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vendredi 22 juin 2012

Histoire bataille : la conquête des Philippines par le Japon 1941-1942.


Dans le cadre de nos études sur les grandes batailles et la réflexion sur les enseignements tactiques, doctrinaux et opératifs de ces combats, je vous propose une petite synthèse de la conquête de l'archipel des Philippines par les Japonais en 1941 et début 1942. Cet épisode militaire met en exergue l'importance de la planification, le rôle du renseignement et celui des appuis tant dans la défensive que dans l'offensive ainsi que l'influence de la surprise sur les choix de commandement.

Contexte :
Dès l’été 1941, les pays européens présents en Asie du sud-est, comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas, pressentent une action de force japonaise sur leurs possessions. Les Etats-Unis et leur allié philippin sont également inquiets, d’autant que c’est le général Mac Arthur, ancien chef d’état-major de l’armée américaine qui dirige depuis 1937 l’armée philippine encore mal équipée et peu entraînée. Après Pearl Harbour, les Philippines sont donc le second objectif stratégique des Nippons du fait de leur position géographique comme point d’appui pour attaquer les Indes orientales néerlandaises et leurs puits de pétrole tout en formant un rempart sur la route du Japon.


Forces en présence :
 

Philippines + Etats-Unis : 80 000 hommes dont 10 divisions de Philippins renforcées par 30 000 soldats américains avec des chars obsolètes mais 140 avions dont 100 chasseurs P40 ainsi que de nombreuses pièces d’artillerie côtière ou de campagne.

Japon : 75 000 hommes de la 14ème armée japonaise du général Homma avec un appui aérien puissant et de nombreuses unités blindées et amphibies.

Déroulement :

Phase préliminaire.
Les 8, 10 et le 12 décembre les Japonais lancent des débarquements de diversion sur l’île Batan, au nord de Luçon et à Legazpi (sud de l’île) avant de prendre pieds sur Mindanao le 19 décembre.
Mac Arthur  envoie des raids aériens qui endommagent des bâtiments japonais mais qui ne sont pas décisifs. Il met en place un dispositif défensif en 4 zones : la force de Luçon nord pour défendre les plaines centrales, Corregidor et les sites de débarquement potentiels, la force de Luçon sud à l’est et au sud de Manille, la force Visayan-Mindanao et la force de réserve (aviation, 1 division philippine, 4 régiments d’artillerie) au nord de Manille.

Phase 1 : l’attaque.
L’attaque principale nipponne débute les 22 et 23 décembre quand 43 000 hommes appuyés par une centaine de chars débarquent sur trois sites distincts, entre Agoo et Bauang,  au nord de l'île et dans la baie de Lamon, au sud-est de Luçon. C’est une attaque concentrique sur trois directions qui surprend les défenseurs. Ces derniers, faiblement équipés, sont submergés hormis le 26ème régiment de cavalerie qui arrête les Japonais à Rosario mais doit rompre le contact en l’absence de soutien permettant à l’armée impériale de pénétrer de 16 km à l’intérieur de l’île en 24 heures. Les Américains engagent leur réserve en direction de Bataan et commencent à planifier dès le 26 décembre un retrait vers Corregidor considéré comme une forteresse inexpugnable.



Phase 2 : la résistance américaine.
Le 31 décembre, les Nippons, qui avaient progressé jusqu’à 50 kilomètres de la capitale doivent faire une pause opérationnelle devant les ponts de Calumpit permettant aux Américains et aux Philippins de constituer une solide ligne de résistance entre Porac et Guagua.  Les Japonais lancent un assaut massif le 2 janvier 1942, mais sont stoppés après 1 800 nm de progression.  Néanmoins, il apparaît évident que la supériorité numérique japonaise finira par l'emporter et MacArthur déclare Manille ville ouverte. Entre le 07 et le 14 janvier, les troupes américaines résistent aux Nippons à Abucay et lance même une contre attaque le 16 janvier, sans succès. La garnison de Bataan, encerclée, tient le siège faisant 7000 tués japonais mais doit se rendre deux mois plus tard privée de logistique (la garnison fera 150 km pour rejoindre son lieu de détention au cours de la marche dite « de la mort » où nombre de combattants mourront d’épuisement). Les américano-philippins tiennent en respect les Japonais qui ont subi de lourdes pertes mais recomplètent leurs moyens et leurs effectifs en vue de relancer l’action.

Phase 3 : l’effondrement américain.
Le 03 avril, les forces japonaises entament une offensive puissante balayant tout sur leur passage jusqu’à l’île fortifiée de Corregidor, dernier point d’appui allié. Le général Mac Arthur ayant été exfiltré vers l’Australie le 12 mars, le général Wainwrigtht dirige les opérations et tente de gagner du temps et ce, malgré les bombardements adverses. Face à un nouveau débarquement japonais les 5 et 6 mai sur l’île et confronté à la destruction des 56 canons et 72 pièces antiaériennes de la garnison, il capitule le 08 mai 1942 avec ses 11 000 derniers combattants américains et plusieurs dizaines de soldats philippins.

Bilan :
Les américano-philippins comptent près de 40 000 tués ou blessés et près de 70 000 prisonniers alors que les Japonais perdent 10 000 morts et 22 000 blessés. De nombreuses unités américaines et philippines s’enfoncent dans la jungle et constitueront un maquis puissant et très efficace jusqu’à la libération de l’archipel en 1943 sous la conduite du général Mac Arthur.

Enseignements opératifs et tactiques :

-Le dispositif défensif américain ne prend en compte qu’un axe d’attaque japonais (le plus probable) sans envisager un autre mode d’action nippon, perdant ainsi toute liberté d’action à moyen terme.
    -Les Japonais lancent des attaques de diversion pour obtenir du renseignement et disperser les efforts adverses puis joue de la surprise en débarquant sur trois sites échelonnés dans le temps.
     -Plutôt que de soutenir le 26ème de cavalerie qui arrête les Nippons à Rosario, Mac Arthur engage sa réserve vers Bataan qui devient un point de fixation mais neutralise de nombreuses forces dans une défense sans issue.
    -Les Japonais font l’expérience difficile du siège en milieu urbain consommateur en effectifs et en temps.
    -Les Américains exploitent la pause opérationnelle japonaise en janvier 1942 pour renforcer et réarticuler la ligne de défense, regagnant ainsi une part d’initiative  mais aussi l’opportunité de préparer et de planifier la défense de Corregidor.
   -Les Japonais lancent leur offensive dès qu’ils ont tous leurs moyens réunis pour faire basculer le rapport de forces.
    -La défense de Corregidor prend fin dès que les appuis américains ainsi que leur défense anti-aérienne sont neutralisés par les ennemis.

Frédéric Jordan

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