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mardi 10 décembre 2013

Enseignements de la campagne du maréchal Leclerc au Sahara 1940-1943. (2)

 
Nous poursuivons et terminons notre lecture des enseignements de la campagne saharienne du maréchal Leclerc à la tête d'une poignée de combattants devenus forces françaises libres.
 
Devant ce milieu si particulier que constituent les zones désertiques des confins du Tchad et de la Libye, le général Ingold décrit le combat au Sahara comme un long assaut sur un "océan" aride. C'est un "assaut vers un ennemi qu'ils ne voyaient pas, mais dont ils guettaient sans cesse l'apparition à l'horizon, comme le marin guette au loin la vision d'une escadre ennemie. Le mot d'ordre était alors de se jeter à sa poursuite et d'essayer, par la manœuvre, de lui couper la route, sa route à travers la mer de sable, tandis qu'aux pièces, pointeurs, tireurs déclenchaient le tir des armes".

Dans ce contexte, l'équipage est alors considéré comme la cellule de combat car l'action d'un seul engin, par le feu, le mouvement ou le renseignement peut avoir un rôle décisif. C'est également le cas de la voie aérienne dont le rayon d'action permet le soutien logistique des colonnes, les frappes dans la profondeur, les reconnaissances  photographiques et le déplacement rapide de troupes ou de matériels au niveau opératif (entre le Cameroun et le Tchad).
Le colonel Leclerc décide dès sa prise de fonction de mener une opération symbolique sur Koufra (carrefour qui ouvre la voie vers le nord libyen) tout en organisant la phase préparatoire de son plan (ordres, reconnaissances du commandant Hous, revue des avant-postes ou bases logistiques comme à Zouar). Le maréchal Leclerc sait qu'il doit palier sa faiblesse technique (infériorité de l'armement par rapport aux forces italiennes, vétusté des engins et des mitrailleuses de bord) par une grande rapidité dans le cycle de prise de décision et par une plus importante subsidiarité comme par une initiative accrue de chacun des acteurs. D'ailleurs il déclare, en prenant le commandement : "Je demande à tous de solutionner les difficultés quotidiennes dans le cadre et dans l'esprit de la mission reçue, de provoquer les ordres nécessaires en signalant à l'autorité supérieure les erreurs ou les omissions." En termes de problématiques logistiques, et devant le manque de vecteurs motorisés français, les convois chameliers sont un moyen de substitution efficace et se succèdent pour emporter vivres et essence vers des plots de ravitaillement à plus de 8 jours de marche. De même, des raids, comme celui conduit sur Mourzouck, sont menés contre les postes ennemis afin de détruire ses pistes aériennes et pour aveugler son dispositif d'alerte (ou ses patrouilles). Puis, s'ensuivent les mouvements des unités françaises au travers d'un terrain difficile et parfois méconnu. Aussi, est-il fait appel aux témoignages écrits de militaires, ou de géographes, qui ont sillonné les mêmes lieux près de 25 ans plus tôt. C'est un apport inattendu de l'histoire militaire qui est, aujourd'hui encore, maintenu dans la conduite d'opérations contemporaines (certaines cartes du XIXème siècle sont parfois plus précises ou mieux commentées). Le commandant Thilo avait, par exemple, signalé, en 1915, le meilleur moyen de suivre l'itinéraire entre Tekro et les puits de Sarra, sites indispensables pour ravitailler une colonne en donnant les massifs à éviter ou les cols les plus praticables.
Dès lors, dans leur marche vers le fort de Koufra, les Français rencontrent des unités mobiles italiennes (souvent supérieures en nombre) mais les défont grâce à des manœuvres bien rôdées : surveillance, sûreté, fixation, enveloppement ou débordement afin de provoquer la rupture de contact adverse et sa retraite puis d'exploiter l'avantage avec la poursuite des fuyards. Le refus de l'immobilité permet de soustraire les FFL à l'action de l'aviation ennemie alors que l'artillerie amie joue un rôle décisif et psychologique sur un belligérant retranché (Fort de Koufra). L'auteur rappelle que la création d'une réserve est garante de la capacité, le moment venu, à manœuvrer et à surprendre l'armée italienne sur ses arrières, ses lignes de communication, la privant de toute liberté d'action malgré les immenses étendues désertiques.
En conclusion, ce retour d'expérience décrit par le général Ingold sur les colonnes Leclerc au Sahara met en exergue des procédés propres à la tactique en zone désertique. Tout d'abord, la nécessité d'étudier et de connaître le terrain comme l'environnement, aux formes diverses mais dangereuses. La planification des opérations doit être réalisée sous un angle interarmées avec le souci d'anticiper la logistique, les mouvements ou la recherche du renseignement. Au combat, l'initiative appartient aux unités légères capables de réagir avec célérité dans une manœuvre privilégiant l'emploi des appuis sur les cibles durcies, la fixation de l'ennemi puis son débordement (ou enveloppement). La clé du succès demeure dans la recherche de la surprise, l'adaptation à l'adversaire, le refus de l'immobilité et in fine l'initiative de chaque échelon face au contexte ou aux situations particulières. Comme le diar bien des années plus tard en Algérie le général Vanuxem face au FLN : "le renseignement tient lieu de hiérarchie, c'est le mieux placé qui commande".
 
Frédéric Jordan
Source image: Blog Bachi et Guêtre.
 
 

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