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dimanche 6 novembre 2016

Les premières semaines de la guerre de Corée : les enseignements tactiques d'un conflit conventionnel. Fin


Comme nous l'avons vu sous le regard de Robert Leckie, les premières semaines, voire même les premiers mois du conflit coréen sont d'une grande richesse en termes d'enseignements tactiques. Ainsi, après les difficiles manœuvres de freinage engagées après l'offensive nord-coréenne, les troupes américaines ont permis aux divisions ROK de se réorganiser au sein de la très fragile poche de Pusan. Face au rideau US de plus en plus dense sur cette ligne de défense, les troupes de Pyong Yang se sont épuisées et ont vu leur capacité de combat largement réduite. Mac Arthur décide alors de planifier une opération amphibie d'envergure dans la région d'Inchon considérant, comme il le dit lui-même : "l'histoire militaire démontre que neuf fois sur dix les armées sont détruites quand leurs lignes de ravitaillement sont coupées. Toutes les munitions de l'ennemi, comme tout son matériel, passent par Séoul." 

Dès lors, la 1ère division de Marines voit ses effectifs passer en deux mois de 7789 hommes à 26 000 soldats avec la mission de réussir le difficile débarquement envisagé. En effet, nombreux sont les officiers, dont le général Bradley, qui pensent que cette action amphibie est une erreur et va à l'encontre de tous les principes tactiques. Dans ce cadre, le commander Monroe Kelly estima que : "si on établit une liste des choses à ne pas faire dans une opération amphibie, on obtient une description exacte de l'opération d'Inchon. Un bon nombre d'entre nous, officiers d'état-major, estimait que, si l'opération d'Inchon était un succès, il nous faudrait refaire toute la théorie des opérations amphibies." En effet, les péniches avaient de grandes chances de s'enliser sur les hauts fonds, les marées étaient très contraignantes (3 dates possibles uniquement), le port était peut-être miné, les quais dans un état de délabrement important et enfin le chenal était très étroit empêchant aux navires de faire demi-tour. Le 13 septembre 1950, la presqu'île de Wolmi-do protégeant l'entrée du port fut pilonnée par les lourds navires de guerre des Nations-Unies. Le 14 septembre matin, l'assaut amphibie fut lancé sur trois plages (Rouge, verte et bleue) et remporte ses premiers succès. Les Marines avancent rapidement et, le 16 septembre, la tête de pont est largement sécurisée pour permettre de s'enfoncer sur les arrières nord coréennes selon trois axes : vers Yongdungpo, vers Séoul et vers Suwon. Parallèlement, la 8ème armée lance son offensive, dès le 16, à partir du périmètre de Pusan afin de prendre en étau l'ennemi. Ce dernier, cependant, tint bon et résista faisant douter Mac Arthur des effets de son plan. Heureusement, dès le 19, des signes avant-coureurs de l'effondrement communiste  apparurent :"nous n'avons encore constaté aucune brisure nette. Ils perdent de l'agressivité, mais il n'y a pas encore de recul suffisamment net pour que nous puissions le transformer en fuite". En réalité, les unités nord-coréennes sont épuisées, manquent d'équipements et n'arrivent plus à compenser leurs lourdes pertes (il ne reste que 30% des hommes engagés initialement dans la guerre). La retraite est inévitable et le repli devient déroute avec, notamment, le 28 septembre, la libération de Séoul. Le président Truman télégraphia à son corps expéditionnaire: "Peu d'opérations dans l'histoire militaire peuvent être comparées d'abord à l'action de retardement pendant laquelle vous avez cédé du terrain pour gagner ainsi le temps qui vous était nécessaire à constituer vos forces, et ensuite à la brillante manœuvre qui a permis d'aboutir à la libération de Séoul". Cette citation synthétise assez bien les enseignements tactiques des premiers mois de cette campagne si particulière et si subite. Comme je l'ai détaillé dans ces trois articles, l'importance de la coopération interarmes et interarmées permet de compenser un rapport de force défavorable même si, rapidement, une force terrestre doit disposer de capacités d'appui feux importants (artillerie) mais aussi de groupements blindés. La saisie ou la défense de points clés du terrain sont des atouts pour freiner l'adversaire, pour briser son élan et pour gagner les délais nécessaires à l'arrivée de renforts. La bascule d'effort tactique ou opérative créé des opportunités et prive l'ennemi d'initiative ou de moments de répit. Enfin, une poche de défense, même réduite, si elle dispose d'un cordon ombilical logistique efficace vers l'arrière, peut rapidement devenir inexpugnable. Enfin, l'expérience du combat, l'aguerrissement, la volonté de vaincre doivent être cultivés avant l'engagement au risque de voir les forces morales insuffisantes pour dépasser la surprise ou la foudroyance d'une attaque.
Malheureusement, les troupes de l'ONU vont croire la partie gagnée et vont négliger la réaction chinoise. Pékin va engager dès le début octobre 320 000 soldats. ces derniers allaient submerger les troupes alliées et ROK qui devront combattre également les effets du milieu (froid, montagne, neige). Les affrontements meurtriers qui dureront jusqu'en 1953 démontreront que la masse et l'agilité tactique sont impératifs face à la multitude ennemie et à son endoctrinement... 

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