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mardi 4 mars 2014

Guerre irrégulière : relire Erckmann-Chatrian



Chacun connaît l'action des forces irrégulières que rencontra Napoléon lors de ses campagnes, en Espagne bien sûr, mais aussi au Tyrol ou en Russie avec les célèbres cosaques qui harcelaient la Grande Armée en déroute. En revanche, on cite assez peu souvent les corps francs français qui se constituèrent en 1813-1814 pour faire face à la poussée des armées coalisées (Prussiens, Russes, Suédois, Saxons,...) en France et ce, de la Picardie à la Bourgogne.
En 1862, deux auteurs passionnés d'histoire et chroniqueurs de l'épopée napoléonienne, écrivent, sous le nom d'Erckmann-Chatrian, un livre, à la fois historique et romanesque, pour rendre hommage à ces combattants qui tentèrent d'arrêter les envahisseurs étrangers dans les Vosges : "L'invasion ou le fou Yégof".

Cette uchronie met en avant l'état d'esprit de la population rurale et montagnarde française de l'est de la France alors que l'Empereur tente de rassembler son armée pour les batailles célèbres qu'il mènera avec ses "Marie-Louise" (jeunes conscrits inexpérimentés) jusqu'à la chute de Paris. Les auteurs peignent une société de paysans et de contrebandiers au patriotisme chevillé au corps, rude à la tâches, unie par une  saine cohésion et portée par un sens de l'honneur intact.
Alors qu'ils voient passer les troupes impériales en retraite (dont certains enfants du pays) à la fin de l'année 1813, les Vosgiens de la région des Charmes décident  alors d'arrêter les troupes prusso-russes qui cherchent à suivre la route de la capitale au travers des montagnes enneigées. Ces combattants de circonstance se rassemblent donc avec leurs fusils (et les munitions cachées pour le commerce de contrebande), désignent les chefs, créent des réserves avec quelques détachements mobiles à cheval et s'appuient sur les vétérans de la Grande Armée pour préparer leurs défenses. Ils s'emparent des points clés comme le col du Donon (qui sera d'ailleurs l'objet d'acres combats en 1914) et ils y positionnent des abatis qu'ils valorisent grâce à des tranchées creusées à même la neige et la glace.
Alors que les régiments coalisés tentent de franchir les axes de pénétration, les irréguliers, forts de leur connaissance du terrain, parviennent, malgré les pertes, à tenir en respect leurs ennemis. S'infiltrant à travers bois et vallons, ils réussissent également à s'emparer des canons qui menaçaient leurs points d'appui. Malheureusement, ils sont trahis par un marginal, le fou Yégof, qui connaît parfaitement la région et permet aux cavaliers russes et aux fantassins prussiens de bousculer le corps franc. Ce dernier devra se rassembler dans les ruines d'un château médiéval, le Falkenstein, pour y subir un siège avant d'être libéré par un régiment d'infanterie impérial  venu de la forteresse de Phalsbourg.
Cette fresque plaisante à lire est un bel hommage à ces combattants méconnus qui portent avec eux l'étincelle de la Révolution française et du premier Empire. L'ouvrage démontre également qu'une force réduite, et mal armée, peut, en s'appuyant sur le terrain, devenir un défi pour des unités régulières moins mobiles et contraintes par leur logistique ou leur tactique conventionnelle.
A relire absolument.
 

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