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mercredi 11 novembre 2015

La première guerre mondiale au jour le jour : novembre 1915.

 
Aujourd'hui, nous commémorons le 97ème anniversaire de l'Armistice, occasion de revenir vers les écrits du lieutenant-colonel Rousset, ancien professeur de tactique à l'Ecole supérieure de guerre et commentateur du premier conflit mondial de 1914 à 1918. Son journal nous apporte ainsi les enseignements, les perceptions et le détails des opérations d'un contemporain averti.
Le 2 novembre 1915, les Allemands relancent leurs offensives en Artois et en Champagne notamment sur la butte de Tahure qui reste allemande mais où les combats sont furieux avec l'emploi de gaz et d'appui feux importants. Les Britanniques reçoivent le général Joffre afin de mettre en place un plan capable d'éviter l'écrasement de la Serbie d'autant que les Bulgares n'ont pas encore fait leur jonction avec les troupes allemandes.
En France, un nouveau gouvernement dirigé par Aristide Briand se met en place en déclarant que "la France ne s'arrêtera dans la lutte que lorsque l'ennemi aura été réduit à l'impuissance".

Les 4 et 5 novembre, dans la région de Krivolak sur le front oriental, l'armée française du général Sarrail tente de soutenir son allié serbe en repoussant les Bulgares grâce à la supériorité de l'artillerie. Sur mer, des sous-marins allemands réussissent à franchir le détroit de Gibraltar et coulent 3 vapeurs français, un croiseur britannique et un navire italien au large d'Arzew ou d'Alger alors que la situation au large des Dardanelles reste dramatique (perte du sous-marin français Turquoise).
En Russie, les pertes subies par la Marine allemande en Baltique oblige le maréchal Hindenburg à concentrer ses efforts, non pas à conduire une action de rupture sur la Dvina, mais à bâtir des lignes de chemin de fer pour assurer son ravitaillement.
Notre témoin rappelle ensuite, sans objectivité aucune, les qualités de l'infanterie française, les faiblesses de celle de Berlin mais surtout les armes insidieuses que sont les mitrailleuses et les fils barbelés : "les Allemands, dont l'ingéniosité satanique s'exerce si largement dans les procédés de destruction, ont atteint là une maîtrise incontestable, qui compense l'infériorité morale, professionnelle et peut-être même numérique de leurs troupes". Pour vaincre ces réseaux de barbelés, il compte sur la puissance des feux d'artillerie qui deviendra, avec le temps, le pivot des armées françaises du premier conflit mondial.
Le 7 novembre, les Serbes arrêtent les Bulgares près de Velès et Prilep (région montagneuse ne disposant que de défilés étroits) sur la route de Monastir et ce, grâce à l'action de flanc franco-britannique. Intéressant, le récit officiel détaille la manœuvre française qui tranche largement avec la guerre de position du front occidental. on y voir des sections serbes jalonner l'ennemi, des reconnaissances de nuit pour cerner le dispositif adverse, une utilisation tactique du terrain, des actions d'enveloppement, des franchissements de coupures humides comme un emploi combiné des fantassins et de la cavalerie. Les Bulgares perdent 4000 hommes devant les forces françaises aguerries.
 Le 11 novembre, les hostilités reprennent sur le front russe où l'armée von Below est repoussée après avoir atteint une ligne à 35km de Riga. Le ministre anglais Balfour estime quant à lui que les Allemands vont entrer dans une phase de reflux preuve de leur affaiblissement progressif. A Paris, la chambre des députés vote l'émission d'un nouvel emprunt car c'est aussi sur le front économique que va se gagner la guerre : "qu'elle se lève l'armée de l'épargne française ! Comme celle qui est au front, elle constitue l'armée de la France, et nous aidera à vaincre " (monsieur Ribot, ministre des finances). Le général Gallieni, le 12 novembre, diffuse une circulaire en qualité de ministre de la guerre. Il exige travail et mouvement de la part des fonctionnaires et militaires (comparés à un mandarinat) de ses services qu'il accuse de manque d'imagination, d'inertie, d'absence d'initiative et de zèle administratif.
Les 13 et 14 novembre, en Belgique, à Boesinghe, le duel d'artillerie permet de faire taire les canons de Berlin alors que les Italiens s'emparent, dans des conditions plus que difficiles, des cols et des sommets près de Lama et du Mont Sief. Ils subissent également de lourdes pertes sur les rives de l'Isonzo. L'armée russe annonce avoir capturé 50 000 soldats allemands dont 674 officiers ainsi que 21 canons et, en Lorraine le président Poincaré visite les troupes afin d'inspecter les infrastructures défensives mises en place avant l'hiver. Le président distribue également pour la première fois des drapeaux aux nouvelles unités de l'aviation et surtout de l'aérostation, subdivision d'arme qui en était dépourvue jusqu'à présent. Le 18 novembre le front serbe s'effondre à nouveau au sud de la Morova et les combattants refluent dans la vallée de l'Ibar vers Mitrovica en espérant que la route de Pristina ne sera pas coupée par les Bulgares. 
Fin novembre la situation sur les fronts secondaires devient critique. En en Mésopotamie, les Anglais du général Townsend ne sont plus qu'à 30 km de Bagdad et attaquent le dernier point d'appui turc à Ctésiphon sur les rives du Tigre. Mais les Britanniques, trop confiants se heurtent à une puissante résistance perdant 4500 hommes et 133 officiers.  Les Allemands prennent Pristina le 25 novembre poussant à la retraite les lambeaux de l'armée serbe ainsi que le roi Pierre qui se réfugient dans les montagnes du Monténégro. Le petit allié s'engage à résister. Le général Sarrail doit reculer et réarticuler son dispositif sur la rive gauche de la rivière Tcherna alors qu'il avait acquis des gains territoriaux substantiels. L'approche indirecte engagée par les Allemands et leurs alliés sur des fronts secondaires semble porter ses fruits contrairement à la perception française qui voyait par là un affaiblissement de l'ennemi. Le combat s'annonce encore long...
A suivre...

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