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mardi 18 octobre 2011

Débat : le best-seller des Wargames sur la seconde guerre mondiale, « Mémoire 44 » est-il un outil efficace pour l’apprentissage de la tactique ? (Fin)


Avant de mettre un terme à cette série de « posts » consacrée au jeu « Mémoire 44 », et afin de répondre au dernier commentaire publié par un lecteur concernant la formalisation voire l’illustration des principes de la guerre ou de la tactique au travers du Wargame, je souhaitais évoquer une récente publication.
Cette dernière, réalisée par un auteur de nombreux manuels de référence dans le monde des jeux, Alexis Beuve, est mise à l’honneur par les concepteurs du jeu « Mémoire 44 ». Il s’agit du « Guide tactique et stratégique » pour « Mémoire 44 ».
Cet ouvrage, remarquablement illustré par des parties et des scénarios empruntés à l’histoire militaire de la seconde guerre mondiale, concrétise, selon moi, le trait d’union, le lien ténu entre l’apprentissage de la tactique et l’approche ludique du jeu.
En effet, en introduction, l’auteur définit son approche de la tactique comme étant « l’optimisation des opérations sur le champ de bataille, la manœuvre et l’utilisation des armes à bon escient » (c'est-à-dire le propre du chef et de la science militaire) et celle de l’échelle stratégique comme « le meilleur moyen de gérer le score, la victoire à tout prix, la prise de risque ou la prise en compte du temps » (c'est-à-dire l’essence du joueur mais aussi l’art ou le style du général).
A. Beuve, comme s’il mettait en place une méthode d’élaboration de décision opérationnelle, décrit de quelle façon lire la carte et le terrain (couloirs de pénétration appelés « zones d’influence », obstacles, zones urbaines…), comment  analyser le dispositif ennemi, ses forces et ses faiblesses mais aussi rechercher un mode d’action le plus efficace possible avec les moyens dont on dispose. En déroulant des parties comme la percée de Sedan, l’assaut d’Iwo Jima ou le débarquement de Sword Beach, l’auteur montre l’importance, en conduite, des appréciations de situation à chaque tour et des choix du joueur, décisions qui conditionneront l’issue d’un combat ou la prise d’un objectif plus tard dans le jeu. Il en va de même des cartes « action » de chaque joueur qui sont autant d’opportunités ou de risques à prendre.
Le bilan des parties demeure en outre un outil précieux car il est comparé systématiquement avec les faits réels de chaque bataille afin d’en tirer des enseignements.
Enfin, il est surprenant de constater que l’auteur choisit une structure « asiatique » pour enseigner les principes à respecter ou à connaître. Ils sont nommés « proverbes pour mieux jouer » et sont autant de maximes qui évoquent les écrits de Sun Tsu ou encore le recueil des 36 stratagèmes chinois. On voit donc apparaitre des phrases comme « Il faut garder l’esprit troupier » pour inciter le joueur à utiliser son infanterie, ou également « les blindés sonnent toujours deux fois » pour rappeler que les unités de chars ont la capacité d’exploiter dans la profondeur voire, pour finir, « attaquez l’artillerie adverse avant les assauts d’infanterie ou jamais »  pour souligner la force d’attrition des appuis en amont de l’action.
Cet article clôt ainsi, pour le moment, la série de « posts » relatifs à « Mémoire 44 » mais je pourrai bien sûr répondre à vos commentaires sur le sujet tout comme aux développements futurs que vous souhaiteriez mettre en ligne.

2 commentaires:

  1. "Memoir'44" est un jeu assez simple permettant à un public large d'avoir un aperçu ludique de batailles de la 2e Guerre mondiale. Cependant, il me semble vraiment exagéré d'essayer d'en faire le support d'un apprentissage de principes tactiques ou stratégiques.

    Son parti pris "grand public" et la très grande simplicité des mécanismes que cela implique nuisent en effet clairement à la précision de la représentation des situations et du déroulement des affrontements. La multiplicité des facteurs qui influent sur le combat, notamment de niveau tactique, étant très difficile à restituer avec des mécanismes simples, les concepteurs du jeu ont visiblement choisi de les remplacer par le hasard, pourvoyeur facile de chaos, de "brouillard" de la guerre. D'où un tirage aléatoire de cartes d'action et des combats qui peuvent presque toujours être perdus ou gagnés sur 1 ou 2 jets de dés. Or il me semble difficile de tirer des leçons d'un hasard aussi massivement présent, en dehors de règles basiques et de bon sens du style : "Ne faites pas se promener votre infanterie à découvert dans les champs sous le nez des chars de l'ennemi"
    Enfin, pour un jeu qui se présente comme une évocation historique, il manque précisément, à mon sens, de détails historiques qui permettraient de donner une base solide à la compréhension de la situation, ou à défaut à des recherches historiques plus approfondies. Or, les scénarios que j'ai pu voir ne précisent jamais ni l'échelle du terrain ni la taille des unités représentées. Un examen rapide des scenarios laisse cependant supposer qu'un hexagone de terrain représente, selon le cas, de quelques dizaines de mètres à une dizaine de km. Quant aux unités, elles représentent entre une compagnie et une brigade... Je veux bien croire au côté universel des principes tactiques, mais un tel niveau d'abstraction réduit énormément, je trouve, l'enseignement éventuellement fourni par la représentation que fait le jeu de la situation historique.

    Tout cela n'enlève cependant rien à la qualité principale du jeu, selon moi : grâce à un support séduisant et facile d'accès, donner envie à une enfant ou un adulte d'approfondir ses connaissances sur l'histoire de la 2e Guerre mondiale, soit au moyen de lectures, soit en se lançant dans une simulation historique plus précise (cf le magazine francophone VaeVictis, qui décrit entre autres les nombreux wargames publiés chaque année sur ce thème).

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  2. Ma connaissance du jeu est encore rudimentaire, je ne fais qu'accompagner mon fils qui, lui, semble déjà très bien en maîtriser les règles. Il me semble cependant, pour répondre au commentaire précédent, que ce jeu permet d'exercer la réflexion tactique. Bien entendu, il ne peut prétendre dépasser les limites de tout système de simulation. Soit dit en passant, le système en place dans l'armée de Terre a beau prendre en compte une foule de paramètres, les joueurs le trouve toujours trop loin de la réalité du combat, que tous connaissent sans doute parfaitement.
    Quel est dès lors l'intérêt de ce jeu pour la formation tactique ? Permettre à un faible coût tant en argent qu'en temps, de raisonner des problèmes simples et d'observer, au-delà de la discussion de comptoir, le résultat de la confrontation. Ce n'est tout de même pas rien, de pouvoir s'entraîner à la confrontation des volontés...

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