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lundi 7 mai 2012

Bataille de Na San : introduction sur la marche à l'ennemi.


Pour débuter en douceur une réflexion historique sur la marche à l'ennemi et la manoeuvre d'approche en général et ce, en étudiant différentes armées et différentes époques, je vous propose, ci-dessous une rapide évocation de la bataille de Na San en Indochine en 1952. Au cours de cet engagement, le corps de bataille vietminh a progressé vers le camp retranché français en acceptant le rythme, l'opération de déception et le tempo du freinage de son adversaire pour venir enfin se briser, selon un déploiement attendu, sur les défenses de Na San. Nous rentrerons donc plus avant dans cette question de la phase d'approche du combat de rencontre dans des posts à venir. Bonne lecture...

         La bataille de Na San 23 novembre – 02 décembre 1952
Contexte :
Au début du mois d'octobre 1952, Na San n'est qu'un simple poste avancé de la province de Son La qui dispose d'une courte piste d'atterrissage. La ville se présente comme une cuvette de 5km sur 2km entourée de crêtes permettant de protéger et de dissimuler la piste. En octobre 1952, le général Giap, qui a médité son échec de l'année précédente, lors de la bataille de Nghia lo, décide de reprendre l'offensive en pays Thaï et de dégager la route vers le sud. Il engage alors trois de ses divisions (308, 312 et 316) qui franchissent le fleuve rouge au début du mois. Devant la pression ennemie, le général Salan fait évacuer les petits postes avancé et décide de créer un point de fixation retranché autour de Na San.



Forces en présence :
France : Groupement Lansade à 3 bataillons d’infanterie, groupement mobile vietnamien à 5 bataillons d’infanterie, groupement parachutiste à 4 bataillons, 6 batteries d’artillerie, 6 sections de génie et des appuis feux aériens conséquents.
Vietminh : 3 divisions à 3 régiments chacune.
Déroulement :




Phase préparatoire :
Salan donne l'ordre à la garnison de Than Yuen et au 6e BPC de se replier sur Na San qu'ils atteignent avec grande difficulté le 24 octobre. Il confie le commandement du camp retranché au colonel Gilles et fait constituer le GOMRN (groupement opérationnel de la moyenne rivière noire) destiné à sa défense et aux contre-attaques. Outre une piste atterrissage utilisable par les avions de transport, Na San est bien située sur la route provinciale 41 et dispose du double avantage d'être entourée de sommets permettant sa défense et d'être proche de Hanoi par voie aérienne (45mn pour un Dakota).
Salan fait alors établir un pont aérien qui, entre le 16 octobre et le 30 novembre, va acheminer 15 000 hommes, 2 500 tonnes de fret et 125 véhicules. Pour arriver à ce résultat il a recours à 655 Dakota militaires, 702 Dakota civils et 116 avions cargo Bristol 170.
Phase de diversion :


Apprenant la présence d'un important dépôt de matériel et de munitions à Phu Don, au nord-est de Na San, le général Salan décide de gagner du temps et de lancer une opération de diversion qu'il confie au général de Linarès. L'opération, dénommée "Lorraine", se déroule du 28 octobre au 14 novembre et met en œuvre 3 groupes mobiles (GM1, GM3 et GM 4) et 1 groupe aéroporté. Le bilan est de 250 tonnes de munitions, 1500 armes de tous calibres et 4 camions Molotova saisis au Vietminh. En outre, un régiment au moins de la division 308 a dû changer de direction de marche pour s'opposer à l'opération.

Le siège de Na San :



  23 novembre 20H00.
Le bataillon 322 vietminh tente de s'emparer du PA no 8 au centre du dispositif. Il est repoussé par la 11e compagnie du III/5e REI et par la 5e compagnie du 3e BPC arrivée en renfort. Un second assaut, la même nuit, connaîtra le même échec


Nuit du 30 novembre

Les PA 22 bis et 24, respectivement situés à l'ouest et à l'est du camp retranché, sont pris à partie par 9 bataillons ennemis[]. Alors que le 22 bis, défendu par une compagnie succombe rapidement au bataillon 115 vietminh, une compagnie renforcée résiste 3 heures durant sur le PA 24


1er décembre

Le colonel Gilles, qui ne peut laisser aux mains du Viet Minh ces deux PA qui dominent la base, fait appel, dès l'aube à ses troupes d'intervention. Ainsi, après une préparation d'artillerie, deux compagnies du 2e BEP s'élancent et investissent rapidement le PA 22 bis en début de matinée. Pour le PA 24, la lutte est plus difficile, la position n'est reprise par le 3e BPC qu'en début d'après-midi, après 7 heures de combat.


Nuit du 1er au 2 décembre

C'est l'assaut général sur Na San. L'effort principal du Viet Minh se concentre au sud-ouest sur le PA 21 bis et, à l'est, sur le PA 26. Les 147 hommes de la 10e compagnie du 5e REI résistent à 5 assauts successifs sur le PA 21 bis. À l'extrémité est, le 3e bataillon du 3e REI (560 hommes), va également repousser 4 assauts vietminh. Le camp retranché a résisté, Giap admet le 4 décembre sa défaite et retire ses divisions.


Bilan :

Les Français comptent quelques dizaines de blessés et tués alors que Giap perd près de 3000 hommes dans la bataille. Le camp retranché, devenu inutile, sera évacué en août 1953 et servira de référence pour la mise en place de Dien Bien Phû.


Enseignements opératifs et tactiques :

-Emporté dans son élan et devant l’évacuation des postes français plus au nord, Giap concentre une partie de son corps de bataille sur un axe de marche au risque d’être fixé.
-Le général Salan, décide de jalonner l’ennemi jusqu’à Na San pour ralentir sa progression et se renseigner sur son dispositif voire canaliser le déploiement adverse.
-L’effort logistique et génie consenti est important et finement planifié pour établir le pont aérien et le camp retranché.
-Une opération de diversion permet de frapper la logistique vietminh, de détourner une partie des unités ennemies de leur objectif initial et donc de gagner des délais nécessaires à la valorisation du camp retranché.
-Pendant la bataille, le commandement français a employé pour la première fois une nouvelle tactique, appelée « le hérisson ». Il s'agit d'un concept de défense constitué d'un poste principal entouré de plusieurs positions armées appelés points d'appui (PA). L'objectif est de réaliser autour du terrain d'aviation un ensemble fort avec points d'appuis battus par l'artillerie, plaçant le terrain à l'abri de toute attaque ennemie.
-La faible distance de Hanoi permet de bénéficier d’un large appui aérien (ce qui manquera à Dien Bien Phû).
-La réserve constituée par le colonel Gilles permet de reprendre rapidement les points d’appui perdus et de protéger le cordon logistique constitué par la piste aérienne (le centre de gravité français).
-L’artillerie française est importante et gagne facilement la supériorité des feux face à des appuis vietminh sous-dimensionnées (ce qui sera différent à Dien Bien Phû).

1 commentaire:

  1. Il aurait été intéressant de fournir aussi les principales bases bibliographiques, notamment dans le cas de batailles très étudiées sur lesquelles plusieurs interprétations circulent.

    Johann

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