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« L’écho du champ de bataille » a pour ambition de vous proposer à la lecture et à la réflexion des contributions sur des sujets relatifs à la stratégie, à l’art opératif, à la tactique et plus largement sur l’engagement et l’emploi des armées. Ces brèves, illustrations ou encore problématiques vous seront livrées sous le prisme de l’histoire militaire mais aussi sous celui des théâtres d’opérations d’hier, d’aujourd’hui, voire de demain. Des enseignements de grands chefs militaires de toutes les époques aux analyses polémologiques prospectives en passant par la doctrine ou aux équipements des forces françaises et étrangères. Gageons que vous aurez plaisir à lire ces articles ou à contribuer au débat. Bonne lecture…

samedi 7 juillet 2012

Remontée en puissance des forces armées : perspectives historiques.


L’histoire militaire nous donne de nombreux exemples d’armées qui, par les circonstances, ont vu leur format, leurs moyens et leur entraînement limités par les contraintes budgétaires, politiques ou internationales du moment. Pourtant, elles ont su, toutes à leur façon, profiter de ces époques difficiles pour investir dans la formation, l’innovation technique ou doctrinale et consolider ce que l’on appelle aujourd’hui le lien armée-nation. Conscientes que le passé demeure une belle école pour appréhender l’avenir, ces militaires ont réussi le challenge de mettre en place tous les atouts d’une remontée en puissance de leurs institutions à l’aune de la seconde guerre mondiale. Dans ce cadre, nous verrons donc successivement les efforts allemands, américains et soviétiques de l’entre-deux-guerres pour se préparer aux enjeux du conflit à venir.



1-Le cas allemand.

L’Allemagne des années 1920 est lourdement contrainte par les termes du Traité de Versailles signé en 1919. Dans ce cadre, l’armée allemande est ainsi limitée à 100 000 hommes avec un matériel désuet ou dépassé et elle n’est pas autorisée à mettre sur pied « un grand état-major ». Pétri du souvenir du redressement de l’armée prussienne en 1806-1807 après les défaites face à Napoléon, le général Von Seeckt, qui commande cette force embryonnaire, cherche à maintenir l’esprit des grands penseurs militaires (comme le général Scharnhorst) en faisant effort sur l’instruction et la réflexion tactico-opérative. Il élargit également le recrutement des officiers au-delà de la noblesse et augmente la proportion de cadres pour réactiver, le temps venu, des unités mises en sommeil, faute d’effectifs et de moyens à y consacrer (des compagnies devenant les noyaux durs des futurs régiments et les régiments ceux des futures divisions). Mais c’est en termes d’organisation qu’il fait preuve d’ingéniosité en créant un état-major secret, le « Truppenamt », qui dispose, entre autres, d’un bureau armement (pour travailler sur les innovations techniques comme les blindés) et d’une cellule entraînement fortement pourvue. Dans chaque arme et service, des comités d’officiers et d’historiens sont initiés pour tirer les enseignements opérationnels et tactiques des batailles de la première guerre mondiale et ce, en vue de concevoir la doctrine à venir. Efficace, cette démarche permettra, après la prise de pouvoir d’Hitler, de compter sur une force de 228 000 hommes en 1935 puis d’un million de soldats en 1939 (300 000 réservistes ont été formés avec des contrats de 6 mois depuis 1934). Pour illustrer ce propos, relisons donc quelques lignes de la biographie du colonel Stauffenberg (alors lieutenant de cavalerie en 1930) écrite par Jean-Louis Thériot en 2009 : « S’il excelle en tactique, il pense en stratège. Comme tous les militaires du monde, il étudie avec attention les leçons à glaner sur les champs de bataille du passé. Il polémique avec un ami de Stephan George, l’historien militaire Walter Elze, qui vient de commettre deux savantes études, l’une sur la bataille de Tannenberg remportée par le général Hindenburg sur le front de l’est  en 1914, l’autre sur le général von Schlieffen ». L’histoire militaire est clairement au cœur de la culture des officiers allemands.


2-Le cas américain.

Après l’engagement consenti en Europe en 1917 et surtout 1918, les Etats-Unis reviennent à une politique isolationniste et pacifiste dès la fin des hostilités. En 1920, Washington vote le « National Defense Act » avec une armée composée de 200 000 hommes, chiffre ramené à 135 000 combattants deux ans plus tard. Le « Tank corps »[i] est dissout et les forces américaines s’endorment sur les acquis de la guerre 1914-18 à l’instar du char « Liberty » (vitesse de 8 km/h) de fabrication nationale dont les 150 exemplaires produits en 1918 seront conservés jusqu’en 1935, au grand damne du  général Mac Arthur alors chef d’état-major. Avec la grande dépression de 1929, les militaires ne sont employés que dans des missions intérieures comme la dispersion des manifestations menées par les « Bonus marcher » (vétérans réclamant le paiement de pensions de guerre), en 1932. Des régiments de cavalerie à cheval sont alors utilisés dans ce but comme celui d’un certain colonel Patton, au risque de nuire à l’image de l’institution et à son entraînement au combat conventionnel. Sous l’impulsion du général Marshall, qui regroupe autour de lui de jeunes officiers ou des hommes expérimentés imaginatifs et curieux (Chaffee, Patton, Stilwell, Gavin, Bradley,…), les Etats-Unis tentent de moderniser leur armée. Celle-ci représente, en 1938, 165 000 hommes, dont 12 000 officiers (16ème rang mondial derrière la Turquie et la Roumanie !) qu’il faut équiper (pas de blindés ni de pièces antichars ou anti-aériennes, manque de munitions, de mitrailleuses, équipement individuel ancien et usé). Ce que l’on appellera plus tard les « réformateurs » vont alors lire les écrits de Guderian et de Rommel, parcourir les champs de bataille de la guerre de sécession, étudier les campagnes de France et de Pologne, organiser des manœuvres de grande ampleur (dans des camps en Louisiane et au Texas) pour bâtir le concept de divisions aéroportées ou celui des divisions blindées interarmes, surnommées par Patton « des poings en acier trempé » (3 régiments de chars, un groupe d’artillerie tractée, un bataillon de génie) avec 380 chars, 200 automitrailleuses et 24 obusiers de 105mm dont l’efficacité sera prouvée dès 1942.



3-L’exemple soviétique.

Concernant les Soviétiques, la guerre civile a fortement désorganisé les armées tsaristes qui doivent retrouver leur cohérence malgré les réformes économiques et les purges staliniennes. Néanmoins, comme le souligne le général Guillaume dans son ouvrage « Pourquoi l’armée rouge a vaincu », ce qui fera la force de l’armée soviétique face aux Allemands repose clairement sur les mesures prises en amont de la guerre malgré les difficultés budgétaires. Au-delà d’une population importante et d’une propagande forte, Moscou s’appuie en effet sur la formation des cadres (niveau de culture générale élevé), l’avènement des sciences militaires comme discipline intellectuelle (école de pensée opérative de Toukhatchevski par exemple), sur le patriotisme ferment de la force morale, sur la mobilisation des réservistes (collèges militaires, clubs de parachutisme, associations,…) et enfin sur un effort industriel important dans le domaine de l’armement (avions d’attaque au sol « Stormovik » et lance-roquettes « Katiouchas » par exemple).



Pour conclure, il apparaît clairement que ces forces armées, persuadées du péril à venir, ont exploité le temps et les faibles moyens dont elles disposaient pour réfléchir à leur organisation, à leurs modes d’action et aux équipements nécessaires aux évolutions tactiques de leur époque. Valorisant les énergies et la réflexion des cadres les plus prometteurs ou les plus iconoclastes, ils ont fait un effort considérable dans la formation avec, en particulier, le bénéfice des enseignements apportés par l’étude de l’histoire bataille et militaire en général.


Frédéric Jordan.

[i] Corps blindé et mécanisé.

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