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samedi 24 septembre 2016

L'artillerie des avant-postes : perspectives historiques - 2ème partie.


Nous l'avons vu, en Algérie, l'artillerie des avant-postes, participe à l'action interarmes en apportant ses moyens d'acquisition mais aussi ses effets psychologiques ou "cinétiques". Au delà de ce simple exemple, dans l'histoire militaire, la puissance de feux  au plus près des unités de mêlée, sur des positions avancées, a toujours été mise en oeuvre avec efficacité. Cet emploi, tactiquement pertinent, faisait l'unanimité et entrait en cohérence avec les principes militaires majeurs de Foch (et de ses élèves) que sont la liberté d'action, la concentration des efforts, l'économie des moyens et la sûreté. Aucun chef militaire ne pouvait envisager un déploiement sans appui de bouches à feu.

Ainsi, les canons, missiles ou mortiers, prépositionnés sur les avant-postes, apparaissent formellement dans les travaux de réflexion puis de construction de Vauban et de ses prédécesseurs et ce, à l'image de la construction de ‘’tours à canons’’ qui constitue une première réponse conceptuelle pour renforcer les forteresses qui protègent les frontières du royaume. Ces tours massives, très basses, de forme circulaire ou semi circulaire afin de mieux résister aux coups ou les dévier, portent une plateforme d’artillerie à leur sommet tandis que des embrasures pour pièces légères destinées à la défense rapprochée sont ouvertes dans les niveaux inférieurs. Elles peuvent alors être isolées ou adossées à une courtine dont elles assurent le flanquement. En outre, au XVIème et au XVIIème siècle, sur le plan tactique, les troupes russes bâtissent souvent des redoutes temporaires pour appuyer la manœuvre du gros des forces comme en 1812 à Borodino face aux Français ou contre les assauts des régiments de Frédéric II pendant la guerre de 7 ans. Les Français, eux aussi prennent l'avantage sur les Anglais à Fontenoy. Comment ne pas citer également la "batterie des sans peurs" de Bonaparte à Toulon en 1793, ces avant-postes d'artillerie installés sur les collines de Saint-Laurent, du Brégaillon, des Arènes ou Dumanceau pour faire face aux positions britanniques que sont Fort Mulgrave, Saint-Côme ou Saint-Philippe. Les batteries d'artillerie en redoute ou, en avant-garde en rase campagne, seront un mode d'action des guerres napoléoniennes, de la campagne d'Italie jusqu'à la Grande batterie de Wagram en 1809 qui permet au général MacDonald d'enfoncer les lignes autrichiennes. Les guerres coloniales sont aussi riches d'exemples de ce type car un tel emploi des appuis s'adapte parfaitement aux conflits de contre-insurrection. L'ouvrage du général Benoît Royal "L'artillerie dans les guerres de contre-insurrection" (Economica) montre d'ailleurs parfaitement la diversité de l'emploi des capacités d'appui feux dans ce type de combat. Dans un autre registre, la guerre de Corée apporte des conclusions similaires face à un adversaire plus conventionnel mais bénéficiant d'un milieu difficile (relief, climat, ...). On note dans ce cadre que les détachements légers d’observations intégrés aux unités de mêlée ont permis une boucle courte entre les lanceurs et les premières lignes, souvent surprises par les assauts communistes. Les feux indirects venaient ainsi compléter les tirs à vue des canons sans recul positionnés sur les points hauts ou à flanc de colline, même si l’efficacité des tirs a pu parfois été remise en cause au regard du ratio consommation/efficacité (jusqu’à  300 000 coups tirés en 24 heures pour une division). L'apport concret de l'artillerie aux forces morales des amis (qui se sentent rassurés par un appui de proximité en cas de coup dur) mais aussi l'effet dévastateur de l'ennemi qui mesure la brutalité d'un tir de neutralisation ou le potentiel d'éclairement d'une salve en pleine nuit ne sont pas à négliger. 
L'Indochine, puis le Vietnam (bases avancées de Na San en 1952 ou de Khe Sahn en 1968)  nous confortent dans la nécessité de mettre des canons le plus en avant possible, y compris en zone urbaine. En effet, si les canons américains entrent dans Aix La Chapelle en octobre 1944 pour participer à la conquête de la ville par des tirs directs, la doctrine actuelle française met encore en oeuvre les détachements d'artillerie d'assaut avec des systèmes d'armes de type AUF1. De même, les moyens anti-aériens au niveau des premiers échelons, postes avancées et autres FOB, ont toujours permis d'aveugler le camp adverse en abbatant avions, ballons ou drones et ce, depuis 1914 puis pendant le second conflit mondial. Guderian, en mai 1940 avait concentrer sa "Flak" autour des points de franchissement de la Meuse aux abords de Sedan empêchant ainsi aux raids aériens anglais et français de frapper les ponts du génie allemands. Aujourd'hui encore, les missiles et canons (et demain les moyens C-RAM) joueront le même rôle sur les bases avancées des armées occidentales.
Enfin, nous verrons, dans un prochain article, que les enseignements du conflit russo-ukrainien de ces dernières années soulignent le retour de l'artillerie dans les guerres hybrides avec des pièces (2S1 russes par exemple) qui ne sont jamais très loin de la ligne des contacts (tout en préservant sa capacité à frapper dans la profondeur).



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