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samedi 10 septembre 2016

La première guerre mondiale au jour le jour : été 1916.


En ce centenaire du premier conflit mondial, nous retrouvons le témoignage du lieutenant-colonel Rousset, contemporain de cette guerre et ancien professeur de tactique à l'Ecole supérieure de guerre. Il commente à chaud les combats de tous les théâtres d'opérations avec le regard aiguisé, quoique pas toujours objectif, du spécialiste de la polémologie.
Il nous décrit les combats de l'été 1916.
Les 3 et 4 juin 1916, les Allemands poursuivent leur poussée vers le fort de Vaux et multiplient les assauts sur cet ouvrage malgré les pertes que leur infligent l'artillerie et les mitrailleuses françaises. Les hommes du commandant Raynal résistent toujours malgré les bombardements puissants :"depuis la soirée de samedi jusqu'à la matinée de lundi, les attaques n'ont pour ainsi dire pas cessé et leur violence est toujours allée en s'accentuant. Cette tuerie a quelque chose d'infernal. Quant au courage de nos soldats, il est toujours égal à lui-même, c'est-à-dire supérieur au plus haut. Quel spectacle que celui de la petite garnison du fort, résistant à tous les assauts, défiant les jets de liquides enflammés et gardant fièrement des ruines qui ne peuvent même plus l'abriter..." 

Cet épisode illustre parfaitement la lutte des forces morales et des volontés que représente depuis plusieurs mois la bataille de Verdun. Malheureusement, le 7 juin, le fort est pris par les Allemands qui rendent les honneurs à une troupe française exténuée. En parallèle, l'offensive allemande se poursuit sur la rive droite de la Meuse dans la région de Thiaumont et sur la rive gauche autour de la côte 304. Sur le front russe, l'offensive du général Broussilov se poursuit et semble se développer dans de bonnes conditions sur les berges de la Styr et de la Strypa. Les Autrichiens sont bousculés et, le 11 juin, ont reculé de 30 km sur un front de 160 km perdant 150 000 hommes blessés, tués ou prisonniers. L'Allemagne manque de réserves stratégiques mais doit trouver une option pour secourir son allié de Vienne. Jusqu'au 21 juin, si les armées du Tsar semblent avoir renouer avec la guerre de mouvement, à Verdun ce ne sont qu'attaques et contre-attaques, bombardements et coups de main, L'aviation allemande bombarde les arrières françaises et les avions de Paris ripostent à leur tour, à Bar-Le Duc, Toul, Mulheim et Trèves. Le 22 juin, le cherif de la Mecque annonce l'indépendance des tribus arabes, déclenchant contre les Ottomans la révolte qui sera soutenue par les troupes françaises du colonel Brémond et britanniques de Lawrence d'Arabie. Le 23 juin, une nouvelle offensive d'envergure allemande est lancée à Verdun (Dampoup, Thiaumont et Fleury) avec 9 divisions après un puissant bombardement.  Ces attaques sont furieusement repoussées par les Poilus jusqu'à la fin du mois. Le 25 juin, l'artillerie lourde britannique commence ses tirs sur les positions ennemies sut out le front de Belgique et d'Artois. Il s'agit des prémices de la bataille de la Somme qui doit soulager le front de Verdun. Elle débute d'ailleurs le 1er juillet avec l'appui d'unités françaises. Les premiers jours paraissent prometteurs à l'image de la saisie de Frise, de Fricourt puis de La Boisselle. C'est une course contre la montre interthéâtres qui semble se jouer entre les belligérants de Bukhovine à Verdun en passant par l'Italie et l'orient. Mais, dès le 5 juillet, l'élan semble se ralentir après une conquête de 5 km uniquement dans la profondeur, la prise de quelques prisonniers et de pièces d'artillerie lourde. Les communiqués sont d'ailleurs évasifs : "Quant à nos amis anglais, ils ne nous donnent sur leur avance aucun renseignement topographique. Ils nous disent seulement qu'ils ont conquis un certain nombre de points importants et brisé partout les contre-attaques ennemies." Du 8 au 10 juillet, Britanniques et Français (armée Fayolle) tentent de relancer l'action malgré des conditions météorologiques déplorables (pluie, brouillard). Chaque village comme Hardecourt, Belloy en Santerre ou Trônes est conquis de haute lutte : "L'organisation des abris est si parfaite qu'il faut faire le siège de chaque maison". C'est donc un combat en zone confinée qui se joue au niveau micro tactique. Après 10 jours et 10 nuits de lutte incessante, c'est seulement 5 villages qui sont enlevés et quelques positions sur un petit front de 13 km uniquement. Malgré queqlues succès des troupes de Londres (qui espéraient même jeter dans une brèche la cavalerie indienne concentrée en second échelon), les 18 et 19 juillet, ce sont les Allemands qui reprennent l'initiative autour de la ferme de Waterlot et du bois Delville. Les Russes poursuivent, quant à eux, leur avancée victorieuse sur les Austro-Hongrois, mettant en ligne 122 divisions d'infanterie et 36 de cavalerie qui imposent leur rythme à des troupes autrichiennes en déroute (La Russie a fait, en 6 semaines, 350 000 prisonniers). Le 27 juillet, les Britanniques face à une armée allemande qui a reçu renforts et capacités d'appui feux, sont toujours bloquées devant Pozières et Longueval. A compter du mois d'août, à Verdun, les Français relancent l'offensive pour reprendre Thiaumont et Fleury le 2 août avant de débuter un combat acharné au corps à corps  jusqu'au 10 août. Après quelques succès sur la Somme et sur le front russe, l'élan des alliés semble s'émousser fin août : "l'ennemi paraît se rebiffer, un peu tardivement, je l'ai déjà dit, et d'une façon assez décousue, sous le coup de fouet de nos succès récents (...) on dirait cependant qu'après quelques moments de recueillement, les Allemands se décident partout à réagir avec une certaine énergie". Le 21 août, à leur tour, afin de soulager leur allié berlinois, les Bulgares lancent une offensive contre Salonique (450 000 hommes sous les ordres du général Sarrail). Mais ils doivent stopper dès le 23 août malgré de furieux combats dans la région du lac d'Ostrovo jusqu'à la fin du mois. Dans le même temps, la Roumanie déclare la guerre à l'Autriche, ouvrant un nouveau front au côtés des Russes. L'été 1916 n'a donc pas été le tournant de la guerre souhaité par les belligérants. En revanche, il aura montré les limites des grandes offensives telles qu'elles ont été conduites par les uns et les autres. De nouvelles tactiques sont donc envisagées à l'image des chefs qui prennent les commandes comme Broussilov et Hindenburg nommé chef d'état-major des armées allemandes (en remplacement de Falkenhayn) le 30 août 1916.

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