Bienvenue sur l'écho du champ de bataille

« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

mercredi 2 décembre 2015

2 décembre, Austerlitz, 2 S pour les Saint-cyriens, plus qu’une date, des symboles pertinents hier et aujourd'hui.


Aujourd’hui 2 décembre 2015 est commémoré le 210ème anniversaire de la bataille d’Austerlitz qui a bien évidemment une portée particulière pour l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr dont la création, en 1802, est l’œuvre de Napoléon Bonaparte et dont le premier mort pour la France le fut lors des combats aux pieds du plateau de Pratzen.
Mais au-delà de cette évocation historique et de ces traditions très importantes pour les officiers issus de cette école, Austerlitz demeure dans la mémoire collective des Français et dans les fondements de l’histoire militaire un symbole, une référence, une certaine idée de la France, un esprit qui transcende les époques.

La bataille d’Austerlitz marque tout d’abord l’apogée de l’épopée napoléonienne, avec un empereur qui, après un an de sacre, est parvenu à faire la synthèse entre l’héritage de l’ancien régime, l’élan de la Révolution française, les acquis du passé et les progrès de son époque. Il redonne à la France sa place sur l’échiquier européen, poursuit la diffusion des valeurs portées après 1789, Liberté, Egalité, Fraternité, sur les champs de bataille de l’armée d’Italie, de celle du Rhin ou dans les sables d’Egypte. Si ses victoires sont gagnées, selon l’expression consacrée « avec les pieds de ses soldats », il inspire également aux Français de la grandeur, une fierté, une « résilience » (pour utiliser un terme contemporain) après une quinzaine d’années mouvementée et difficile faite de guerres, de combats fratricides, d’instabilité politique et de difficultés économiques.  Ce regard est partagé par l'historien Jean-Claude Damamme qui, dans son livre "Les soldats de la Grande Armée", en 2008 écrit : « Pourquoi ces centaines de milliers d'hommes ont-ils souffert tant de maux, enduré tant de privations, consenti tant de sacrifices dont le sacrifice suprême ? Et si c'était simplement, avance le capitaine Paulin (officier français de l'époque), parce que l'Empereur avait tellement grandi le nom français. (...) Ces centaines de milliers d'hommes, Napoléon les a fait souffrir, comme aucun autre souverain, avant lui, n'avait osé le faire. Il a usé, abusé de leur patience, de leur abnégation. Il les a conduit au feu, au fer, en enfer. Mais il en a fait des vainqueurs. » Après l’abdication son souvenir ne fera que croître jusqu’au retour de ses cendres en 1840 et l’aménagement de son tombeau aux Invalides. Car, plus qu’un chef militaire il symbolise aussi l’esprit d’innovation technique, administrative ou industrielle de la France, qualité qui reste encore une des forces de notre pays aujourd’hui. Il suffit de lire les 10 bas-reliefs qui entourent le sarcophage de l’Empereur pour mesurer l’ampleur de la tâche : canaux, forts, routes, code civil, écoles, ordre de la Légion d’honneur, recherche, … Le 2 décembre symbolise donc une certaine idée de la France.
 
 
 
Pour les militaires, la bataille d’Austerlitz est aussi un repère important dans l’histoire militaire car elle demeure une victoire quasi-parfaite face à deux autres armées impériales austro-russes, réputées plus aguerries et surtout numériquement plus fortes. Les pertes françaises seront minimes au regard de la débâcle adverse comme le relate Tolstoï dans son ouvrage « Guerre et paix ». La manœuvre napoléonienne sera longtemps la référence tactico-opérative des armées, y compris au moment de la première guerre mondiale où les officiers commentent les combats (à l’instar de ce que vous pouvez lire dans les articles de notre blog consacrés à la Grande Guerre vue par le lieutenant-colonel Rousset). Les principes mise en œuvre par Bonaparte puis par Napoléon sont illustrés le 2 décembre 1815 au travers des modes d’action que sont la mobilité, la surprise, la saisie des opportunités, le combat interarmes et les principes de concentration des efforts et de liberté d’action. L’Empereur, par son génie militaire, a fait la synthèse des campagnes antiques, de celles de Frédéric II de Prusse, de César ou des penseurs comme Végèce, Folard et le comte de Guibert. Même s’il n’a jamais rédigé formellement sa conception de la guerre ainsi que son sens inné du combat, transparaissent dans les écrits de Clausewitz à De Gaulle en passant par Jomini, Lewal voire de Moltke avec l’énoncé des principes de lignes d’opération, la plus-value des appuis comme l’artillerie, l’association du feu et du mouvement, la recherche du centre de gravité adverse, la saisie de l’instant crucial (évènement où tout bascule) mais aussi le « shaping » (modelage) du champ de bataille.


 
Pour conclure, cette date du 2 décembre, cette bataille d’Austerlitz si chère aux Saint-cyriens, dépasse largement le cercle de quelques officiers, il donne de la résonnance à notre histoire militaire, à notre outil de combat et surtout, il aiguise le nécessaire sentiment de grandeur et de fierté qui doit animer une belle nation comme la France, en particulier quand elle est touchée sur son sol et alors que toutes les énergies doivent tendre vers une cohésion nationale renouvelée.

1 commentaire:

  1. Je me permets de rajouter que Foch, alors professeur à la toute jeune Ecole de Guerre en 1892 (?), s'est appuyé sur les campagnes napoléonnienne pour édicter les 3 règles fondamentales de la guerre.

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