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vendredi 29 avril 2016

Mission militaire française au Hedjaz 1916-1920 : des hommes d’exception.


 
Comme nous l’avons vu précédemment, la mission militaire française au Hedjaz de 1916 à 1920 ne va concerner que des effectifs réduits et ce, au regard des masses déployées en France par exemple. Pourtant, les cadres qui vont être plongés dans cette épopée militaire avec des conditions d’engagement d’une grande difficulté vont être les vrais acteurs du succès des opérations menées face aux Ottomans. Encadrant principalement des unités issues d’Afrique du Nord et composés de soldats algériens, marocains ou tunisiens, ces officiers et sous-officiers sont pour certains musulmans ou, pour d’autres iront jusqu’à se convertir à l’Islam pendant la mission. Certains d’entre eux ont été oubliés malgré leur héroïsme, leur sens de l’adaptation, leur faculté d’intégration auprès des troupes chériféennes et malgré leur grande intelligence tactique. Je vais donc m’attarder sur les personnalités et carrières de certains d’entre eux afin de saluer leur mémoire et saluer leurs qualités comme leurs parcours atypiques.
 

Pour commencer, il est indispensable d’aborder le chef de la mission militaire, le colonel Edouard Brémond. Né en 1868 à Paris, il entre à Saint-Cyr en 1888 et en sort 22ème au classement de sa promotion. Il rejoint le 1er RTA avec lequel il fera la difficile campagne de Madagascar avant de revenir en Algérie où il servira 17 ans. Breveté de l’Ecole supérieur de guerre et chevalier de la Légion d’honneur en 1901, il est affecté au Maroc où il forme le 7ème Tabor de police des ports de Rabat. En 1909, il est le chef de la mission militaire du Maroc et, en 1911 il conduit des opérations face à la tribu Cherada en révolte. Ses faits d’armes lui valent d’être nommé grand officier de la Légion d’honneur puis de devenir officier de renseignement à Meknès. Au début de la première guerre mondiale, il commande u  régiment d’infanterie au feu, il est cité et blessé. Il devient alors sous-chef d’état-major du 35ème corps d’armée. Il est ensuite mis à la tête de la mission au Hedjaz de 1916 à fin 1917, date à laquelle Paris est contraint de le rappeler en France devant les critiques des Britanniques qui voient en lui un concurrent trop brillant au détachement conduit par T.E Lawrence. C’est un praticien de la guerre qui a le souci du détail et une grande culture générale. Arabisant, il écrira plusieurs ouvrages : « Le Hedjaz dans la guerre mondiale » (préfacé par le maréchal Franchet d’Esperey) mais aussi « Les conseils pratiques pour les cadres de l’armée métropolitaine appelés à servir en Afrique ou au levant » où il aborde, avec anticipation pour son époque tous les paramètres sociaux, familiaux et humains tout en insistant sur la nécessité de s’approprier la culture du pays où le militaire sert. Enfin, il rédigera « L’Islam et les questions musulmanes au point de vue français » dans un souci de réflexions sur les problématiques d’intégration culturelle. C’est l’anti-Lawrence d’Arabie tant dans la pensée que dans l’action militaire. Il souffrira également d’une différence de perception avec le GQG en France et le gouvernement, ce dernier ne l’informant, par exemple, des accords Sykes-Picot que 5 mois après leur signature.
Sous ses ordres, de nombreux cadres aux parcours divers l’accompagnent au Hedjaz.
Il y a le lieutenant-colonel Cadi, le premier algérien polytechnicien à 22 ans qui devient artilleur. Combattant sur le front occidental, musulman, né en 1867, il reçoit la Légion d‘honneur en 1915 pour son action au sein du 15ème RA. Il est un vrai atout pour Brémond comme officier de liaison auprès du Chérif Hussein à La Mecque. Auteur, il écrira « Voyage en Terre d’Islam » où il fait la synthèse du Coran et du modernisme et démontre l’attachement des musulmans français à la République.
On trouve également le capitaine Mohamed Ould Ali Raho, officier des Spahis algériens, qui s’illustrera notamment lors du siège de Médine ou de la gare d’Aba el Naam. Il suivra l’émir Abdallah avec ses hommes tout au long de la campagne et sera tué en 1919 en défendant le bivouac chériféen à Tarabah face à un raid des troupes d’Ibn Seoud. Une tombe non identifiée retrouvée sur place il y a quelques années pourrait être la sienne. Il faut également citer le capitaine Depui, les lieutenants Zémori, Bendjenat et Kernag, l’adjudant-chef Chatelain, l’adjudant Lamotte et l’adjudant Trabelsi , les sergent Azoug et Metery, le maréchal des logis Prost ou le caporal Matte sans oublier les capitaines médecin Montero et Fournier.
D’autres figures, hautes en couleurs, font montre d’un grand professionnalisme, dans les actions de sabotage comme dans l’appui feu (mitrailleuses ou canons) des troupes arabes. C’est le cas du lieutenant Sid Mohamed Lalhou qui commandait, avant cette opération, l’infanterie de la garde noire du Sultan du Maroc et qui accepte de servir en Arabie. Avec son détachement et des soldats de l’émir Ali, il prend la garnison de Bir derouich en tuant 125 Turcs et en en faisant 17 prisonniers (ses propres pertes : 2 tués et 10 blessés seulement). Mais c’est le capitaine Pisani qui, encore aujourd’hui, en Jordanie notamment, fait figure de héros. Né à La Calle en Algérie en 1880, il est d’origine maltaise. Il s’engage au 3ème bataillon d’artillerie à pieds en 1901. En 1907, il rejoint en qualité de maréchal des logis le 7ème Tabor marocain (sous les ordres d’un certain capitaine Brémond) puis est affecté en 1909 à la mission militaire française au Maroc. Adjudant, il se bat sous les murs de Fez en 1911 et il est nommé sous-lieutenant et chevalier de la Légion d’honneur en 1913. Lieutenant en 1914, il se bat en France avant de rejoindre le Hedjaz où il sera le conseiller militaire français de l’émir Fayçal. Ce dernier aura beaucoup d’estime pour lui et réclamera sa présence à ses côtés lors de la conférence de la paix en 1920. Après la guerre il rejoint le Maroc et termine sa carrière comme commandant en 1928 avant de mourir à Fès en 1951. C’est un tacticien hors pair qui est admiré par ses hommes qui l’appellent Abu Tlatah (le père 3 galons) mais aussi par les généraux arabes comme Nouri Said et par T.E Lawrence (qui le cite dans son livre « Les sept piliers de la sagesse »). Il mène de nombreuses actions victorieuses qui lui valent la « Military Cross » britannique et met au point la technique de sabotage du « repiquage de tulipes » sur laquelle nous reviendrons. Son bilan en 1917 est élogieux puisqu’il  capture 2 trains ottomans, tue ou blesse 550 soldats turcs et fait 1000 prisonniers.
Il conduit ensuite le détachement français de 146 hommes pour le raid engagés d’Aqaba à Damas en septembre-octobre 1918, parcourant plus de 1000 km d désert avec sa colonne. Cette dernière est composée d’une antenne médicale, d’une batterie d’artillerie, d’une section de mitrailleuses, d’une équipe de transmissions (téléphonie et TSF), d’une section de génie, d’une section de tirailleurs (sergent Belgacem), d’un four de campagne, de 2000 coups par canon, de 30 000 cartouches et de 3 mois de fourrage. La seule section génie dispose de 110 chameaux pour la mission. Le 26 septembre 1918, alors qu’il assure avec ses hommes et quelques centaines de combattants arabes la flanc garde de l’armée de Fayçal, il arrive à disperser 8000 Turcs qui se replient d’Amman en utilisant ses canons de 65mm pour faire croire qu’il dispose d’une puissance de feu bien supérieure à la réalité. Il rentrera en vainqueur avec ses hommes dans Damas le 30 octobre 1918.
Si ces hommes se battent sur le terrain, d’autres participent à l’effort avec efficacité en formant  les troupes locales comme le lieutenant Mustapha Issad à l’école des sous-officiers de La Mecque ou le commandant Romieu qui instruit à Chypre la « Légion d’Orient » (Arméniens, Syriens et Chrétiens du Levant et de Cilicie).
Il faut donc saluer l’engagement de ces hommes pour beaucoup issus des unités coloniales, d’origine européenne ou maghrébine, chrétiens, athées ou musulmans mais tous au service de la France. Nombre d’entre eux retourneront après-guerre en Afrique du Nord.
Pour conclure, le meilleur hommage à ces soldats, français, tirailleurs, tabors, fantassins, artilleurs ou spahis, de tous grades, se trouve dans la lettre de l’ambassadeur britannique au Caire Sir Wingate, qui est transmise à Paris pour remercier la France de son appui dans le Hedjaz : « Au colonel Brémond, aux officiers français et musulmans, sous-officiers et hommes de troupe composant le détachement franco-algérien, le plus vibrant hommage doit être rendu (…) Leur efficcacité, leur collaboration amicale et leur bonne volonté ainsi que leur débrouillardise dans la difficulté et dans les conditions de service et de climat les plus pénibles qui soient, ont toujours largement contribué au succès des opérations combinées auxquelles ils ont pris une part très valeureuse et remarquable ».
Ils s’inscrivent donc dans la continuité des armées françaises, de leur histoire et des engagements d’hier et d’aujourd’hui.

2 commentaires:

  1. I am making a research about the french mission in Hedjaz 1916 1920 , & I want to know about the troops location in Hedjaz cites & their numbers & the period that they stay, help me please if you have these information.
    Thanks
    Khalid Ali

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  2. Je fais une recherche sur la mission française en Hedjaz 1916 1920, et je veux savoir sur l'emplacement des troupes en Hedjaz cite et leur nombre et la période pendant laquelle ils restent, aidez-moi s'il vous plaît si vous avez ces informations.
    Merci
    Khalid Ali

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