deux fronts.


Notre témoin souligne une légère infériorité matérielle française par rapport aux troupes allemandes (il oublie nos défaillances en artillerie lourde) et balaie d’un revers de main ce handicap en insistant sur la qualité des unités « instruites, compacts et décidées ». Il considère que l’organisation des états-majors adverses est remarquable mais qu’elle manque de souplesse, la planification prenant le pas sur la conduite, sur l’initiative et sur la saisie des opportunités. A contrario, la France serait « prête, elle est décidée, elle est en garde. Elle a des alliés, des amis résolus comme elle-même, et que l’arrogance allemande a lassés. Quand demain le canon tonnera, elle y marchera tout entière, sinon joyeusement, au moins délibérément, avec au cœur, cette force indéfectible qui s’appelle la confiance et qui fait les héros et les vainqueurs ». On sent dans cette phrase une posture d’esprit dans laquelle la force morale doit transcender le combattant face à un ennemi plus rationnel et diabolisé.
Néanmoins, les préparatifs français se révèlent détaillées et efficaces avec, en particulier, le service militaire à 3 ans (1913) qui a gonflé les effectifs immédiatement disponibles. Ces derniers sont sensés (et on voit ainsi la naïveté de l’auteur),  avoir interdit aux Allemands la ligne Verdun-Mézières, les obligeant, de fait, à construire un plan de contournement plus au nord. Nous savons aujourd’hui que le plan « Schlieffen » avait été, bien au contraire,  conçu bien avant 1913 et qu’il illustre parfaitement l’art opératif allemand avec une manœuvre associant mouvement, diversion, recherche de l’encerclement, vitesse d’exécution et combat dans la profondeur.
Le Lieutenant-colonel Rousset évoque de la même façon la remarquable machinerie de la mobilisation ainsi que le calme et le sérieux ayant permis d’amener, principalement par voies ferrées, les unités sur leurs points de concentration puis de déploiement.
Mais les combats commencent en Belgique dès le 5 août avec l’armée allemande du général von Emmich qui se porte sur Liège. La résistance belge est héroïque et s’appuie sur les forts de Liège et de Namur que notre témoin perçoit comme un rempart, pas infranchissable certes, mais capable de briser l’élan adverse. Il n’en est rien, les Allemands franchissent la Meuse dès le 10 août et attaquent Dinant le 15, contenus malgré tout par une contre-attaque française. Parallèlement l’offensive française en Alsace et dans les Vosges semble se développer selon les plans avec l’entrée des forces dans Mulhouse le 8 août, perdue le lendemain après une contre-attaque allemande. Le col du Bonhomme est saisi ainsi que les localités de Sainte-Marie-aux Mines, Thann et Dannemarie. En Lorraine, les armées de Joffre, après quelques succès, doivent, à partir du 20 août, se replier alors que, dans les Ardennes belges, les armées Ruffey, De Langle et Lanrezac se heurtent à des lignes défensives infranchissables au sud de la Semoy et à Charleroi.
Pour notre témoin, une fois de plus aveuglé par un optimisme démesuré, il ne s’agit que d’un incident voire d’une tactique mûrement pensée. En effet, il compare cette perte de terrain, en particulier en Belgique, avec la manœuvre napoléonienne à Austerlitz consistant à céder du terrain afin de tourner l’ennemi. En réalité, contrairement à ce tableau idéalisé, l’offensive allemande, quoique moins fulgurante qu’escomptée, progresse selon la planification, repoussant, dès le 24-25 août, les Français et les Britanniques (général French) dans le nord de la France et ce, à hauteur, pour les corps expéditionnaire d’outre-Manche, d’une ligne Cambrai-Landrecies-Le Cateau. Joffre est contraint d’évacuer l’Alsace afin de dégager des forces disponibles et les Belges sont acculés sur Anvers. Paris semble compter sur l’offensive russe qui obtient de bons résultats (bataille de Gumbinnen) en Pologne et salue la victoire serbe contre les Autrichiens sur la Dvina. Pourtant, le 26 août, même si chacun appelle à garder confiance : «  il faut avoir le courage d’appeler les choses par leur nom. Nous avons subi un échec sérieux et nos projets d’offensive ont avorté ». L’idée générale devient une volonté de dresser un bouclier face à l’Allemagne et de préparer une contre-offensive. La frontière belge apparaît comme la ligne de résistance ainsi que la Meuse sur laquelle, d’ailleurs, les forces françaises résistent avec efficacité tout comme elles le font à Saint Quentin les 28 et 29 août (10ème corps allemand défait par l’armée Lanrezac). Chacun compte sur le rouleau compresseur russe et sur le général Galliéni, nommé gouverneur de Paris, et qui constitue une nouvelle armée autour de la capitale. Sur mer, les combats se font plus nombreux à l’instar de la bataille d’Heligoland où les Allemandes perdent deux croiseurs et deux contre-torpilleurs.
Pourtant, du 29 au 31 août, la retraite continue dans le nord de la France sous la poussée du général Von Kluck et Paris est l’objet de la première attaque aérienne (un avion ennemi lâche 3 bombes). Les Russes subissent une cuisante défaite à Tannenberg après que le général von Hindenburg ait concentré des forces, dans le grand secret, grâce à un réseau de voies ferrées très efficace.
En France, des voix s’élèvent pour contester les choix opératifs avec, en ligne de mire, un front d’attaque estimé trop large empêchant ainsi la concentration des efforts en Belgique. Des officiers avaient pourtant critiqué le plan XVII dès sa conception mais ils s’étaient vus ostracisés par le grand quartier général voire accusés de défaitisme.
Tous les espoirs reposent alors sur la capacité des combattants français à garder le moral pour repasser à l’offensive.
 
Prochain épisode : septembre 1914.
 
Frédéric Jordan
 
source image : Hérodote.net.

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